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ans ou celle d'une année qui est applicable aux contraventions punies d'une peine correctionnelle? Sur ce point encore, la jurisprudence est fixée pour l'application de la prescription de trois ans12.

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En matière d'infractions commises à l'étranger. — L'article 5 du Code d'instruction criminelle ne permet de punir en France que les crimes et les délits commis par les Français à l'étranger. Est-il possible de poursuivre, en France, une infraction commise à l'étranger, punie correctionnellement, mais présentant plutôt le caractère d'une infraction matérielle que celui d'un véritable délit? La Cour de cassation a répondu affirmativement, elle a décidé «< que les règles de la compétence, régissant les délits commis en pays étranger, s'appliquent à tous les faits punis de peines correctionnelles, sans distinguer entre les infractions de cette catégorie qui peuvent ne résulter que d'un acte purement matériel et celles qui, suivant le droit commun, impliquent, en même temps, un élément intentionnel. » Elle a ajouté que, « aux termes de l'article 1er du Code pénal, la qualification de délit appartient à tout fait punissable de peines correctionnelles 13 >>.

C'est, en effet, la conclusion à laquelle la jurisprudence devait arriver". En ne s'attachant pas à la classification du Code pénal, en voulant y substituer une classification plus en rapport avec la nature des actes délictueux, elle se mettait en contradiction avec le texte comme avec l'esprit de la loi.

En résumé donc, lorsque, par exception, soit dans le Code pénal, soit dans les lois spéciales, le fait à réprimer a reçu une qualification qui n'est pas déduite de la peine, ou a été réprimée par une peine qui n'est pas en rapport avec la nature de l'in

12 V. Orléans, 8 mars 1887 (D. 88.2.97), et ma note; Toulouse, 2 février 1889 (S. 91.2.93).

13 Cass., 13 avril 1883 (S. 85.1.401).

14 Les délits-contraventions paraissent donc avoir cessé d'exister comme catégorie à part. Les deux arrêts du 14 avril 1883, et du 23 février 1884; un dernier arrêt du 13 juin 1884 (S. 86.1.234) ont dressé leur acte de décès. M. VILLEY le constate, dans un article qu'il intitule: Fin des délits contraventionnels (La France judiciaire, 1886, t. X, p. 365 à 370.

fraction, l'article 1er du Code pénal est, en l'absence de textes plus explicites, la seule règle à appliquer pour déterminer le véritable caractère de l'infraction', et sa qualification juridique.

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§ IV. CLASSEMENT DES INFRACTIONS AU POINT DE VUE
DE LEUR MATÉRIALITÉ

98. Diverses classifications tirées de la matérialité du délit. 99. Infractions instantanées et continues. -100. Infractions simples et d'habitude. - 101. Infractions collectives par l'unité du but. - 102. Infractions flagrantes et non flagrantes.

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98. L'infraction, considérée dans sa matérialité, suppose un acte tombant sous les sens. De nombreuses différences distinguent les infractions, en ce qui concerne cet élément matériel, nécessaire à leur existence. Ainsi, certaines infractions, les plus nombreuses, se réalisent par un fait d'action, d'autres, par un fait d'inaction. Certaines, telles que le meurtre, les coups et blessures, le vol consommés, les délits commis par la voie de la presse, etc., laissent, après qu'elles sont accomplies, des traces matérielles, désignées parfois, en prenant ce mot dans un sens restreint, sous le nom de corps du délit; d'autres, telles que les injures et diffamations verbales, etc., ne laissent, dès qu'elles sont accomplies, aucune trace que l'on puisse matériellement constater et produire devant les tribunaux. Ainsi encore, suivant que l'acte extérieur qui les constitue est commencé ou achevé,

15 Cfr. sur la question et dans ce sens : Paul BERNARD, De la prescription des infractions dont le caractère est incomplètement défini par la loi pénale, Rev. crit. de législ., 1862, t. XXI, p. 321; VILLEY, op. cit., p. 125; CousTURIER, Comment se déterminent le caractère d'une infraction et la prescription qui lui est applicable (Rev. de droit français et étranger, 1848, t. XV, p. 241); Albert DESJARDINS, Examen doctrinal sur la jurisprudence criminelle (Rev. crit., 1885, p. 87); GARDEIL, Examen doctrinal sur la jurisprudence criminelle (Rev. crit., 1889, p. 1 à 5). En sens contraire: Conseil d'État, 29 déc. 1870 (D. 72.3.36); 8 mai 1874 (D. 75.3.44); De la prescription des contraventions à la loi sur les Sociétés (Rev. des Sociétés, 1883, p. 189 194).

on distingue les infractions, en infractions tentées, manquées ou consommées. Suivant la nature de ce même acte, on sépare les infractions continues, des infractions instantanées; les infractions d'habitude, des infractions simples. Enfin, d'après la situation dans laquelle l'infraction est constatée, on distingue les infractions flagrantes et les infractions non flagrantes. Nous allons insister, ici, sur ces dernières classifications. Quant aux autres, nous les avons étudiées déjà, ou nous les étudierons plus tard, au cours de cet ouvrage.

99. Infractions instantanées; Infractions continues. - Les délits sont instantanés ou continus suivant qu'ils consistent, soit dans l'accomplissement ou l'inaccomplissement d'un acte à un moment donné, soit dans un état d'action ou d'inaction. Dans le premier cas, le délit s'entend d'un acte que l'on exécute, lorsqu'on devrait s'en abstenir, ou que l'on n'exécute pas, lorsqu'on devrait l'accomplir; dans le second, de l'état même d'activité ou d'inertie où se trouve l'agent et qui peut se prolonger un certain temps'. Le délit instantané prend fin par cela même et par cela seul que l'action ou l'omission incriminée s'est produite, quelque temps qu'ait duré sa préparation ou son exécution, et quelles qu'en aient été les suites 2. C'est le caractère de la plupart des infractions: ainsi, l'homicide, les coups et blessures, l'escroquerie, l'incendie, etc., consistent dans l'acte de tuer, de porter des coups, de faire des blessures, d'obtenir certaines valeurs par des manoeuvres frauduleuses, de mettre le feu ce sont donc des délits d'action instantanés. Parmi les

§ IV. Cette notion plus précise des délits instantanés et continus est due à THIRY, Cours de droit criminel, 2e éd., 1896, no 185.

2 NYPELS (Code pénal interprété, art. 371, no 4) prétend que cette distinction repose sur une confusion entre les suites du délit et le délit même. Mais cette opinion isolée est facilement réfutée par les explications données au texte. Cfr. du reste: ORTOLAN, op. cit., t. I, no 740-764; Rev. crit., 1854, p. 323; HAUS, t. I, no 366 et la note. Sur les infractions continues: J. de droit crim., art. 9450. Conserver le bénéfice du délit accompli, si, de sa nature, le délit est instantané, ce n'est pas évidemment se rendre coupable d'un délit continu. Cette observation sera particulièrement développée à propos du vol, qui consiste dans la soustraction et non dans la rétention de la chose d'autrui.

délits d'inaction instantanés, nous donnerons comme exemple le fait de ne pas se présenter en justice pour y fournir son témoignage (C. instr. cr., art. 80). Au contraire, la séquestration illégale, le port illégal de décorations ou d'armes prohibées, résultant d'un état délictueux, ont le caractère de délits continus3.

Pour déterminer si une infraction rentre dans la catégorie des infractions instantanées ou dans celle des infractions continues, il faut, avant tout, analyser sa définition légale. Je ne connais pas d'autre critère juridique. Ainsi, le vol, qui consiste dans le fait de la soustraction, et non dans celui de la rétention de la chose d'autrui (C. p., art. 379), est une infraction instantanée; il en est de même de la bigamie, qui résulte du fait d'avoir contracté un second mariage avant la dissolution du premier et non du fait de vivre avec le conjoint qu'on s'est donné contrairement à la loi (art. 340). L'adultère du mari, qui consiste dans le fait d'entretenir une concubine dans la maison conjugale, est un délit continu, tandis que l'adultère de la femme, résultant de la consommation d'un rapport sexuel, est un délit instantané (C. p., art. 336 et 337). La distinction, dont je m'occupe, s'étend, du reste, aux délits d'inaction, comme aux délits d'action. Si le manquement au devoir de se présenter en justice tel jour, à telle heure, pour déposer comme témoin ou remplir les fonctions de juré, constitue, par exemple, un délit d'inaction instantané, le manquement au devoir imposé aux officiers de la police administrative et judiciaire de faire cesser une détention illégale ou de la dénoncer à l'autorité compétente dès

3 Notre ancienne jurisprudence, pour désigner ces sortes de crimes (Cfr. JOUSSE, Traité de la justice criminelle, t. I, p. 584, no 56), se servait de l'expression délits successifs, parce que, « dans ces sortes de crimes, on peut dire qu'il s'en commet un nouveau à chaque instant ». Cette manière de comprendre et, par conséquent, de désigner les infractions qui nous occupent, n'est pas complètement exacte, comme nous le démontrons dans le texte. Aussi l'expression délits continus nous paraît préférable.

Mais différents faits d'adultère, de même que différents vols, peuvent être reliés entre eux par une unité de conception et de résolution telle qu'ils ne forment plus tous ensemble qu'une même infraction. Quand en sera-t-il ainsi? Cela dépendra des circonstances. Comp. NYPELS, op. cit., t. II, p. 199; HAUS, op. cit., t. I, p. 281 en note; THIRY, op. cit., no 192.

qu'ils en ont connaissance, est certainement un délit d'inaction continu (C. instr. cr., art. 616; C. p., art. 119 et suiv.) 5.

L'intérêt de cette division des infractions se rencontre en ce qui concerne soit la pénalité, soit la procédure, soit la prescription, soit la rétroactivité. a) La durée plus ou moins longue du fait matériel qui constitue l'infraction continue est tantôt une circonstance aggravante légale, comme dans le délit de séquestration arbitraire (C. p., art. 341 à 343), tantôt une circonstance aggravante judiciaire, comme dans le délit de port illégal de décoration. Dans tous les cas, une seule peine doit être appliquée, quelque temps qu'ait duré l'action ou l'inaction incriminée, parce qu'il n'y a qu'une seule et même infraction . b) Si le délit, en se continuant, a été commis en plusieurs lieux, cette circonstance peut susciter des difficultés en ce qui concerne l'application de la loi pénale française, ou des conflits de compétence entre les diverses autorités chargées de le poursuivre, de l'instruire ou de le juger. c) La prescription de l'action publique ne commence à courir, pour les délits continus, que du jour où ils ont pris fin, et non du jour où le premier fait qui les constitue a été accompli. d) La non-rétroactivité des lois pénales s'oppose, en matière de délit continu, à ce que les faits antérieurs à leur promulgation soient incriminés, mais non à ce que les faits postérieurs puissent échapper à leur empire, sous prétexte que l'état, dont ils sont la suite et la continuation, était licite à l'époque où ils ont commencé.

100. Infractions simples; Infractions d'habitude. — L'expression «< infraction simple » peut être prise dans deux acceptions différentes 1° Souvent, on oppose les infractions qui sont commises avec des circonstances aggravantes, spécialement déterminées par la loi, sous le nom d'infractions quali

5 Cfr. ORTOLAN, t. I, no 743.

6 Cfr. Cass., 3 janv. 1885 (S. 85.1.400). Cet arrêt décide que la contravention d'embarras sur la voie publique (C. p., art. 471, § 4) est permanente. En conséquence, quand un individu, prévenu d'avoir laissé séjourner une voiture sur la voie publique, a été condamné à raison de ce fait, le maintien de ce fait ne peut donner lieu à une nouvelle contravention. Cfr. également et dans le même sens : Cass., 29 janv. 1885 (D. 86.1.43).

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