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d) Enfin d'office (article 16).

2o La loi règle la question de savoir à qui il appartient de statuer et c'est là que se trouve l'innovation capitale nécessitée par les circonstances. D'après le droit commun, c'est aux tribunaux civils qu'il appartient de statuer (article 46). La loi remplace les tribunaux civils, pour les actes détruits, par une commission centrale (articles 2 et 3). Si la commission admet, la reconstitution est faite par ses ordres; si elle rejette, un recours contre sa décision peut être formé devant le tribunal civil (article 4): on rentre dans le droit commun de l'article 46.

3o La loi règle l'autorité des actes rétablis. Ils n'ont pas toujours la même autorité que les actes anciens (article 3 in fine). C'est une règle de haute importance et absolument logique. Les extraits réguliers font foi jusqu'à inscription de faux; donc les actes reconstitués sur production d'extraits font également foi jusqu'à inscription de faux. Quant aux autres, ils ne font foi que jusqu'à preuve contraire, car ils ne sont reconstitués que sur déclarations et les déclarations ne font foi que jusqu'à preuve contraire.

De sorte qu'aujourd'hui les extraits des registres sont de deux sortes au point de vue de la force probante. Dans une première catégorie rentrent les extraits des registres réguliers (article 45 C. civ.) et les expéditions d'actes reconstitués lorsque la reconstitution a eu lieu sur titres reconnus authentiques; les extraits de cette première catégorie font foi jusqu'à inscription de faux. Dans une seconde catégorie rentrent les expéditions d'actes reconstitués par la commission centrale autrement que sur titres reconnus authentiques, lesquelles ne font foi que jusqu'à preuve contraire.

Ces distinctions, formellement faites par l'article 3 de la loi, confirment les règles établies plus haut quant à la force probante des diverses énonciations contenues dans les actes; elles n'en sont que l'application.

4o La loi pose le principe de la gratuité des procédures en reconstitution d'actes (articles 5 et 15 à 24).

5° Elle s'occupe du classement des actes reconstitués, de la reconstitution des dépôts (article 18).

Cette loi a eu ainsi un double but: faciliter la reconstitution des actes détruits et exonérer l'autorité judiciaire d'un travail qui eût entravé la marche de la justice. Aussi il a été

jugé que, pour les actes détruits par les incendies de la Commune, la loi de 1872 est exclusive de l'application de l'article 461..

Telle est cette loi. Elle a facilité dans la mesure du possible la réparation d'un désastre irréparable. Elle est une annexe de l'article 46.

L'application qui en fut faite n'a pas amené de suite tous les résultats attendus. Les articles 6 et 9 avaient prescrit les dépôts d'actes dans un délai bref et cela sous peine d'amende (article 19). Le législateur avait statué ainsi pour inciter un peu les intéressés ; mais les délais pour produire sans encourir les peines prononcées ont dû être successivement prorogés. A l'heure actuelle, le travail de reconstitution se poursuit toujours. Trois lois sont venues le réglementer à nouveau: celles des 5 juin 1875, 3 août 1875, et 5 juin 1893.

La loi du 5 juin 1875 a levé les pénalités de l'article 19, c'est-à-dire qu'elle a affranchi de la peine primitivement édictée ceux qui feraient à l'avenir des dépôts de pièces ou des déclarations conformément à la loi de 1872. C'était nécessaire pour faciliter la continuation des opérations. Elle substitue à l'amende un droit à percevoir sur les expéditions des actes reconstitués postérieurement, expéditions qui, jusquelà, avaient été gratuites.

La loi du 3 août 1875 a étendu, par des dispositions diverses, les pouvoirs des membres de la commission, pour faciliter l'accomplissement de leur mission.

Enfin la loi du 5 juin 1893 prend diverses mesures pour assurer la reconstitution d'office des actes détruits en 1871 et non encore reconstitués en 1893. La loi ordonne la reconstitution d'office des actes de naissance jusqu'au 1er janvier 1820, des actes de mariage jusqu'au 1er janvier 1830, des actes de décès jusqu'au 1er janvier 1838.

Dans ces conditions, c'est-à-dire sauf les modifications apportées par les lois postérieures, la loi du 12 février 1872 continue d'être appliquée. La commission instituée continuera ses fonctions jusqu'à ce qu'une loi nouvelle vienne mettre fin à ses attributions. Alors seulement la période de reconstitution exceptionnelle sera close; jusque-là, l'article 46 sera inapplicable aux actes détruits par l'incendie des dépôts à Paris.

1. Trib. de Saint-Quentin 15 novembre 1876, Journal Le Droit du 2 décem bre 1876.

148. Terminons par un mot très bref sur la loi du 10 juillet 1871. La loi du 12 février 1872, quoique très importante, n'a qu'un intérêt local; celle du 10 juillet 1871 n'a qu'une portée transitoire. Elle est intitulée : loi relative au mode de suppléer aux actes de l'état civil du département de la Seine détruits dans la dernière insurrection. Elle fournit le moyen de suppléer à certains actes nécessaires pour les mariages jusqu'à leur reconstitution: actes de naissance et actes de décès. La reconstitution des actes brûlés en 1871 n'étant pas achevée, les dispositions provisoires de la loi du 12 février 1872 reçoivent encore aujourd'hui leur application.

TITRE III

DU DOMICILE

149. Avec le titre III du livre I (articles 102 à 111), nous allons nous occuper du domicile. C'est un sujet simple, exclusivement pratique, sur lequel nous ne réunirons que quelques indications sommaires, pour le classement des idées et surtout des textes.

Le domicile est envisagé comme une nécessité d'ordre général. S'il est souvent utile, dans les rapports de la vie civile, de savoir à quelle nation une personne appartient, ce qui est une question de nationalité, s'il est utile de savoir à quelle famille une personne appartient, ce qui est une question d'état civil, il ne l'est pas moins de savoir où trouver cette personne d'une façon régulière et permanente: de là la notion du domicile. Le domicile est le siège légal des personnes. Nationalité, état civil, domicile, ce sont là les trois éléments généraux de l'individualité. Par là s'explique l'enchaînement des trois premiers titres du livre I du Code.

150. Il importe à la régularité des relations civiles que chaque personne ait un siège légal et permanent, où on puisse s'adresser à elle, même quand, de fait, elle a sa résidence ailleurs. C'est précisément le domicile. La demeure n'est qu'un pur fait; c'est l'endroit où l'on est, fût-ce passagèrement ou accidentellement : on demeure dans un hôtel, au besoin à la nuit. La résidence implique déjà une certaine stabilité, une certaine permanence; c'est la demeure stable et habituelle: ce n'est encore cependant qu'un fait. Souvent elle se confond avec le domicile: on réside le plus habituellement à son domicile; elle peut en être distincte: on peut être domicilié à Paris et avoir ailleurs une résidence, peut-être plusieurs. A raison

de ce caractère de stabilité, de permanence, quelques effets civils sont attachés à la résidence, même en l'absence de la personne; notamment certaines significations peuvent être faites valablement à la résidence sans l'être à la personne elle-même : on en trouve des exemples dans les articles 2 et 59 du Code de procédure civile.

Le domicile est toute autre chose. Il est indépendant de la résidence habituelle, à plus forte raison de l'habitation actuelle on peut l'avoir là où on ne réside pas, là où on n'a jamais habité: c'est le siège légal des personnes, où elles sont regardées comme étant, au point de vue des relations civiles, même quand, de fait, elles résident ou habitent ailleurs. Ce n'est plus un fait, c'est un rapport de droit permanent et constant; il consiste dans une relation fixe établie entre la personne et un lieu déterminé. En d'autres termes, c'est le siège de droit, régulier, stable et permanent.

En droit, les mots domicile, résidence, demeure expriment donc des idées distinctes. Cependant, ils sont souvent pris l'un pour l'autre, non seulement dans le langage courant, qui n'est pas tenu d'observer les nuances juridiques, mais dans les textes de loi; de là des équivoques possibles. Ainsi l'article 184 du Code pénal punit la violation de domicile. Dans ce texte, domicile veut dire demeure actuelle, habitation. C'est le sens primitif et étymologique du mot, qui vient du latin domus. Il est de jurisprudence que l'expression domicile, dans l'article 184 du Code pénal, ne s'applique qu'à l'endroit servant d'habitation, de résidence réelle. De là deux conséquences.

1° Il peut y avoir violation de domicile là où n'est qu'une simple demeure ou habitation.

2o Il ne peut y avoir violation de domicile, fût-ce au domicile civil, s'il ne sert pas en outre d'habitation actuelle. La violation de domicile s'entend du trouble apporté à la sécurité et à la tranquillité d'une personne chez elle et non des entreprises exercées sur les choses elles-mêmes. Le fait par un individu de pénétrer dans une maison qui ne lui appartient pas n'est pas forcément une violation de domicile; il ne l'est que si cette maison sert d'habitation. Hors de là, ce peut être une tentative de vol, un bris de clôture; ce n'est pas une violation de domicile 1.

1. Bourges 4 juin 1885, D. P. 1887.II.19.

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