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tion de ce décès par l'examen du cadavre (articles 77 et 78); en dehors de cela, faute de preuves, il y a incertitude et par conséquent lieu non pas de rédiger un acte de décès, mais de recourir à la procédure de l'absence.

C'est une exagération. De ce que l'article 55 dit que l'acte de naissance doit être rédigé dans les trois jours, il ne suit pas qu'en dehors de ce délai l'acte ne puisse plus être rédigé ; la preuve est dans l'avis du 12 brumaire an XI. De ce que l'article 77 dit que l'acte de décès ne doit être dressé qu'après vérification du décès par l'inspection du cadavre, il ne suit pas que, sans cette condition, l'acte ne puisse plus ètre dressé. Ce qui en résulte, c'est que l'officier de l'état civil doit s'abstenir et ne rédiger l'acte que sur production d'un jugement. Il y a des cas où la mort est certaine quoique le cadavre ne soit pas retrouvé, où l'acte dès lors peut être légitimement dressé, ce qui exclut l'application des règles de l'absence. Entre les deux cas, la distinction tiendra souvent à peu de chose; c'est au juge d'apprécier en fait s'il y a lieu de rédiger un acte de décès ou de suivre les règles de l'ab

sence.

Plusieurs décisions de jurisprudence ont été rendues en ce sens1, mais d'autres l'ont été en sens opposé. Sur la question, spécialement en ce qui concerne les marins disparus, la France semblait partagée en deux zones. Le Midi résistait à la pratique nouvelle et tenait pour l'application rigoureuse de la loi; de Marseille à Bordeaux, le marin disparu, dont le décès n'avait pu être régulièrement constaté, n'était qu'un absent. Au Nord, la jurisprudence se montrait moins rigoureuse; de Dunkerque à Brest, on faisait dresser un acte de notoriété par le juge de paix, puis on présentait requête au président du tribunal et l'acte était dressé.

Pour mettre fin à ces divergences, la loi du 8 juin 1893 a tranché définitivement la question. Cette loi, portant modification des dispositions du Code civil relatives à certains actes de l'état civil et aux testaments faits soit aux armées, soit au -cours d'un voyage maritime, a modifié notamment, au point de vue qui nous occupe, les articles 87 à 92 du Code. Il suffit de rapporter ici les textes modifiés: « Article 87. Si une

1. Rouen 11 octobre 1889, D. P. 1890. II. 305 (note de M. Planiol), Besançon 30 juillet 1878, D. P. 1879. II. 34.

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<«< ou plusieurs personnes inscrites au rôle d'équipage ou pré«<sentes à bord, soit sur un bâtiment de l'Etat, soit sur tout <«< autre bâtiment, tombent à l'eau sans que leur corps puisse <«< être retrouvé, il sera dressé un procès-verbal de dispari(( tion par l'autorité investie à bord des fonctions d'officier de « l'état civil. Ce procès-verbal sera signé par l'officier instru<«<mentaire et par les témoins de l'accident, et inscrit à la <«< suite du rôle d'équipage...- Article 88. En cas de présomp«<tion de perte totale d'un bâtiment ou de disparition d'une partie de l'équipage ou des passagers, s'il n'a pas été pos<«<sible de dresser les procès-verbaux de disparition prévus à «<l'article précédent, il sera rendu par le ministre de la ma«<rine, après une enquête administrative et sans formes spéciales, une décision déclarant la présomption de perte du <«< bâtiment ou la disparition de tout ou partie de l'équipage ou « des passagers... - Article 90. Le ministre de la marine « pourra transmettre une copie de ces procès-verbaux ou de «< ces décisions au procureur général du ressort dans lequel se trouve le tribunal, soit du dernier domicile du défunt, «soit du port d'armement du bâtiment, soit enfin du lieu du décès, et requérir ce magistrat de poursuivre d'office la <«< constatation judiciaire des décès. Ceux-ci pourront être dé«clarés constants par un jugement collectif rendu par le tri«bunal du port d'armement, lorsqu'il s'agira de personnes disparues dans un même accident. Article 91. Les inté«<ressés pourront également se pourvoir à l'effet d'obtenir la « déclaration judiciaire d'un décès, dans les formes prévues « aux articles 855 et suivants du Code de procédure civile. «Dans ce cas, la requête sera communiquée au ministère de <«< la marine, à la diligence du ministère public. - Article 92. «Tout jugement déclaratif de décès sera transcrit à sa date « sur les registres de l'état civil du dernier domicile, ou, si <«< celui-ci est inconnu, à Paris. Il sera fait mention du juge<«<ment et de sa transcription en marge des registres, à la date « du décès. Les jugements collectifs seront transcrits sur les registres de l'état civil du port d'armement; il pourra en « être délivré des extraits individuels. Les jugements décla«<ratifs de décès tiendront lieu d'acte de l'état civil et ils se«ront opposables aux tiers, qui pourront seulement en obte«nir la rectification conformément à l'article 99. »

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C'est la confirmation législative de l'arrêt rendu par la Cour

de Rouen. Seulement la loi est incomplète, car elle ne se réfère pas à tous les cas où il peut y avoir intérêt à dresser un acte de décès sans qu'il y ait possibilité pour l'officier de l'état civil de vérifier le décès par l'inspection du cadavre; elle ne parle pas des catastrophes terrestres, telles qu'incendies, tremblements de terre, etc. Le législateur aurait mieux fait d'entrer dans moins de détails et de poser une règle générale. La jurisprudence y suppléera sans doute en étendant la loi de 1893, dont les dispositions seront regardées comme applicables par analogie1.

122. Mèmes observations doivent être faites pour les actes de mariage. D'après l'article 76, les futurs époux qui venlent se marier doivent justifier qu'ils réunissent toutes les conditions exigées par la loi; ils doivent, à cet effet, remettre à l'officier de l'état civil les pièces nécessaires. L'article 75 ajoute que l'acte doit être dressé sur le champ. Si les futurs époux ne justifient pas des conditions voulues, ou si l'officier de l'état civil estime que quelqu'une fait défaut, il ne doit pas être procédé au mariage, sauf aux intéressés à s'adresser à l'autorité judiciaire et à faire ordonner que le mariage sera célébré et l'acte de mariage dressé, s'il ne l'a pas été, sans désemparer. Seulement ici, au lieu d'agir dans la forme des rectifications, c'est-à-dire par requête au président du tribunal,c'est contre l'officier de l'état civil que les parties agiront pour lui faire ordonner de passer outre.

C'est toujours la même idée: en dehors des conditions prévues, l'acte ne doit être reçu qu'en exécution d'un jugement. C'est une observation d'ordre général, toujours sous-entendue.

1. Dès avant 1893, certains arrêts considéraient les dispositions du décret du 3 janvier 1813, sur la constatation des décès survenus dans les mines, comme applicables par analogie dans toutes les hypothèses où la constatation des décès par inspection du cadavre est impossible. Voyez notamment l'arrêt de Besançon rapporté suprà, p. 196, note 1.

CHAPITRE III

RÈGLES SPÉCIALES AUX ACTES DE L'ÉTAT CIVIL REÇUS DANS CERTAINES CONDITIONS EXCEPTIONNELLES.

123. Relativement à ces règles, des modifications notables ont été apportées au Code civil de 1804 par la loi déjà citée du 8juin 1893, dont c'est l'objet principal. Comme précédemment, nous allons procéder surtout par renvoi aux textes; ils sont relatifs aux quatre objets suivants.

1° Aux actes de l'état civil reçus à l'étranger concernant des français, ou concurremment des français et des étran

gers.

2o Aux actes concernant les militaires en service et personnes assimilées, d'abord à l'étranger et aussi en France, dans les cas qui rendent impossible le recours au droit commun. Tout le chapitre V du titre II est consacré à ce sujet. Avant la loi de 1893, ce chapitre commençait à l'article 88. La loi a interverti l'ordre des numéros en ajoutant au chapitre IV les cinq articles 88 à 92; le chapitre V ne commence donc plus qu'à l'article 93. D'autre part, la rubrique du chapitre V a subi un changement. Avant la loi de 1893, la rubrique était la suivante: Des actes de l'état civil concernant les militaires hors du territoire du royaume; depuis 1893 elle est ainsi conçue: Des actes de l'état civil concernant les militaires et marins dans certains cas spéciaux, c'est-à-dire non seulement à l'étranger, mais aussi en France dans certains cas. Ces cas sont énumérés dans l'article 93: en cas de mobilisation, en cas de siège, dans les établissements lointains dépendant des armées.

3o Aux actes dressés au cours d'un voyage en mer: actes denaissance (articles 59 et suivants), actes de décès (articles 86 et suivants). On ne prévoit pas les mariages, qui, de fait, ne sont pas très fréquents en mer.

4° Aux actes reçus dans les hôpitaux, lazarets ou prisons

(articles 80, 84 et 85). Le cas n'est prévu que pour les actes de décès, parce qu'on s'y marie peu et qu'on n'y naît pas habituellement; mais il y a lieu de généraliser.

Il y a, dans ces cas qui sont assez nombreux, tout un droit spécial. Les articles cités ont été tous plus ou moins modifiés par la loi du 8 juin 1893, loi importante, qui, comme beaucoup de lois contemporaines, a eu le tort de procéder en allongeant indéfiniment les textes; certains articles sont devenus longs comme des dissertations. Cela vient de ce que la loi a prévu les cas particuliers, au lieu de dégager une idée générale, dont la pratique aurait ensuite déduit les applications. Ce ne sont pas de bons procédés législatifs, comme on peut s'en convaincre en étudiant les textes.

124. Dans les cas spéciaux que les textes prévoient, il est dérogé aux règles habituelles sous trois rapports.

1o La loi indique qui remplira, selon les cas, les fonctions d'officier de l'état civil. C'est précisément là qu'apparaît la nécessité de règles spéciales, car on ne pourrait pas recourir au fonctionnaire du droit commun. Les articles cités y pourvoient et il suffit de renvoyer aux textes.

2o La loi simplifie les formalités nécessaires, attendu qu'il pourrait alors n'être pas possible de remplir les formalités du droit commun. Le renvoi aux textes suffit comme précédem

ment.

3o Enfin la loi avise, voulant assurer la concentration des actes, ce qui est nécessaire pour faciliter les recherches, à ce que les actes dressés dans des cas spéciaux soient ultérieurement reportés sur les registres de l'état civil du domicile des parties. C'est là, en effet, qu'on va naturellement les chercher et qu'il est utile qu'on les trouve. Disséminés ailleurs, ils perdraient en grande partie leur utilité; où qu'ils aient été passés, il importe donc qu'ils soient reportés et constatés au domicile des parties et c'est à cela que la loi avise.

Ainsi, pour les actes concernant les militaires en service, il faut se reporter aux articles 94 et 95 in fine (rédaction de 1893). Jusqu'en 1893, il n'y avait que deux dépositaires des registres de l'état civil: les maires et les greffiers. Désormais, les ministres de la guerre et de la marine deviennent eux aussi dépositaires de registres. La loi ne dit pas d'ailleurs qu'on puisse leur demander des expéditions; mais ce n'est sans doute qu'une omission, car tout dépositaire de re

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