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Matériel et dépenses diverses de l'administration centrale......
Encouragements aux manufactures et au commerce.- Récompenses honorifiques aux vieux ouvriers.
Part contributive de l'Etat dans les dépenses de l'Exposition universelle de 1889...
Frais de procès et d'instance....

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Expositions internationales de 1888.

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ANNEXE N° 3721

RAPPORT fait au nom de la commission (1) chargée de procéder à une enquête générale, sur tous les faits touchant à l'administration qui lui paraîtront de nature à mériter soit un blâme, soit une répression (affaire Sourbé), par M. Lucien de La Ferrière, député.

Messieurs, par une lettre en date du 20 février 1888, M. Sourbé, journaliste à Paris, sollicitait l'intervention de la commission d'enquête pour faire cesser, disait-il, les actes de spoliation, dont il était victime depuis sept années de la part de l'administration du ministère du commerce et dénonçait les manœuvres frauduleuses auxquelles on n'aurait pas craint de recourir pour consommer sa ruiné.

Convoqué devant vous le 4 février suivant, il précisa les divers griefs dont il prétendait avoir a se plaindre et formula, dans les termes suivants, l'accusation dont il déclara revendiquer toute la responsabilité.

1° J'accuse très nettement et hautement l'administration du commerce d'avoir épousé les rancunes d'un fonctionnaire à qui je n'ai pas pu donner un pot de vin de 30,000 fr.;

20 J'accuse le ministère du commerce, gardien des brevets, de s'ètre fait le contrefacteur d'une invention d'intérêt général;

« 3° J'accuse le ministre du commerce d'abus de pouvoir, en ce sens que, débouté par le tribunal des référés, il s'est fait justice luimême et m'a ruiné en mettant l'embargo sur mon exploitation pour se débarrasser d'une concurrence qui aurait pu lui nuire;

«4° J'accuse le ministre du commerce de manœuvres frauduleuses devant le conseil d'Etat, de fabrication de fausses pièces et d'introduction clandestine, dans le dossier du conseil d'Etat, après la clôture des débats, de pièces fausses et sans communication préalable à mon avocat ;

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5° J'accuse l'administration du commerce de tentative de corruption par l'appât du ruban rouge sur un des experts et de mensonges que je prouverai.

"

60 Enfin ceci est la plus grave de toutes les accusations j'accuse M. Maurice Rouvier, ancien président du conseil, ou de concussion, ou tout au moins d'avoir livré ceux qui avaient affaire à son ministère à l'exploitation de son beau-frère, M. Cadiot, qui trafiquait de la situation de M. Rouvier et vendait l'influence du ministre. »

Voici, en substance, les faits exposés par les plaignants.

M. Sourbé est l'inventeur d'un système particulier de pesage et mesurage des liquides. Frappé des lacunes fort préjudiciables pour les intérêts du Trésor que présentaient les procédés de vérification employés par la régie pour jauger les fûts de liquides soumis à la perception des droits, et soucieux de prévenir les fraudes auxquelles se livraient les expéditeurs de spiritueux, il chercha un moyen pratique de contrôle qui pût mettre un terme à

cet état de choses.

L'article 6 de la loi de finances du 21 juin 1873 oblige, en effet, les expéditeurs, dans les déclarations d'enlèvement d'alcool, à indiquer la contenance de chaque fût, sous peine d'encourir les rigoureuses pénalités fiscales édictées par la loi du 28 février 1872.

Il était donc indispensable que l'expéditeur eût la possibilité de se rendre compte avec certitude des quantités de liquide par lui mises en circulation et que, de son côté, l'administration des contributions indirectes disposat d'un moyen à la fois légal et pratique de vérifier l'exactitude des déclarations.

Or le système métrique n'offrait pas cette mesure légale d'un usage sûr et expéditif, du moins pour le mesurage des fûts de grande dimension.

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fois des résultats fort différents pour le jaugeage des mêmes fûts.

C'est alors que M. Sourbé écrivit à M. le ministre du commerce une lettre en date du 19 novembre 1881, dans laquelle il réclamait, en vertu de l'article 10 de l'ordonnance royale dų 4 juillet 1839, la suppression des dépotoirs non poinçonnés comme constituant l'emploi de mesures illégales passibles des pénalités de l'article 479 du code pénal.

C'est en vue de remédier à cet inconvénient que la loi du 21 juin 1873 ajoutait : « Le dépotoir cylindrique à échelle, de même que tout dépotoir dont l'exactitude aura été constatée par les vérificateurs des poids et mesures, sera désormais placé au nombre des mesures légales et poinçonné par lesdits vérificateurs. »> Mais la vérification des dépotoirs se heurta elle-même à de telles difficultés que la régie dut y renoncer et qu'elle se vit contrainte de tolérer l'usage de dépotoirs non vérifiés et, par conséquent, non poinçonnés, cela contraire-paraissait pas possible de parvenir à vérifier les ment au vœu de l'article 10 de l'ordonnance royale du 17 avril 1839. Il fallut donc qu'elle se contentât de déclarations approximatives et qu'elle usât, par suite, envers les expéditeurs, d'une certaine tolérance dont ceux-ci ne manquèrent pas d'abuser, au grand détriment du Trésor.

Les choses étaient en cet état lorsque, à la date du 1er février 1881, M. Sourbé prit un brevet d'invention pour un nouveau système de pesage et mesurage des liquides par les liquides eux-mêmes, à l'aide d'un instrument dit «< balance densi-volumétrique ».

L'idée qui lui avait suggéré la création de cet appareil était d'une simplicité élémentaire. Elle lui avait été inspirée par l'observation de ce procédé à la fois rapide et sûr des maisons de banque qui, après avoir compté et placé sur un plateau de la balance un nombre déterminé de pièces d'or ou d'argent, se bornent, pour obtenir une somme égale, à verser dans l'autre plateau jusqu'à équilibre parfait des pièces de même métal et de même valeur.

Appliquant cette idée aux bascules au centième, il remplaça le petit plateau qui supporte les poids par un vase gradué destiné à recevoir une partie du liquide soumis au pesage. Un litre de liquide fit donc équilibre à cent litres de liquide de même nature et de même densité, et il suffit de la sorte de mesurer un seul litre pour mesurer du même coup un hectolitre.

Il n'était pas douteux que cette découverte, dont la simplicité même faisait la valeur, ne vint combler une lacune existant dans nos mesures légales.

Ses avantages n'échappèrent pas au public. En même temps que divers syndicats et voire même des chambres de commerce demandaient que ce système de vérification fût adopté par le Gouvernement dans ses rapports avec les contribuables et devint obligatoire comme unique moyen officiel de mesurage, une décision ministérielle rendue sur l'avis du bureau national des poids et mesures admit l'appareil Sourbé au nombre des mesures légales. Une circulaire de M. Tirard, alors ministre de l'agriculture et du commerce, datée du 31 octobre 1881 (no 511) porta cette décision à la connaissance des préfets des départements.

Quelques semaines plus tard, M. Jean David, député du Gers, déposait sur le bureau de la Chambre une proposition de loi ayant pour objet « de prévenir la fraude sur les boissons par la suppression de toute tolérance en matière de déclaration, et par la substitution du pesage métrique des liquides et spiritueux à leur mesurage» et, dans son exposé, il représentait l'invention du système Sourbé comine ayant résolu les difficultés auxquelles on s'était heurté jusqu'alors. (Séance du 14 décembre 1881.)

Dès le mois d'avril 1881, M. Sourbé avait passé, avec un établissement de crédit de Paris, la Banque européenne, un traité qui lui assurait 500,000 fr. pour prix de son brevet français, avec une part dans les bénéfices.

En août suivant, le conseil municipal de Paris, sur la proposition du préfet de la Seine, autorisa M. Sourbé a installer son appareil dans une partie des bâtiments de l'entrepôt et à excercer le mesurage concurremment avec le dépotoir. L'inventeur affirme avoir dépensé à cette installation des sommes fort importantes. Il n'en devait pas profiter.

Ce n'est pas sans peine, tout d'abord, qu'il parvint à vaincre la résistance qu'il rencontra forsqu'il dut faire assermenter les agents employés par lui. Cette formalité était pourtant indispensable, puisque la loi veut que les peseurs-mesureurs aient prêté serment. Il ne triompha de ce premier obstacle, après un double refus de l'administration, qu'en présentant une requête au président du tribunal de commerce, qui lui donna satisfaction.

Des conflits ne tardèrent pas d'ailleurs à s'élever entre les deux services de vérification qui fonctionnaient parallèlement, donnant par

M. Sourbé observait, en outre, qu'il ne lui dépotoirs sans le secours de son propre système de mesurage, ajoutant que son appareil étant le seul revêtu du poinçon, il se trouvait avoir, en réalité, le monopole des mesurages légaux et qu'il s'opposait formellement à ce qu'on utilisât son invention brevetée pour pratiquer cette vérification nécessaire des dé potoirs.

Le ministre, sans s'expliquer sur les moyens qu'il se proposait d'employer, répondit qu'il allait faire vérifier les dépotoirs.

C'est ici que commence la série des conflits dénoncés par M. Sourbé, comme autant d'entraves illicitement apportées à l'exploitation de

son brevet.

Informé, en effet, que des appareils qu'il considérait comme la contrefaçon des siens, avaient été construits sur les instructions du ministère du commerce, et qu'ils étaient employés à la vérification des dépotoirs, il constata le fait par huissier, au moment où la régie se livrait à cette opération.

Le 1er mai 1882, il fit pratiquer la saisie des objets contrefaits, et il engagea aussitôt une instance en contrefaçon devant le tribunal civil de la Seine, l'Etat échappant, à raison de sa qualité, à la juridiction correctionnelle.

Mais M. Sourbé devait expier chèrement cette revendication de ses droits usurpės.

Dès le lendemain de la saisie, M. Tirard l'assigna en référé devant M. le président du tribunal civil de la Seine. Le ministre, par l'organe de son avocat, Me Méline, soutint, comme l'avait aussi déclaré le vérificateur en chef, le sieur Génot, dans le procès-verbal de saisie, qu'il était impossible de continuer la vérification des dépotoirs sans le secours des appareils saisis; que cette saisie, en interrompant un grand service public, portait un préjudice considérable à la régie qui, privée de dépotoirs vérifiés, ne pouvait régulièrement percevoir l'impôt, faute de contrôle.

Le ministre concluait à la remise immédiate des appareils et, subsidiairement, au dépôt par M. Sourbé, dans les vingt-quatre heures, d'une somme de 100,000 fr. à la Caisse des consignations à titre de garantie pour les pertes que la saisie faisait subir à l'Etat.

Le juge des référés débouta le ministre de ses demandes. La saisie fut maintenue sans dépôt de cautionnement et l'affaire fut renvoyée pour être plaidée au fond devant le tribunal.

Cette ordonnance ne fut pas frappée d'appel; mais l'administration usa d'autres moyens pour triompher de l'obstacle légal que la saisie opérée par son adversaire apportait à l'emploi des appareils contrefaits.

Le 29 juin 1882, M. Sourbé recevait en effet, du sieur Paupier, constructeur, chargé de la fabrication de ses appareils brevetés, la lettre suivante :

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Le jour même, M. Sourbé protesta, par acte d'huissier, contre qu'aucune raison plausible ne justifiait, et fit ce refus de poinçonnage donner sommation au ministre du commerce d'avoir à faire procéder, comme auparavant, à la vérification de ses densi-volumètres.

Le ministre ne répondit pas à cette sommation, et l'on continua à refuser le poinçon, sans autre explication et sans autre motif, à l'appareil breveté.

Il ne restait d'autre ressource à l'inventeur

ainsi paralysé dès le début dans l'exploitation de son brevet, qu'à soumettre ce nouveau grief à la juridiction compétente, c'est-à-dire à l'administration elle-même, qui allait devenir juge et partie dans sa propre cause. Après de nombreuses et infructueuses démarches, M. Sourbé présenta donc au ministre du commerce une requête concluant à l'allocation de deux millions de dommages-intérêts pour réparation du préjudice souffert. Sa demande fut rejetée par une lettre de M. Hérisson, en date du 14 août 1883.

<< Monsieur,

«J'ai reçu la requête que vous m'avez fait l'honneur de m'adresser, le 9 de ce mois, à l'effet d'obtenir : 1° l'autorisation de faire admettre, comme par le passé, à la vérification et au poinçonnage l'appareil que vous désignez sous le nom de bascule densi-volumétrique ; 2o l'allocation d'une somme de 2 millions de francs, plus les intérêts à dater du jour de votre demande en réparation du préjudice que vous aurait causé le bureau central des poids et mesures de Paris en refusant de poinçonner certains de vos instruments.

«En ce qui concerne l'admission à la vérification de votre bascule densi-volumétrique, l'autorisation qui vous a été accordée par l'un de mes honorables prédécesseurs n'ayant jamais été rapportée, il n'y a pas lieu de vous en accorder une nouvelle.

« Quant à votre demande d'indemnité, elle ne m'a point paru justifiée, et j'ai l'honneur de vous informer qu'il ne m'est pas possible d'y donner satisfaction.

« Le ministre du commerce,

« CH. HÉRISSON. »

En présence de ce refus, Sourbé déféra au conseil d'Etat la décision du ministre.

L'inventeur avait donc à supporter le poids de deux procès avec l'Etat: l'un en contrefaçon devant le tribunal civil, l'autre en restitution du poinçon pour ses apparells et en dommagesintérêts devant le conseil d'Etat, de telle sorte que l'administration, qui s'était emparée à son profit de son invention, ne lui permettait même pas d'en tirer parti. En fait, l'embargo était mis sur la fabrication de ses bascules.

Mais ce n'est pas tout. Sourbé, placé ainsi dans l'impossibilité de remplir ses engagements envers les cessionnaires auxquels il avait vendu son brevet, était poursuivi par eux en exécution de ses contrats, et se voyait condamné par défaut sans pouvoir se défendre utilement, à des indemnités s'élevant en totalité à 358,800 francs.

Les instances dirigées par Sourbé contre l'Etat ne furent pas également couronnées de succès. Mais on doit reconnaître que devant chacune des juridictions saisies il fit admettre, tout au moins en principe, la légitimité de ses griefs.

Devant le tribunal civil de la Seine, les experts furent unanimes à déclarer que l'administration avait contrefait l'appareil de l'inventeur et, par un jugement du 30 novembre 1887, qui éleva dans des proportions significatives le chiffre illusoire de la réparation proposée par leur rapport, Sourbé obtint 80,000 fr. de dommages-intérêts et fit condamner l'Etat à tous les dépens, y compris ceux des référés préliminaires. (Voir ce jugement aux annexes.)

Sourbé a exposé à la commission les circonstances particulières qui lui avaient fait suspecter l'indépendance de l'un des experts chargés d'exprimer leur avis sur l'étendue du dédommagement auquel il pouvait avoir droit. Il n'est rien à la connaissance de votre souscommission qui soit de nature à justifier ce soupçon.

Il est à peine besoin d'ajouter, pour achever l'exposé de ce qui concerne ce premier procès, que le ministre du commerce, usant de ses droits de plaideur, a interjeté appel du jugement du tribunal, dont l'exécution se trouve ainsi suspendue pour un temps plus ou moins long.

Quant au conseil d'Etat, il a repoussé à la vérité la demande de Sourbé tendant à une allocation de dommages; mais il s'est fondé sur des considérations de fait, et il a expressément désapprouvé, au contraire, comme illégaux, les motifs derrière lesquels s'était retranchée l'administration pour se refuser à vérifier et à poinçonner les bascules densi-volumétriques. Il a donc proclamé l'erreur de l'administration, si, par des raisons particulières,

il n'en a pas accordé la réparation pécuniaire. (Voir aux annexes la décision du conseil d'Etat.)

Or, d'après Sourbé, cette fausse interprétation de la loi, par suite de laquelle on se serait dispensé de poinçonner ses appareils, aurait été absolument consciente, et elle se rattacherait à tout un système d'hostilité calculée. Il serait victime des manœuvres d'un vérificateur en chef des poids et mesures, M. Génot, aujourd'hui mis à la retraite.

Non seulement celui-ci aurait, à la faveur de l'interprétation abusive des règlements, frappé d'interdit les appareils de l'inventeur, mais encore, ce qui serait plus grave, il aurait pesé d'une manière décisive sur la sentence du conseil d'Etat qui a refusé à Sourbé une réparation pécuniaire, en faisant insérer, au dernier moment, dans le dossier soumis à ses délibérations des documents faux de nature à influer sur la solution.

L'origine des rancunes du sieur Génot contre Sourbé serait le refus d'un pot-de-vin déguisé.

Génot aurait voulu faire acheter son concours en proposant à Sourbé de lui vendre, moyennant 25 ou 30,000 fr., un appareil de son invention, sorte d'alcoomètre qui pouvait parfaitement s'adapter, disait-il, en la complétant,¦ à la bascule densi-volumétrique. Sourbé, faute de ressources au début de son entreprise, n'aurait pu souscrire à cette exigence, et c'est à partir de ce jour qu'il aurait subi, de la part du vérificateur en chef, une série de persécutions auxquelles il attribue sa ruine.

Mis en présence de Sourbé, Génot a nié formellement cette proposition. Il s'est recommandé de ses longs services et de la confiance de ses chefs, et il a reproché à Sourbé d'avoir, au contraire, tenté de le gagner à sa cause par l'offre d'un fût de rhum. Sourbé a non moins vivement méconnu le fait, et il a persisté avec énergie dans son accusation. Ce point, comme tant d'autres, dans cette étrange affaire, ne peut donc recevoir d'éclaircissement.

Mais il en est un autre d'une très réelle gravité, sur lequel Génot n'a pu donner d'explications satisfaisantes à votre sous-commission.

La raison principale sur laquelle s'appuyait le ministre du commerce pour résister à la demande de dommages et celle précisément qu'a admise le conseil d'Etat, c'est l'inventeur que ne devait imputer qu'à lui-même l'ajournement du poinçonnage dont il se plaignait, parce qu'il ne s'était pas conformé aux prescriptions de l'administration et aux exigences de la loi. Or, c'est tout particulièrement dans deux pièces insérées dans le dossier du conseil d'Etat, presque à la veille de sa décision, que se rencontrait la justification de ces retards opposés par l'Etat à la demande de l'inven

teur.

Au sujet de ces documents, Sourbé a formulé un double grief: la tardivité tout à fait insolite de leur production, et leur caractère suspect donnant lieu de douter de leur authenticité.

A ces deux points de vue, Sourbé avait invoqué le témoignage de M. Chambareaud, qui

était alors son avocat devant le conseil d'Etat et qui, depuis lors, est devenu conseiller à la cour de cassation.

L'audition de M. Chambareaud, vivement souhaitée par son ancien client, paraissait, en effet, désirable à votre sous-commission. A une première convocation, le témoin se borna à répondre indirectement par le télégramme suivant adressé à Sourbé :

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Agréez, cher monsieur l'assurance de mes sentiments distingués.

« LOUIS CHAMBAREAUD. »

Invité de nouveau à se présenter devant la sous-commission, M. Chambareaud a encore décliné la convocation en répondant, directement cette fois, au président la lettre que voici :

<< Paris, le 26 novembre 1888.

l'honneur de m'adresser pour me demander de comparaître, le jeudi 29 novembre, à dix heures, au Palais-Bourbon, pour être entendu par la 4e sous-commission d'enquête, dont vous êtes le président, au sujet de l'affaire de M. Sourbé.

« Je ne connais cette affaire que pour l'avoir instruite et plaidée devant le conseil d'Etat, à l'époque où j'étais avocat.

Je ne crois pas, monsieur le député, qu'il me soit permis de donner d'explications d'aucun genre au sujet de cette affaire, et j'ai le regret, par suite, de ne pouvoir me rendre à l'invitation que vous avez bien voulu m'adresser,

« Veuillez agréer, monsieur le député, l'expression de ma haute considération.

" LOUIS CHAMBAREAUD,

« Conseiller à la cour de cassation. »

Ce n'est pas, messieurs, semble-t-il, la crainte de manquer à l'observation du secret professionnel qui vous prive d'un témoignage auquel vous eussiez attaché un prix particulier; car c'est le client lui-même de l'ancien avocat au conseil d'Etat qui sollicitait avec instance son audition.

Il est peut-être permis de trouver le secret de cette abstention très réfléchie dans des motifs d'un autre ordre, et à cet égard, je dois vous donner lecture d'une lettre qu'écrivait M. Sourbé au président de la sous-commission, en lui adressant, le 29 juin, une première carte-lettre

de M. Chambareaud.

Voici d'abord la carte-lettre de M. Chambareaud envoyée à Sourbé :

« Paris, le 29 juin 1888.

« Cher monsieur,

« Voulez-vous bien venir ce soir, avant sept heures, ou demain matin, samedi, avant onze heures. J'ai une communication à vous faire. « Agréez l'assurance de mes sentiments dististingués.

« LOUIS CHAMBAREAUD. »

Et voici maintenant le commentaire dont date du même jour : Sourbé accompagnait cet envoi par sa lettre en

«< Paris, le 29 juin 1888.

« Monsieur le député,

« J'ai eu l'honneur de vous adresser, hier, sur les indications de votre concierge, une lettre qui, de Sérigny, a dû vous être renvoyée à

Rouen.

« J'avais l'honneur, dans cette lettre, de vous de cassation et mon ancien avocat devant le dire que M. Chambareaud, conseiller à la cour conseil d'Etat, se tenait à votre disposition les lundis, mardis et mercredis pour déposer devant vous et vous certifier la parfaite exactitude de l'accusation nette, précise, formulée par moi contre le ministre du commerce, qui a fait écarter, par le conseil d'Etat, les dommagesfausses pièces administratives glissées, à la intérêts qui m'étaient dus, en fabriquant deux dernière heure, dans le dossier du conseil d'Etat, et cela contrairement, je ne dis pas à la morale, mais à tous les usages et à tous les précédents.

« M. Chambareaud m'avait donné l'assurance qu'il viendrait, malgré sa qualité de conseiller, rendre hommage à la vérité devant vous; mais M. Chambareaud, que je persiste à considérer, malgré tout, comme un honnête homme, vient d'être saisi de scrupules à la suite d'un entretien qu'il vient d'avoir à cet égard avec M. le procureur général près la cour de cassation. M. le procureur général prétend qu'un fonctionnaire ne peut pas, sans manquer aux convenances, venir devant la commission d'enquête déposer contre l'administration.

«M. Chambareaud, fort ému par les observations qui lui ont été faites, s'est rendu, aujourd'hui même, chez M. le garde des sceaux pour être autorisé à venir déposer devant vous; mais M. le garde des sceaux n'a pu le recevoir.

« C'est alors que M. Chambareaud s'est décidé à m'adresser la carte-lettre ci-incluse, que je joins à ma lettre à titre de pièce justificative.

« Je me suis immédiatement rendu chez lui, et c'est là qu'il m'a déclaré ce que j'ai l'honneur de vous dire, ajoutant qu'il regrettait que ses fonctions et la déférence qu'il doit à l'opinion formulée par M. le procureur général ne « J'ai reçu la lettre que vous m'avez fait lui permettent plus de venir, devant vous, ren

» Monsieur le député,

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Il faut convenir, messieurs, que cette explication de l'abstention de M. Chambareaud n'est pas contraire à la vraisemblance. Ce ne serait pas la première fois que la commission d'enquête aurait à constater les entraves mises par les supérieurs hiérarchiques à l'audition de fonctionnaires cités devant elle, et, dans l'espèce, le défaut de comparution de M. Chambareaud n'est pas de nature à dissiper les accusations du plaignant. On ne comprend guère le silence d'un fonctionnaire qui n'aurait à révéler que des faits à la louange du Gouverne. ment, et il vous semblera peut-être que l'indépendance du témoin aurait pu, dans tous les cas, se concilier aisément avec les devoirs de réserve du magistrat.

Privés de cet utile témoignage, nous devons donc chercher dans les documents eux-mêmes dont nous disposons, si les accusations de Sourbé sont fondées.

Des deux pièces incriminées, l'une est une lettre non signée, écrite sur du papier portant l'entête impriméé : « Ministère du commerce. Direction du commerce intérieur (1).» Elle est datée du 27 juillet 1882. Elle est adressée à «M. Génot, vérificateur en chef, à Paris ». Elle semble approuver les raisons données par cet agent du service pour s'opposer au refus du poinçonnage des appareils d'une certaine catégorie. De qui émane ce document? L'absence de signature rend la réponse difficile. Cependant il ne serait pas impossible que ce fut la minute même soit d'une lettre, soit d'un projet de lettre émanant du département du commerce. Il n'y a donc pas lieu de s'y arrêter davantage, rien ne démontrant avec certitude que ce soit une pièce fausse glissée sciemment dans le dossier du conseil d'Etat. (Voir cette pièce aux annexes.)

Le second document mérite, au contraire, de retenir votre attention. Le voici :

BUREAU NATIONAL SCIENTIFIQUE ET PERMANENT DES POIDS ET MESURES

Rapports et avis.

Séance du 17 mai 1883.

même que notre système de poids et mesures ne reconnaît pas de mesure de capacité audessous du centilitre.

30 Le litre inférieur (dans chacun des densi volumètres présentés) ne doit porter aucune graduation.

Cette troisième condition se justifie par la raison que ces instruments sont destinés à l'usage d'une romaine-bascule dite de 1 à 100, que la romaine-bascule exclusivement réservéé au commerce de gros ne peut être, aux termes des ordonnances, d'une portée inférieure à 100 kilos; que la bascule densi-volumétrique ne saurait dès lors être employée à des pesées de moins de 100 litres ou 100 kilos.

De ces déclarations et des documents à l'appui il résulte que les densi-volumètres de M. Sourbé n'ont pas été l'objet d'un refus, mais seulement d'un ajournement,

Et qu'il dépend de la volonté du plaignant de les faire admettre à la vérification et au poinçonnage dès qu'il voudra bien se conformer aux formalités qui lui ont été notifiées comme étant réglementaires.

Par ces motifs, la commission de métrologie, etc.

Paris, 23 mai 1883.

Le rapporteur : GÉNOT (1).

En présence de l'entête officielle de ce document, de l'indication de la séance où il avait été délibéré, et surtout de cette formule finale : «Par ces motifs, la commission de métrologie, etc... suivie elle-même de la signature ainsi qualifiée : «Le rapporteur Génot», il n'est pas douteux que le conseil d'Etat ait dû supposer qu'il avait sous les yeux un avis régulier de la commission de métrologie usuelle. A ce titre, une telle délibération pouvait avoir pour lui une autorité particulière, et elle établissait bien que Sourbé devait s'imputer les retards dont il était par conséquent mal fondé à poursuivre le dédommagement.

Or, des recherches faites à la direction intérieure du commerce, en présence de MM. Génot et Sourbé, par le président de la quatrième sous-commission assisté de son honorable collègue, M. Leydet, il résulte que, soit sur le registre des procès-verbaux des séances du bureau national des poids et mesures, soit sur le registre des procès-verbaux des séances de la commission de métrologie usuelle, il n'existe, ni le 17 mai, ni le 23 mai 1882, ni à aucune autre date, de délibération conforme au document incriminé.

Il y a bien eu, à la vérité, le 17 mai, une séance de la commission de métrologie dans laquelle on s'est occupé de la réclamation de Sourbé. Mais la décision prise ce jour-là est exclusive au contraire de toute délibération ultérieure du bureau sur le même objet. On lit, en effet, dans le procès-verbal :

«En ce qui concerne la réclamation de M. Sourbé relativement au refus du bureau central d'étalonnage de vérifier et de poinçonner ses bascules densivolumétriques, M. Génot

Dans la séance de ce jour, M. Sourbé fait exposer que le bureau d'étalonnage de Paris refuserait de vérifier et poinçonner les densi-volumètres à l'usage de sa bascule densi-volumé-explique les conditions dans lesquelles les intrique.

Rapporteur M. Génot. M. Génot, vérificateur en chef des poids et mesures à Paris, interrogé sur le point de savoir en quoi la plainte se trouverait fondée, répond:

Le bureau d'étalonnage s'empressera d'admettre à la vérification et de poinçonner les instruments dont il s'agit toutes les fois que ces instruments présenteront les conditions réglementaires prescrites conditions que le bureau d'étalonnage a, d'ailleurs, fait connaître au plaignant dès le 9 août 1882.

Ces conditions sont celles au nombre de trois mentionnées dans l'extrait ci-joint et notifiées à M. Sourbé.

Ces conditions exigées se justifient d'ailleurs comme suit :

1o La note de présentation (qui accompagne les objets à vérifier et poinçonner) doit mentionner la contenance et le modé de gradua

tion des instruments.

C'est là une mesure d'ordre que le bureau d'étalonnage prend à l'égard de tous les fabricants de poids, mesures et instruments de pesage qui hantent le bureau.

2o Les divisions, en ce qui concerne la graduation, ne pourront être inférieures au centi

litre.

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struments de M. Sourbé doivent, selon lui, être présentés pour être admis. La commission est d'avis que M. Génot doit adresser directement à l'administration son rapport sur cette question.

« L'ordre du jour appelle, etc... »

La commission de métrologie passe alors à l'examen d'une autre alfaire étrangère à Sourbé.

Comment donc a-t-on présenté au conseil d'Etat comme une délibération d'une commission spéciale, et non comme un simple rapport d'un agent à son administration, une pièce sur la nature et sur la portée de laquelle le conseil d'Etat ne pouvait que se méprendre, encore bien qu'elle fût escortée d'un extrait de la séance du 17 mai. 11 demeure impossible d'expliquer cette formule finale: «Par ces motifs, la commission de métrologie etc., qui évoquait nécessairement la pensée d'une véritable délibération de la commission usuelle.

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L'objection n'a pas été réfutée par Génot qui, soit devant la commission, soit en présence de M. Nicolas, directeur du commerce intérieur, n'a fourni à cet égard que des explications tout à fait insuffisantes, et son absence de mémoire sur ce point délicat s'explique mal si on la rapproche surtout de la précision de ses souvenirs sur d'autres détails beaucoup moins importants de la même affaire.

Quoi qu'il en soit, il ne nous appartient pas, messieurs, de réparer le tort que la présence de ce document suspect dans le dossier du conseil d'Etat, a pu causer au sieur Sourbé. Nous n'avons pas à contrôler les sentences des diverses juridictions, et M. Sourbé seul aurait pu, s'il s'y croyait fondé, se pourvoir par les voies légales pour obtenir l'annulation de la décision qui lui faisait grief.

Mais l'impression qui se dégage de toute cette première partie de l'affaire est, qu'en réalité, l'administration du commerce, en opposant son veto, par le refus du poinçonnage, à l'exploitation de la découverte Sourbé, a surtout cédé au désir d'exercer des représailles contre l'inventeur qui avait eu la témérité de faire saisir dans des entrepôts publics ses appareils contrefaits et de lá la poursuivre en contrefaçon. Si les décisions de justice échappent à votre contrôle, il n'en est pas de même des agissements administratifs dont l'appréciation rentre au contraire d'une manière indiscutable dans le cercle de vos attributions, et il est éminemment regrettable de voir une administration chargée d'assurer le respect de la proprieté des inventeurs s'emparer à son profit de leur découverte et consommer leur ruine dans une lutte inégale où elle les oblige à se débattre devant toutes les juridictions.

C'est pour en finir avec ces difficultés sans trêve qu'à bout d'énergie, de patience et de ressources, Sourbé s'est laissé entraîner à la déplorable compromission dont il me reste à vous entretenir. Je touche en effet à la plus grave des accusations par lui formulées devant la commission d'enquête.

Au mois de mai 1887, au cours du procès judiciaire qui a abouti au jugement du 30 novembre suivant, aujourd'hui frappé d'appel, Sourbé écrivit à M. Rouvier, alors président de la commission du budget, en le priant de vouloir bien l'entendre. Il désirait lui soumettre, disait-il, les moyens de prévenir les fraudes sur les impôts des boissons et se plaignait des procédés de l'administration du commerce à son égard.

Quelques jours plus tard, M. Rouvier devenait président du conseil. Sourbé lui renouvela sa demande d'audience. M. Delpech, qui remplissait un poste de confiance auprès du ministre des finances auquel le liaient de très anciennes relations, répondit à Sourbé qu'il était disposé à l'entendre.

Paris, le 1er juin 1887. Monsieur Sourbé, publiciste, 84, rue Monge. Vous avez, par lettre de ce jour, demandé à M. le président du conseil un entretien exigeant une certaine durée que les circonstances actuelles ne permettent pas à M. Rouvier de Vous accorder.

Vous avez, d'ailleurs, prévu le cas, puisqu'à défaut du président lui-même, vous proposez de vous expliquer devant quelqu'un désigné par lui.

M. le président du conseil m'a chargé de vous écouter et de lui faire un rapport sur les mesures que vous préconiserez en ma présence, et je me hâte de vous dire que je serai à votre disposition, soit demain matin à neuf heures, si la présente vous arrive à temps, soit aprèsdemain, même heure.

Vous n'aurez donc qu'à vous présenter chez M. Rouvier, 152, rue de la Tour, et à me demander.

Je crois devoir ajouter, monsieur, que je n'appartiens à aucune administration et que vous pourrez vous expliquer devant moi en toute sécurité.

Veuilez agréer, monsieur, mes salutations les plus distinguées. Signé : DELPECH.

Sur cette convocation, Sourbé se rendit à Passy, au domicile particulier de M. Rouvier, où M. Delpech recevait les solliciteurs. Il fut accueilli, dit-il, avec une encourageante bienveillance, et il exposa au secrétaire officieux du ministre le but de sa démarche. Son vif désir était, en effet, de terminer à l'amiable par voie

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d'arbitrage le procès civil en contrefaçon alors pendant devant le tribunal civil de la Seine, et, dans le cas où la transaction souhaitée se réaliserait, d'obtenir que l'Etat consentit à acheter son brevet qui tomberait ainsi dans le domaine public.

M. Rouvier fit recueillir par son cabinet des renseignements sur cette affaire dont il n'avait gardé, dit-il, qu'un vague souvenir pour en avoir connu lors de son passage, en 1884, au ministère du commerce. On lui adressa de la direction des contributions indirectes le rapport, en date du 24 juillet 1887, dont il vous a donné lui-même lecture.

Sourbé augurait fort bien de l'avis qui devait être exprimé dans ce rapport; car dès le 23 juillet il écrivait en ces termes à M. Delpech:

Lettre Sourbé du 23 juillet 1887.

Messieurs,

Paris, le 23 juillet 1887.

J'ai eu la satisfaction d'apprendre, hier soir, par M. Dechaud, que j'ai fortuitement rencontré, des nouvelles de mon affaire. Il m'a dit qu'elle était excellente en voie d'arrangement, ou que du moins, il le présumait, car, a-t-il ajouté, l'opinion favorable de l'administration des contributions indirectes avait été soumise hier soir à la signature de M. le directeur général, qui, suivant toute probabilité, la transmettrait officiellement ce matin même à M. le ministre des finances.

C'est à vous, monsieur, et à la bienveillante activité de M. Legay que je dois cet heureux résultat. Je vous remercie et je l'en remercie.

M. Aubépin, président du tribunal, a cru devoir renvoyer les plaidoyers de l'affaire à mercredi prochain. Mais aujourd'hui que l'obstacle qui s'opposait à une transaction a disparu, celui qui émanait des contributions indirectes, il me semble qu'il serait peu convenable de plaider mercredi, même au cas fort probable où une transaction n'aurait pas encore eu le temps d'être signée entre M. le ministre du commerce et moi.

Si un ajournement nouveau des plaidoyers vous semble, comme à moi, aussi bien indiqué par les convenances que par les circonstances, il y aurait lieu de le faire réclamer d'un commun accord, par nos avocats respectifs.

Je me propose donc de me rendre mardi prochain, veille de l'audience, dans le cabinet de M. Nicolas, directeur du commerce, pour m'entendre à ce sujet avec lui.

Mais, en présence des lenteurs occasionnées par les formalités administratives, il se peut que M. le ministre des finances n'ait pas eu le temps, d'ici à mardi, de transmettre officiellement à M. le ministre du commerce la communication de pièces qu'il a à lui faire en vue d'un arrangement.

Il y aurait donc lieu, pour faciliter l'entente entre M. Nicolas et moi, en vue d'une remise du procès, de prévenir officieusement M. le ministre du commerce de l'état actuel de la question. Il pourrait ainsi donner ses instructions à temps à M. Nicolas.

Je me borne à vous soumettre ces réflexions, en vous laissant juge de leur opportunité.

En attendant d'avoir l'occasion de vous remercier verbalement, ainsi que M. Legay.

Je vous prie d'agréer, monsieur, avec le témoignage de ma gratitude, mes respectueuses salutations.

Signé: C. SOURBÉ,

84, rue Monge.

Les choses paraissent en être demeurées là, en ce qui concerne du moins l'examen de l'affaire au cabinet du ministre, et, par suite d'un accord entre les parties, les plaidoiries du procès civil en contrefaçon avaient été renvoyées après vacations, lorsqu'à la date du 11 août, Sourbé reçut de M. Jumel, banquier à Paris, le télégramme suivant :

Paris, le 11 août 1887, onze heures. Cher monsieur, Voulez-vous bien prendre la peine de venir me parler le plus tôt possible. J'ai à vous faire une communication très importante.

ALPH. JUMEL.

Il convient de laisser à M. Jumel la responsabilité du récit des faits qui ont suivi. Voici, au surplus, sa déclaration écrite, en date du 7 octobre 1888, qu'il a remise à Sourbé sur sa

demande et dont il est venu renouveler les affirmations devant la commission le 8 février 1888.

Déclaration du 7 octobre 1887.

Paris, le 7 octobre 1887.

Je soussigné, Alphonse Jumel, banquier, rue Montmartre, no 146, déclare ce qui suit pour rendre hommage à la vérité :

Le 4 août 1887, M. Cadiot me révéla sa parenté avec M. Rouvier, chef du cabinet, ministre des finances. Il m'avoua que M. Rouvier et lui n'étaient pas riches, qu'ils avaient besoin de gagner de l'argent et que, pendant qu'on pouvait profiter de l'occasion, il valait mieux se hâter que d'attendre les changements imprévus de la politique, etc.; que sí je trouvais une affaire propre et honnête à proposer à l'Etat, son concours m'était acquis.

Le 8 août, je me rendis chez M. Cadiot pour m'entendre sur les moyens d'entamer des pourparlers avec M. Rouvier afin de lui offrir, pour le compte de banquiers anglais, une négociation de 180 millions de bons du Trésor, que M. Rouvier, consulté, ne put pas accepter pour des raisons contenues dans une lettre que j'ai entre les mains et que m'écrivit M. Cadiot.

Aussitôt ce premier échec, j'eus l'idée de lui parler de l'affaire Sourbé, qui ne m'avait pas chargé de lui en parler.

Le 11 août, je lui parlais de l'affaire Sourbé, qu'il me déclara connaître parfaitement pour en avoir déjà entendu parler en haut lieu, ajoutant que M. Delpech avait déclaré en sa présence que M. Sourbé avait été victime d'une spoliation.

Il me pria de lui faire faire la connaissance de M. Sourbé et de le lui amener le plus tôt possible, offrant son concours pour faire terminer l'affaire, moyennant une participation importante sur le prix de vente à l'Etat.

J'adressai immédiatement une dépêche à M. Sourbé en l'invitant à venir me trouver le plus tôt possible pour une communication importante.

M. Sourbé vint vers midi et demi et je lui transmis les propositions que j'étais chargé de lui faire de la part de M. Cadiot.

M. Sourbé, après avoir hésité un moment et redoutant de se mettre à dos M. Rouvier, accepta aux conditions suivantes :

1 Il voulait les 2 millions qu'il avait, me ditil, constamment réclamés pour le préjudice à lui porté. Il consentait à abandonner la plus large part à MM. Rouvier et Cadiot sur le surplus portant sur la cession du brevet dont le prix avait toujours été tenu en dehors des 2 millions de dommages-intérêts réclamés devant le conseil d'Etat et devant le tribunal civil.

2o Avant de prendre aucun engagement, M. Sourbé exigeait que M. Cadiot lui prouvât l'accord qui existait entre M. Rouvier et lui, Cadiot.

Le soir même, je transmis à M. Cadiot les conditions de M. Sourbé. M. Cadiot accepta toutes ces conditions et insista vivement pour que je le misse immédiatement en rapport avec M. Sourbé, qu'il ne connaissait pas.

L'entrevue entre MM. Cadiot et Sourbé eut lieu le lendemain matin, 12 août, en ma pré

sence.

M. Cadiot confirma lui-même à M. Sourbé les propositions qu'il m'avait chargé de lui faire, en annonçant de nouveau que son beau-frère, M. Rouvier, était parfaitement au courant de ces propositions.

Toutefois, en ce qui concernait les exigences de M. Sourbé qui voulait avoir la preuve positive de l'entente entre M. Rouvier et M. Cadiot, ce dernier ajouta qu'en raison de sa situation, M. Rouvier devait être tenu à l'écart et ne pas être directement en rapport avec M. Sourbé.

Que quant à l'assurance de l'entente qui existait entre lui, Cadiot, et son beau-frère Rouvier dans l'affaire, elle lui serait donnée par un des secrétaires même de M. Rouvier, le lendemain matin, à neuf heures, à Passy, au domicile même de M. Rouvier, où M. Cadiot s'offrait d'accompagner M. Sourbé en lui donnant rendez-vous à la gare du Trocadéro. Ce qui fut accepté par M. Sourbé et accompli ponctuellement.

Après cette entrevue, M. Cadiot fut tout de suite prêt à m'exprimer le désir d'avoir un engagement écrit de M. Sourbé.

Je fis part de ce désir à M. Sourbé, qui, après avoir un peu hésité, consentit à passer le traité du 18 août, qui fut signé en må présence, en double expédition.

Je dois ajouter que, sur la demande de M. Cadiot, le traité fut rédigé en termes tels, que le but occulte de la cession à l'Etat se trouvait dissimulé pour ne pas compromettre M. Rouvier en cas de perte du traité; mais la garantie de la bonification abandonnée par M. Sourbé et qui formait la clause essentielle du contrat, fut nettement stipulée.

Quelques jours après la signature du traité, M. Cadiot me dit que l'affaire rencontrait des difficultés du côté de l'administration des contributions indirectes; qu'il résultait d'une enquête faite par lui dans les bureaux, que M. Sourbé avait de grands ennemis; que, dans tous les cas, les prétentions de M. Sourbé étaient trop élevées, et qu'il faudrait qu'il en rabattît.

Depuis lors, je n'ai plus revu M. Cadiot, qui m'a toujours évité, et c'est par M. Sourbé que j'ai appris qu'il y avait eu rupture entre eux. En foi de quoi, j'ai délivré, sur sa demande, à M. Sourbé, la présente déclaration pour servir ce que de droit.

Approuvé l'écriture.

Signé ALPHONSE JUMEL. M. Sourbé est-il allé en août à Passy, au domicile de M. Rouvier, comme l'énonce ce document? Y a-t-il été reçu par M. Delpech avec M. Cadiot qui l'y aurait accompagné?

Sur ce point, Sourbé est en complète contradiction avec M. Delpech. Il soutient qu'il est arrivé à la gare de Passy, avec Cadiot, vers huit heures du matin, que celui-ci est d'abord entré seul dans le cabinet de M. Delpech; que lorsque lui, Sourbé, a été introduit à son tour paroles échangées entre eux, en présence de auprès de l'ami de M. Rouvier, les quelques deux personnes d'ailleurs étrangères à l'affaire, lui ont donné la conviction que M. Delpech était au courant des propositions de Cadiot avec qui il n'avait plus qu'à s'entendre, et qu'elles l'ont confirmé dans ce sentiment que M. Delpech était bien, dans ces négociations, l'agent de M. Rouvier; que c'est enfin au sortir de cette entrevue que Cadiot a exigé la signature d'un traité.

M. Delpech, de son côté, nie d'abord qu'il ait ruçu Sourbé à Passy, à la date où se placerait cette prétendue visite. Il assure qu'à cette époque il n'allait même plus à Passy le matin, et qu'il donnait au ministère ses audiences aux solliciteurs du président du conseil. Il affirme tien avec Sourbé accompagné de Cadiot. S'il a que, dans tous les cas, il n'a jamais eu d'entreaccueilli avec intérêt les réclamations de Sourbé, c'est que celui-ci lui paraissait, en effet, digne de sollicitude et victime d'un passedroit. Mais, préoccupé de voir que Cadiot, dont il connaissait l'extrême légèreté, s'intéressait à lui de son côté, il a cessé complètement de s'occuper de l'affaire. Il déclare, enfin, qu'il n'a jamais rien su du traité du 18 août dont il n'a eu connaissance qu'au mois de novembre par M. Rouvier lui-même.

Appelés à s'expliquer contradictoirement devant votre sous-commission, MM. Delpech et Sourbé ont persisté l'un et l'autre dans leur témoignage.

La première déposition de Sourbé devant la commission générale avait eu lieu le 4 février 1888. Dès le 8, M. Rouvier, informé, vous a-t-il dit, de son contenu par les révélations de la presse, demandait spontanément à être entendu par vous et protestait avec énergie contre les imputations dirigées contre lui. Il affirme n'avoir connu qu'en novembre le traité souscrit par son beau-frère auquel il aurait manifesté sa surprise et son indignation, et avec qui il aurait même rompu toute relation. Il a ajouté qu'à partir de ce jour, il avait considéré comme impossible de s'occuper de l'affaire de M. Sourbé, et qu'il avait refusé d'entendre davantage parler de lui par les personnes qui voulaient s'interposer en sa faveur.

Cela exposé, voici, messieurs, le texte in extenso du traité du 18 août conclu entre MM. Sourbé et Cadiot :

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