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change. Victime de la témérité de M. Regnier, ayant tout payé, son honneur n'a point souffert de cet affreux revers, et Votre Majesté apprendra avec satisfaction que Sa Majesté le roi de Hollande, informé de cet événement, a fait la grâce à M. Delatte de lui écrire pour lui offrir la place d'intendant d'un de ses palais, ou celle de maître des comptes de sa maison. La timidité empêche madame Delatte d'oser en écrire à Votre Majesté, à laquelle elle reporte sa reconnaissance première, puisque c'est à ses bontés qu'elle doit l'intérêt le roi veut bien accorder à leur malheur. Écouen a le plus grand besoin d'une princesse protectrice; on délaisse par trop un des plus beaux établissemens de l'Europe et l'ouvrage de notre empereur; depuis sa visite, nous n'en avons pas eu une seule. S. Ém. le cardinal Fesch n'est pas venu voir une maison dont la partie religieuse est sous sa direction spirituelle. Quand les étrangers viennent et admirent un ensemble qui l'emporte sur celui de Saint-Cyr, et que l'on me demande si Sa Majesté l'impératrice viendra bientôt et pourquoi elle n'est pas venue, je souffre et ne sais que répondre. Ceci est bien pour vous seule, madame; j'ai fait tout ce que mon respect et mon devoir m'imposaient, je n'ai plus qu'à attendre avec soumission.

L'éducation de trois cents filles dont actuellement plus de deux cents appartiennent à l'élite

de la nation et le reste à des braves qui dans un rang inférieur n'ont pas moins mérité du souverain qui les récompense, est pourtant un beau dépôt. Cette maison est imitée partout; le roi de Bavière va en former une; celle du prince vice-roi sera formée à son retour en Italie; celle de la reine de Naples va singulièrement bien; elle la visite une fois par semaine, c'est beaucoup assurément. Si nous étions visitées par la princesse protectrice, nous irions aux nues pour les succès. Que de moyens d'une louable émulation! Que de ressources on donnerait à la surintendante ! Je crains toujours d'écrire de trop longues lettres à Votre Majesté, et cette idée, que j'ai le bonheur de l'entretenir en lui écrivant, m'empêche de quitter la plume. J'ose compter sur son indulgence.

Je suis avec le plus profond respect, madame, de Votre Majesté, la très humble, etc.

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MÉMOIRE

POUR S. M. LA REINE DE HOLLANDE,

MADAME,

RÉDIGÉ SUR SA DEMANde.

Je n'ai pas besoin d'exprimer à Votre Majesté à quel point elle occupe mon cœur et mon es

prit; tous les sentimens que je lui ai voués dès sa plus tendre jeunesse sont unis à tous ceux qu'inspirent ses hautes vertus, l'élévation de son rang, et les peines dont la divine providence n'a pas voulu dégager son éminente et brillante destinée. Il faut chercher des moyens nobles et vertueux de fixer l'opinion présente et celle de la postérité sur le caractère et les grandes vertus de Votre Majesté. Rien ne peut produire cet effet comme d'être la protectrice de l'éducation des jeunes Françaises, si Sa Majesté l'impératrice ne se charge pas elle-même de ces importantes fonctions. L'établissement formé à Écouen, et ceux projetés par Sa Majesté l'empereur et roi, ne sont point des imitations de Saint-Cyr et de l'EnfantJésus. L'éducation des femmes françaises appartenait jadis au clergé de France, sous la direction des monastères de filles; ce privilége exclusif n'est plus entre leurs mains et ne peut pas non plus rester dans celles d'une foule de femmes presque sans aveu. Dans le premier cas, l'empire des vieux préjugés et l'ignorance trop forte à laquelle notre sexe était condamné avaient toujours subsisté. Dans le second, les moeurs auraient fini par en souffrir. La rivalité des pensionnats, unie au mauvais goût et au mauvais ton, faisait à la vérité prendre trop le dessus aux talens superficiels sur l'éducation des jeunes Françaises. Nous sommes une espèce d'Université de femmes, où

la jeunesse de notre sexe doit être élevée et où doit se former en même temps une école normale de femmes enseignantes qui se répandront, non seulement dans l'empire français, mais dans toutes les écoles étrangères fondées à l'imitation de celles de France. Il en existe déjà à Naples deux; il va y en avoir une à Munich formée par le roi de Bavière; il y en aura une incessamment à Milan. Le but de ces éducations doit être porté, 1o. vers les vertus domestiques; 2°. vers l'enseignement, à un tel degré de perfection pour la connaissance de la langue, du calcul, de l'histoire, de l'écriture, de la géographie, que toutes les élèves soient assurées du bonheur de pouvoir instruire elles-mêmes leurs filles. L'éducation publique pour les femmes finira par servir l'éducation maternelle ; c'est un fait que j'ai pris la liberté d'assurer à Sa Majesté l'empereur et roi, et que le temps justifiera. Il faut, 3°. pouvoir donner quelques talens d'agrément aux filles des gens riches qui le désirent; car, pour soulager le trésor impérial, il faut avoir la classe en état de payer 1000 francs de pension, et par suite annuler l'existence de toutes les pensions particulières. Il faut aussi des maisons où l'on n'enseigne aux filles de soldats, uniquement que la lecture, l'écriture, les calculs et un métier. La religion doit être la base de toutes ces institutions. Quel bel emploi du temps et de sa vie en s'y livrant avec un zèle

égal et généralement connu! Mais la chose a besoin pour Votre Majesté d'être encore embellie e; elle doit l'être par le local. Le siége d'une chose quelconque ajoute à sa grandeur. Les palais des rois en sont la preuve; souvent ils sont logés beaucoup plus pour la grandeur de leur majesté que pour leur propre agrément. Le château d'Écouen est bien choisi; ce n'est pas un monastère, mais c'est la demeure d'un ancien preux. Ce séjour se rattache à de grands souvenirs. On aime à voir défiler les filles de nos braves sur ces ponts où François Ier passait il y a trois siècles. Cette réflexion a été faite par une foule de parens.

L'abbaye de Saint-Denis n'est nullement propre à un pareil établissement; la rivière en baigne les murs souterrains; il n'y a point de promenade couverte; on y voit d'immenses dortoirs et beaucoup de dépenses à faire. La ville de Saint-Denis est aussi très peu propre à un pareil établissement: grande route, dépôt de garnison, espèce de faubourg de Paris, guinguette perpétuelle de la capitale, lieu de marché et de grande foire; tous les soins d'une clôture qui n'est pas monastique seraient insuffisans pour assurer la conduite des servantes et des femmes d'une classe inférieure aux dames.

Voici, madame, ce qui serait superbe et digne de la grandeur de notre auguste empereur, de celle

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