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que la question de la peine de mort, qui avait été abolie en Toscane (Code pénal toscan de 1853) et maintenue dans le reste. de l'Italie (Code pénal sarde de 1859), a été la cause principale des retards subis par les nombreux projets qui ont enfin abouti au Code actuel de 1889. Ce Code s'inspire des idées de l'école classique, mais avec une tendance novatrice qui l'a fait qualifier, par les criminalistes de l'école sociologique, d'œuvre éclectique. Nous aurons de nombreux emprunts à lui faire 23.

86. III. A la fin du xv et au commencement du xvI° siècle, on essaya, dans quelques pays d'Allemagne, de remédier à l'anarchie dans laquelle se trouvait le droit pénal. On vit alors surgir des recueils, dans lesquels sont réunis et résumés, soit les différents droits locaux (Landrechte), soit la procédure à suivre devant les tribunaux (Landgerichtsordnung), soit les règlements des villes réformées (reformirten Stadtrechte). Quelques Codes furent même promulgués, contenant, à côté des lois de fond, les règles de la procédure pénale. Parmi ces Codes, il faut signaler le règlement criminel (Malefiz-Ordnung), pour le comté du Tyrol, promulgué par Maximilien Ier, en 1499; le règlement de justice criminelle du même prince, de l'année 1506, pour la ville de Radolphzell, et surtout la loi de justice

PAOLI, Espositione storica e scientifica dei lavori di preparazione del Codice penale italiano dal 1866 al 1884 (Florence, 1884). Ces divers projets ont donné lieu à des travaux remarquables soit en France, soit à l'étranger. Citons seulement en France: Th. BROCHER (Rev. gen. de droit, 1877, t. I, p. 506 et suiv., 564 et suiv.); A. DE BOVILLE (Bull. de la soc. de législ. comp., 1876-1877, p. 485); G. VIDAL (Journ. de droit intern. privé, 1877, p. 344); MOLINIER, Études sur le nouveau projet du Code pénal pour le royaume d'Italie (1879-1880, Paris et Toulouse); ALIMENA, Le projet du Code pénal italien, Paris et Lyon, 1888.

23 Voy. ALIMENA, La péninsule italienne dans Le droit criminel des États européens, p. 115 à 133. On trouvera, à la fin de ce travail (p. 132), la bibliographie de la littérature italienne. Le Code pénal italien a été traduit: 1o par SARRAUTE (Le Code pénal pour le royaume d'Italie, traduit, annoté et précédé d'une introduction, Paris, 1890); 2o par LACOINTA (Le Code pénal d'Italie, traduit, annoté et précédé d'une introduction, Paris, 1891). C'est l'édition de la Société de législation comparée; 3° par TURREL (Code pénal italien, Paris, 1890).

criminelle de Bamberg, de 1507 (Bambergische Halsgerichtsordnung), désignée quelquefois, avec une certaine exagération, comme « la mère de la Caroline » (die Mutter der Carolina). Ces efforts vers l'unité et la clarté dans la législation pénale aboutirent à la promulgation, le 27 juin 1532, du règlement de justice criminelle de l'empereur Charles-Quint et du saint Empire romain (Kaiser Karls des funfften und des heilichen Römischen Reichs peinlich Gerichtsordnung)", désigné, par abréviation, sous le nom de la Caroline. Du reste, à la suite de représentations faites par quelques États, il fut dit, dans les préliminaires de cette loi, que « les électeurs, princes et États, n'étaient pas obligés de renoncer à leurs vieilles coutumes respectables et conformes au droit. » Cette addition, qui reçut plus tard le nom de «< clause salutaire » (Salvatorische Clausel), servit souvent à écarter l'application de la Caroline. Cette loi forma cependant le droit commun allemand en matière criminelle. Mais l'esprit particulariste, un moment arrêté au xvIe siècle, reprit le dessus, et si la première partie du dicton du moyen âge : « Le droit des villes prime le droit du pays » (Stadtrecht bricht Land

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2 Cfr. Sur l'histoire du droit criminel allemand: STINTZING, Geschichte der deutschen Rechtswissenchaft. On trouvera des renseignements abrégés sur cette histoire dans Le droit criminel des États européens : L'empire d'Allemagne, p. 261 à 366. La Caroline, avec ses divers projets préparatoires, se trouve dans l'édition suivante : Die peinliche Gerichtsordnung kaiser Karl's V, nelst der Bamberger und Brandenburger Halsgerichtordnung, publiée par Heinrich ZEPEL, 1876. La Caroline est rédigée en allemand, en une langue claire et énergique rappelant celle de Luther. Elle diffère essentiellement, quant au fond et quant à la forme, d'un Code pénal moderne. Outre les règles sur le droit pénal, elle contient les règles de la procédure pénale. On peut distinguer trois parties dans l'ensemble de ses dispositions. Dans la première, sont tracées les règles sur la marche générale du procès pénal, depuis son début jusqu'au prononcé du jugement (art. 1 à 103); dans la seconde, se trouve l'indication des délits punissables (art. 104 à 180); dans la troisième, les mesures pour l'exécution des jugements (art. 181 à 219). La Caroline, est, du reste, à la fois un code et un manuel, « à peu près comme les Institutes de Justinien », dit STINTZING, op. cit., p. 629. La Caroline a été souvent traduite en français, particulièrement à l'usage des conseils de guerre des troupes suisses servant en France avant la Révolution.

recht), ne fut plus vraie en matière pénale, la seconde partie, le « droit du pays prime le droit commun» (Landrecht bricht gemeines Recht), devint de plus en plus exacte. Depuis le XVIII siècle jusqu'au milieu du XIX, ce qui frappe, quand on étudie l'histoire du droit criminel allemand, c'est un mouvement de décentralisation législative qui donne naissance, dans chaque État, à des Codes particuliers, dont les plus remarquables sont : le Codex juris bavarici criminalis de 1751, la Constitutio criminal is theresiana de 1768, le Code pénal bavarois de 1813 25, les Codes de droit pénal prussien de 1794 et 1851, le Code pénal saxon de 1838, le Code pénal du Hanovre et celui de Brunswick de 1840, celui de Hesse-Darmstad de 1841, le Code pénal badois de 1845, celui de Thuringe de 1850.

Depuis 1856, un travail inverse de centralisation s'est opéré, soit en Allemagne, soit en Autriche.

La confédération de l'Allemagne du Nord, formée sous l'hégémonie de la Prusse, s'est donnée une législation pénale commune. Ce mouvement a commencé, par l'établissement d'une Cour suprême judiciaire à Leipzig, et par la promulgation, le 31 mai 1870, d'un Code pénal, qui est devenu, par suite des victoires prussiennes, à partir du 1er janvier 1872 26, le Code impérial fédéral germanique. Ce Code a été l'objet d'une révision importante en 1876". Au Code pénal, ont fait suite une loi sur l'organisation judiciaire du 27 janvier 1879, et un Code de procédure pénale du 1er février 1877, qui sont entrés en vigueur,

25 Comp. sur ce Code et le Code pénal français de 1810, qui se sont partagés, en Europe, l'influence de domination et de propagande scientifiques : BONNEVILLE DE MARSANGY, Rev. crit. de législ., 1852, p. 616. On trouvera le tableau du travail législatif des États allemands, jusqu'en 1838, dans ORTOLAN, Cours de législ. pénale comp. (Introduction philosophique), p. 44; BERNER, op. cit., § 61; Die Strafgesetzgebung in Deutschland, 1867; von Liszt, Lehrbuch, 8e éd., p. 22 à 38, 46 à 59.

26 Ce Code a été traduit par M. RIBOT, Annuaire de législation étrangère, 1872, p. 80 et s. Cfr. MARTINET, Étude sur l'origine du Code pénal allemand (Bull. soc. législ. comp., 1874, p. 149).

27 Le texte de la loi de révision du 26 février 1876 est traduit dans l'Annuaire de législation étrangère, 1877, p. 133.

pour tout l'Empire, le 1er octobre 1879. Ainsi se trouve unifiée la législation pénale de l'Allemagne 28.

L'Autriche, séparée de la Confédération germanique, est entrée dans la même voie, par la promulgation, le 23 mai 1873, d'un Code de procédure pénale 29, qui se caractérise par un développement du système accusatoire, tel qui n'existe dans aucun autre Code des États du continent. L'application de ce Code doit être complétée par un Code pénal, une première fois soumis aux Chambres, en 1874, par le ministre de la justice Glaser, et non encore voté 30. Ce Code doit remplacer celui du 27 mai 1852, actuellement en vigueur, qui a lui-même remplacé le Code pénal de 1803.

La Hongrie a suivi la même voie de réforme. Il n'y a pas longtemps encore, son droit criminel se composait des éléments épars dans le Corpus juris Hungarici, dans les coutumes et dans les décisions judiciaires: un nouveau Code pénal, préparé par de longs travaux, a été promulgué le 29 mai 1878 31.

28 Les manuels classiques du droit pénal allemand sont assez nombreux. Voici les plus estimés: Hugo MEYER, Lehrbuch des Deutschen Strafrechts (éd. de 1881, Erlangen); BERNER (la fre éd. date de 1857, la 13o, que j'ai sous les yeux, date de 1883); Franz von LISZT (8e éd. 1897, un des plus récents et des plus remarquables). Parmi les ouvrages plus considérables, je citerai von HOLTZENDORFF, Handbuch der deutschen Strafrechts Einzelbeitragen von verschiedenen Berfassern (4 vol., 1871 à 1877); HALSCHNER, Das gemeine deutsche Strafrecht systematisch dargestellt. (2 vol., 1881-1884); von BAR, Handbuch des deutschen Strafrechts (3 vol.). On trouvera la bibliographie du droit pénal allemand, soit dans BINDING, op. cit., p. 43 à 51, soit dans la notice de Hermann SEUFFERT, sur l'empire d'Allemagne, dans Le droit criminel des États européens, p. 363 à 366.

29 Le Code de procédure criminelle autrichien a été traduit par MM. LyonCaen et Bertrand, sous le titre inexact de Code d'instruction criminelle.

30 Ce projet a été représenté à diverses reprises, mais toujours sans succès. Sur l'appréciation du projet : MARTINET, Bull. soc. législ. comp., 1876, p. 328 à 313. S. Mayer, Rev. pénit., 1891, p. 268. Sur la législation pénale autrichienne, voy., dans Le droit criminel des États européens, la notice par Karl HELLER, p. 369 à 411.

31 Sur ce Code, MARTINET, Bull. Soc., 1877, p. 15; MAYER, Das ungarische Strafgesetzbuch, 1878. Ce Code, traduit en français par MM. MARTINET et DARESTE, fait partie de la collection des principaux Codes étrangers publiée

La législation pénale autrichienne a été introduite dans la Bosnie et l'Herzégovine en 1881. Elle régit encore la CroatieSlavonie, bien que ce pays forme, avec la Hongrie, une communauté politique.

La législation pénale des pays balkaniques a subi des influences très diverses et n'est pas puisée aux mêmes sources. En Bulgarie, le Code, ayant actuellement force de loi, est encore le Code pénal turc de 1857. Un projet nouveau a été présenté par le gouvernement en 1888, mais il a été retiré depuis 32. La Grèce est régie par un Code qui date de 1834 et qui a été élaboré sur le modèle du Code pénal bavarois de 1813 33. Le Code pénal roumain, qui s'inspire du Code pénal français, a été promulgué en 1866 ". C'est, au contraire, le Code pénal prussien de 1851, qui a servi de base au Code pénal serbe de 1860 .

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87. IV. Le droit pénal de la Russie 36 a, comme celui de presque tous les peuples, son origine dans la vengeance privée. L'idée que le délit constitue une offense sociale apparaît dans une loi importante, le Sudeback d'Ivan III (1497). La cruauté et l'arbitraire du système pénal qui caractérisent, depuis lors, la législation russe, ne commencent à prendre fin que par les réformes de l'empereur Nicolas. Non seulement ce prince abolit complètement la torture et adoucit les peines corporelles, mais,

par les soins de la Société de législation comparée. Sur la législation hongroise, on consultera surtout la notice publiée par Jules de WLASSICS, dans Le droit criminel des États européens, p. 412 à 432.

32 Voy. Le droit criminel des États européens, notice par SCHISMANOW, p. 232 à 237.

33 Voy. Le droit criminel, notice par Constantin A. HYPRIADES, p. 238 à 240.

34 Voy. Le droit criminel, notice par MISSIR, p. 245 à 252.

35 Voy. Le droit criminel, notice, p. 253 à 258.

36 Comp. LEHR, La nouvelle organisation judiciaire de la Russie (Paris, 1875); La nouvelle législation pénale de la Russie (Rev. de leg. franç. anc. et mod., 1875, p. 270 et suiv.; 1876, p. 166 et suiv.); TAGANTZEF, Cours de droit pénal (en russe), Saint-Pétersbourg, 1874-1880; Leçons de droit criminel russe (en langue russe), partie générale (Saint-Pétersbourg, 1887). Voy. dans Le droit criminel des États européens, la notice très complète de FOINITZKI, p. 513 à 558.

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