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d'autre part, si les débiteurs tenus de payer ne peuvent pas fournir d'aliments ou ne peuvent en fournir assez, le créancier s'adressera aux débiteurs du degré subséquent.

Alors se pose la question de savoir dans quelle proportion chacun des débiteurs est tenu. En d'autres termes, s'il existe plusieurs débiteurs de la dette, comment chacun y contribuera-t-il ?

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On a émis l'idée que chacun des débiteurs est tenu pour la totalité, sauf règlement ultérieur entre eux. En effet, a-t-on dit, faire vivre quelqu'un est une obligation qui n'est pas susceptible d'exécution partielle; or les obligations de cette nature sont dites indivisibles (article 1218) et l'article 1222 s'exprime ainsi : « Chacun de ceux qui ont contracté conjoin<< tement une dette indivisible en est tenu pour le total, encore <«< que l'obligation n'ait pas été contractée solidairement. »> L'idée est aujourd'hui abandonnée dans la doctrine pour deux motifs. D'abord l'article 208 ne permet de condamner le débiteur que dans la proportion de sa fortune; la charge de chacun se mesure à ses ressources: donc la charge est individuelle. D'autre part, ce n'est que par un subterfuge de langage que la charge est dite indivisible; elle n'a rien d'indivisible. En effet, sans doute on ne vit pas pour partie, sans doute la vie est indivisible; mais on vit plus ou moins bien; en tout cas, les aliments, surtout payés en argent, sont divisibles. C'est faire un jeu de mots que d'appeler indivisible la dette alimentaire. Donc la charge de chacun est fixée personnellement et acquittée personnellement; l'obligation se répartit proportionnellement à la fortune de chacun.

Abandonnant l'idée que la dette alimentaire est indivisible, on a dit qu'elle est solidaire, ce qui est une idée voisine ; de là découleraient les conséquences indiquées aux articles 1200 et 1214, notamment celle-ci que tous les débiteurs pourraient être contraints pour la totalité. Mais l'article 1202 fournit une objection décisive contre cette manière de voir : « La so«<lidarité ne se présume point; il faut qu'elle soit expressé«<ment stipulée. Cette règle ne cesse que dans le cas où la «< solidarité a lieu de plein droit, en vertu d'une disposition « de la loi. » Or vainement on chercherait pareille disposition touchant la dette alimentaire; même une disposition contraire se rencontre dans l'article 208, aux termes

1. Dalloz, Répertoire, Vo Mariage, nos 697 et suivants.

duquel les aliments sont accordés proportionnellement à la position de fortune de celui qui les doit. On comprendrait que le juge établit la solidarité si, dans des circonstances particulières, elle lui paraissait utile, non gênante pour les débiteurs; mais la solidarité n'existe pas de plein droit.

En résumé, entre plusieurs débiteurs ayant des ressources égales, la charge se partage par parts égales; entre plusieurs débiteurs ayant des ressources inégales, la charge se répartit proportionnellement aux ressources de chacun; entre plusieurs débiteurs éventuellement tenus, si ce qui est nécessaire dépasse ce que peut payer le premier, le surplus sera payé par les autres.

374. Il faut ajouter enfin qu'après les personnes tenues de la dette alimentaire la société est tenue à titre subsidiaire. L'homme a le droit et le devoir de vivre ; tant qu'il est adulte et valide, cela le regarde seul; dans le cas contraire, sa famille d'abord, la société ensuite sont tenues de le secourir.

Le droit aux secours publics est formellement écrit dans la loi du 24 vendémiaire an II (15 octobre 1793), qui édicte des mesures pour l'extinction de la mendicité; le titre V (Du domicile de secours) contient un article 1 ainsi conçu : « Le « domicile de secours est le lieu où l'homme nécessiteux «a droit aux secours publics. » La même idée est reproduite dans l'article 13 de la Constitution de 1848: «.... La société « fournit l'assistance aux enfants abandonnés, aux infirmes <«<et aux vieillards sans ressources, et que leurs familles ne « peuvent secourir. »

Où ce droit s'arrête-t-il ? Bien compris, il est absolument légitime; exagéré, il conduit à la doctrine du droit au travail; où est la limite? Autant il est faux et dangereux de reconnaitre aux particuliers un droit principal d'assistance à l'encontre de la société, autant il est juste et socialement utile de leur donner un droit subsidiaire. Un pays est bien près de ne plus être quand il méconnaît ce droit et ce devoir de solidarité1.

1. La loi du 12 janvier 1895, relative à la saisie-arrêt sur les salaires et petits traitements des ouvriers ou employés, contient une disposition intéressante qui concerne les créances d'aliments. L'article 1 déclare que les salaires et petits traitements sont insaisissables, au moins jusqu'à concurrence des neuf dixièmes. L'article 3 ajoute: «Les cessions et saisies faites pour le paiement << des dettes alimentaires prévues par les articles 203, 205, 206, 207, 214 et 349 << C. civ. ne sont pas soumises aux restrictions qui précèdent. »

NOTE COMPLÉMENTAIRE

La partie de ce volume qui concerne le mariage était déjà imprimée lorsqu'a été promulguée la loi du 20 juin 1896, dont le texte suit.

Loi portant modification de plusieurs dispositions légales relatives au mariage, dans le but de le rendre plus facile.

Article 1. L'article 78 du Code civil est ainsi modifié :

<< Article 73. L'acte authentique du consentement des père et mère ou aïeuls et aïeules, ou, à leur défaut celui de la famille, contiendra les prénoms, noms, professions et domiciles du futur époux et de tous ceux qui auront concouru à l'acte, ainsi que leur degré de parenté.

«Hors le cas prévu par l'article 160, cet acte de consentement pourra être donné soit devant un notaire, soit devant l'officier de l'état civil du domicile de l'ascendant, et, à l'étranger, devant les agents diplomatiques ou consulaires français. >>

Article 2. L'article 151 du Code civil est ainsi modifié :

<< Article 151. Les enfants de famille ayant atteint la majorité fixée par l'article 148 sont tenus, avant de contracter mariage, de demander par acte respectueux et formel, le conseil de leur père et de leur mère ou celui de leurs aïeuls ou aïeules lorsque les père et mère sont décédés ou dans l'impossibilité de manifester leur volonté.

<«< Il pourra être, à défaut de consentement sur l'acte respectueux, passé outre, un mois après, à la célébration du mariage.

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Article 3. L'article 152 du Code civil est ainsi remplacé :

<< Article 152. S'il y a dissentiment entre des parents divorcés ou séparés de corps, le consentement de celui des deux époux au profit duquel le divorce ou la séparation aura été prononcée et qui aura obtenu la garde de l'enfant suffira. »

Article 4. L'article 153 du Code civil est ainsi remplacé :

<«< Article 153. Sera assimilé à l'ascendant dans l'impossibilité de manifester sa volonté l'ascendant subissant la peine de la relégation ou maintenu aux colonies en conformité de l'article 6 de la loi du 30 mai 1854 sur l'exécution de la peine des travaux forcés. Toutefois, les futurs époux auront toujours le droit de solliciter et de produire à l'officier de l'état civil le consentement donné par cet ascendant. »

II. - 33

Article 5. Les dispositions suivantes sont ajoutées à l'article 155 du Code civil:

« Il n'est pas nécessaire de produire les actes de décès des père et mère des futurs mariés lorsque les aïeuls ou aïeules pour la branche à laquelle ils appartiennent attestent ce décès; et, dans ce cas, il doit être fait mention de leur attestation dans l'acte de mariage.

«Si les ascendants dont le consentement ou conseil est requis sont décédés et si l'on est dans l'impossibilité de produire l'acte de décès ou la preuve de leur absence, faute de connaître leur dernier domicile, il sera procédé à la célébration du mariage des majeurs sur leur déclaration à serment que le lieu du décès et celui du dernier domicile de leurs ascendants leur sont inconnus.

« Cette déclaration doit être certifiée aussi par serment des quatre témoins de l'acte de mariage, lesquels affirment que, quoiqu'ils connaissent les futurs époux, ils ignorent le lieu du décès de leurs ascendants et de leur dernier domicile. Les officiers de l'état civil doivent faire mention, dans l'acte de mariage, desdites déclarations. »

Article 6. L'article 4 de la loi du 10 décembre 1850 est ainsi modifié : « Article 4. Les extraits des registres de l'état civil, les actes de notoriété, respectueux, de consentement, de publications, de délibérations du conseil de famille, les certificats de libération du service militaire, les dispenses pour cause de parenté, d'alliance ou d'âge, les actes de reconnaissance des enfants naturels, les actes de procédure, les jugements et arrêts dont la production sera nécessaire dans les cas prévus par l'article 1er, seront visés pour timbre et enregistrés gratis, lorsqu'il y aura lieu à enregistrement.

« Il ne sera perçu aucun droit de greffe ni aucun droit de sceau au profit du Trésor sur les minutes et originaux, ainsi que sur les copies ou expéditions qui en seraient passibles.

« L'obligation du visa pour timbre n'est pas applicable aux publications civiles ni aux certificats constatant la célébration civile du mariage.

« Les actes respectueux comme les actes de consentement seront exempts de tous droits, frais et honoraires, à l'égard des officiers ministériels qui les recevront; il en sera de même pour les actes de consentement reçus à l'étranger, par les agents diplomatiques ou consulaires français ».

Article 7. L'article 179 du Code civil est ainsi complété :

<<< Les jugements et arrêts par défaut rejetant les oppositions à mariage ne sont pas susceptibles d'opposition. >>

Article 8. Les dispositions de la présente loi sont applicables à l'Algérie, ainsi qu'aux colonies de la Guadeloupe, de la Martinique et de la Réunion.

La loi du 20 juin 1896 a pour objet, comme son titre l'indique, de faciliter le mariage. Elle le fait: 1o en supprimant

certaines conditions requises par le Code civil et dont l'expérience avait démontré l'inutilité, 2o en rendant plus simple et moins coûteux l'accomplissement de diverses formalités préalables à la célébration, - 3o en parant à certains abus des oppositions au mariage.

En la forme, la loi complète les articles 73, 151, 155 et 179 du Code civil; elle remplace les anciens articles 152 et 153 par des dispositions entièrement nouvelles; enfin elle modifie l'article 4 de la loi du 10 décembre 1850. Au fond, les innovations de la loi sont au nombre de sept.

I. Consentement des père et mère.

D'après l'article 148, lorsqu'une personne, mineure quant au mariage, a encore ses père et mère, elle doit solliciter le consentement de l'un et de l'autre ; en cas de dissentiment, la volonté du père l'emporte (suprà, p. 310). Cette disposition créait une situation difficile à l'enfant dont les père et mère étaient divorcés ou séparés de corps; il se heurtait souvent à un refus systématique de l'époux contre lequel le divorce ou la séparation avait été prononcé et qui se vengeait ainsi d'avoir été privé de la garde de l'enfant. Lorsque cet époux était le mari, son refus suffisait à empêcher le mariage.

L'article 152 (rédaction de 1896) décide qu'en cas de dissentiment entre les parents divorcés et séparés de corps, le consentement de celui au profit duquel le divorce ou la séparation a été prononcé et qui a obtenu la garde de l'enfant suffit. Il est juste d'accorder ainsi voix prépondérante à celui des parents qui a été investi par la justice d'un des attributs les plus importants de la puissance paternelle.

Il semble résulter de la rédaction du nouvel article 152 que l'article 148 continue de recevoir application dans les deux cas suivants : 1° lorsque le divorce ou la séparation a été prononcé aux torts des deux époux, quand même la garde de l'enfant aurait été attribuée à l'un d'eux,- 2o lorsque celui au profit duquel le divorce ou la séparation a été prononcé n'a pas obtenu la garde de l'enfant, soit qu'elle ait été confiée à l'autre époux, soit qu'elle ait été remise à un tiers.

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