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fiées, à celles qui sont dépouillées de ces circonstances, et qu'on appelle alors infractions simples. Ainsi, le vol qualifié est le vol accompagné de circonstances aggravantes qui lui donnent le caractère de crime; on l'oppose, sous ce nom, au vol simple, qui n'est qu'un délit. 2o Dans un autre sens, l'infraction simple est celle qu'un seul fait suffit à constituer. On l'oppose à l'infraction collective ou d'habitude, qui résulte d'actes, dont chacun, pris isolément, est impuni, mais qui deviennent punissables dès qu'ils sont réitérés, et révèlent ainsi une habitude chez leur auteur. Presque toujours, la loi pénale se contente d'un seul fait pour l'existence du délit. Parfois, cependant, elle exige la réunion d'un certain nombre de faits, dont l'ensemble seul constitue l'infraction. Je citerai, à titre d'exemples: 1° le délit d'habitude d'usure prévu et puni par la loi du 3 septembre 1807 (art. 4) et la loi du 19 décembre 1850 (art. 2); 2° l'attentat aux mœurs en excitant, favorisant ou facilitant habituellement la débauche ou la corruption de la jeunesse de l'un ou de l'autre sexe au-dessous de vingt et un ans (C. p., art. 334); 3° le fait de procurer habituellement logement, lieu de retraite ou de réunion à certains malfaiteurs, avec connaissance de leur conduite criminelle (C. p., art. 61) 4° aux termes de l'article 35 de la loi de ventôse, un fait isolé d'exercice de la médecine était punissable. La loi du 30 novembre 1892, dans son article 16, punit «< ceux qui prennent part habituellement ou par une direction suivie, au traitement des malades ou des affections chirurgicales, à la pratique de l'art dentaire, ou des accouchements, sauf le cas d'urgence avérée ».

7 La loi du 12 janvier 1886 déclare, du reste, dans son article unique, que les lois des 3 sept. 1807 et 19 déc. 1850, dans leurs dispositions relatives à l'intérêt conventionnel, sont abrogées en matière de commerce, mais qu'elles restent en vigueur en matière civile. Quel est le critère de la distinction? Voy. Cass., crim., 14 mai 1886 (S. 87.1.345, D. 86.1.428); 9 nov. 1888 (S. 89.1.393). Aj. DANJON, Le prêt civil et le prêt commercial sous la loi du 12 janvier 1886 (Annales de droit commercial, t. I, p. 193 à 207).

* L'exercice illégal de la médecine est simple ou compliqué. a) Dans le premier cas, le délit comprend deux catégories de faits ceux qui sont commis par des personnes dépourvues de toute qualité leur permettant l'exercice de la médecine dans une mesure quelconque, et ceux qui le sont

C'est encore en ce qui concerne la pénalité, la compétence et la prescription, que cette commune division des infractions présente de l'intérêt. a) Le législateur n'ayant pas déterminé, dans les cas qu'il prévoit, le nombre de faits nécessaires pour constituer l'habitude, c'est au juge qu'il appartient d'apprécier, dans chaque affaire, en tenant compte des circonstances, si le prévenu a commis habituellement le fait dont il est inculpé. Toutefois, un minimum de trois faits nous semble indispensable, car la simple répétition d'un acte peut difficilement être envisagée comme formant déjà une habitude. Mais il faut tenir pour certain que l'habitude peut exister, alors même que les faits, qui, par leur réunion, constituent le délit, auraient été commis à l'égard de la même personne. La pluralité de victimes n'est pas en effet une condition essentielle de l'habitude: il suffit mais il faut une série de faits pour la constituer'. Cette pluralité de faits ne saurait, du reste, être confondue avec les actes successifs auxquels donnerait lieu une action unique. C'est ainsi que le fait de toucher plusieurs fois des intérêts usuraires provenant d'un même prêt non renouvelé ne constituerait pas l'habitude d'usure ce ne serait que l'exécution du même fait 1o. b) En raison des divers lieux où le délit d'habitude peut se commettre, il existe des difficultés qui tiennent, soit à la compétence, soit à l'application de la loi pénale française, et que

par des personnes autorisées à pratiquer la médecine dans certaines limites qui sortent de la spécialité à laquelle la loi les confine. b) L'exercice illégal de la médecine peut être compliqué, soit par l'usurpation de titre, soit par l'escroquerie, les coups ou blessures par imprudence suivis ou non de mort, etc. L'usurpation du titre de docteur en médecine ou d'officier de santé, de chirurgien-dentiste ou de sage-femme est spécialement punie (L. 30 nov. 1892, art. 19).

Comp. sur la question de savoir si, pour constituer l'habitude, dans le délit prévu par l'article 334, il est nécessaire que l'agent ait excité ou facilité la débauche de plusieurs mineurs: FAUSTIN HÉLIE, De la jurisprudence sur l'attentat aux mœurs, Rev. crit., 1860, t. XVII, p. 486. L'habitude d'usure pourrait même résulter d'un seul prêt, si le prêt avait été l'objet de plusieurs renouvellements à l'échéance.

10 Sur la question générale, voy. HAUS, t. I, n° 390; ORTOLAN, t. I, nos 762 et 763. L'habitude doit être considérée dans l'agent et non dans les patients du délit.

nous retrouverons au cours de cet ouvrage. c) Enfin, en raison des divers temps où les faits qui constituent le délit se commettent, il est difficile de fixer le point de départ de la prescription, puisque le délit n'existe que par la réunion de ces

faits.

101. Il arrive souvent que l'agent accomplit l'infraction par une série de faits, dont chacun est délictueux, ce qui n'est pas l'hypothèse du délit d'habitude, et qui sont distincts et séparés, ce qui n'est pas non plus l'hypothèse du délit continu, mais qui forment, en se rattachant tous à une seule et même résolution criminelle, dont ils ne sont que l'exécution successive, une seule et même infraction. Tel est le cas de celui qui, voulant dévaliser un appartement, voler le vin qui se trouve dans une cave, opère, en divers voyages, la soustraction de tous les meubles de l'appartement, de tout le vin de la cave, ou de celui qui, dans une même scène de violence, porte des coups répétés à la même personne ". Dans ce cas, l'unité de conception, de résolution et de but entraîne l'unité de délit, et il y a là une continuité morale, bien différente de la continuité matérielle dont nous avons parlé. Cette sorte d'infractions, que certains auteurs qualifient assez exactement d'infractions collectives par l'unité du but 12, doit être également opposée au cas de délits distincts, qui forment soit des délits concurrents soit des délits connexes. En effet, tandis que le délit collectif par l'unité du but ne donne jamais lieu qu'à l'application d'une peine unique, les délits concurrents ou connexes peuvent ou doivent faire encourir plusieurs peines qui se combinent d'après un système légal. De plus, tandis que le délit collectif est l'objet d'une prescription unique, dont le point de départ se place à la fin des actes d'exécution, les délits qui forment, par leur réunion, des délits concurrents ou connexes, sont soumis chacun à une prescription distincte, qui prend cours à leur date respective.

La question de savoir si des faits réitérés doivent être con

1 Voy. pour d'autres exemples: ORTOLAN, op. cit., t. I, no 758. 12 HAUS, t. I, nos 375 à 385. Sur cette sorte de continuité, on lira avec intérêt BERNER, Lehrbuch, § 163. On y trouvera l'indication très complète de la littérature allemande sur ce sujet.

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sidérés, par suite de leur continuité morale, comme ne formant qu'un seul délit, dépend des circonstances souverainement appréciées par les juges. Les difficultés d'une analyse psychologique portant sur l'unité de conception et de but seront d'autant plus grandes que le coupable aura plus d'intérêt à soutenir qu'il n'a commis qu'un délit, quel que soit le nombre de faits qui peuvent lui ètre reprochés.

102. Infractions flagrantes; Infractions non flagrantes. On divise souvent les infractions, en infractions flagrantes et non flagrantes; au fond, cette division n'en est pas une. En effet, l'infraction est flagrante au moment où elle se commet; après quoi, elle cesse de l'être; ce sont là deux états successifs par lesquels passent toutes les infractions. Il est cependant important de constater à quel moment l'infraction est saisie et si l'agent a été ou non trouvé en état de flagrant délit. Cette distinction a mème, dans les anciennes législations, une importance considérable, soit au point de vue de la pénalité, en général plus sévère pour le flagrant délit 13, soit au point de vue de la poursuite, en général plus rapide. La différence de pénalité, qui a sa double raison d'être : 1° en ce que la culpabilité est plus évidente; 2° en ce que l'esprit de vengeance est encore dans toute son ardeur, disparaît, peu à peu, dès que la législation se civilise on ne considère plus alors le flagrant délit comme constituant l'hypothèse normale de la répression. Mais il n'en est pas de même de l'organisation de la procédure. Dans le flagrant délit, la vérité judiciaire est plus facile à obtenir, puisqu'il n'y a aucun doute sur la culpabilité, et la poursuite peut être plus prompte. C'est, au point de vue des règles de la procédure, que le Code d'instruction criminelle donne, dans l'article 41, la définition suivante du flagrant délit : « Le délit qui se commet actuellement, ou qui vient de se commettre, est un flagrant délit. Seront aussi réputés flagrant délit, le cas où le prévenu est poursuivi par la clameur publique et celu

13 Sur la distinction romaine entre le furtum manifestum et le furtum nec manifestum, DESJARDINS, op. cit., p. 128 et suiv. Cfr. ORTOLAN, t. I, no

où le prévenu est trouvé saisi d'effets, armes, instruments ou papiers faisant présumer qu'il est auteur ou complice, pourvu que ce soit dans un temps voisin du délit ». Cette définition n'a été formulée par le législateur qu'en vue de modifier les règles ordinaires qui déterminent les attributions respectives du procureur de la République et du juge d'instruction dans la procédure d'instruction préparatoire. Elle doit, en principe, être restreinte à cette application spéciale, et à celle de la loi du 20 mai 1863, sur la poursuite des flagrants délits en matière correctionnelle. En effet, dans le sens naturel du mot, un délit n'est flagrant qu'au moment où il se commet; alors seulement le prévenu est dans la chaleur de l'action. Si, au lieu de se commettre actuellement, le délit vient à peine de se commettre, on ne peut pas dire, sans doute, qu'il soit flagrant; mais il l'est presque, puisqu'il en reste des traces encore chaudes; on comprend donc que cette situation puisse toujours être assimilée à la première. Mais les cas de quasi-flagrance, qui résultent de cette double circonstance que le prévenu est poursuivi par la clameur publique", ou est trouvé saisi d'effets, armes ou papiers faisant présumer qu'il est l'auteur du fait, et cela dans un temps voisin du délit 1, ces cas, dis-je, sont distincts de la flagrance proprement dite, et ne doivent, en principe, y être compris que pour l'application des règles de procédure qui gouvernent l'instruction criminelle ou correctionnelle.

Dans tous les autres cas, et ils sont assez nombreux, ой le degré de flagrance du délit doit être pris en considération, le juge, à défaut d'un texte suffisamment explicite, s'inspire de l'esprit de la loi, et apprécie s'il doit ou non suivre l'assimilation, que fait l'article 41, de situations plus ou moins voisines,

14 Ce cas de flagrance est l'ancienne quiritatio des Romains (Titus-Livius, liv.55), la clameur de haro de nos pères.

15 Cette seconde condition s'applique évidemment aux deux cas prévus, c'est-à-dire au cas où le prévenu est poursuivi par la clameur publique, et à celui où il est trouvé saisi d'effets, armes, instruments ou papiers faisant présumer qu'il est l'auteur du délit. En sens contraire cependant : ORTOLAN, t. I, no 777, qui restreint cette condition au cas où le prévenu est trouvé saisi des objets dont il est question dans le texte.

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