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avec le véritable état de flagrant délit. 1° Ainsi, dans l'article 475, no 12, la loi, en exigeant, sous peine d'amende, le secours de tous les citoyens, en cas de « flagrant délit », a en vue non seulement le délit qui se commet, mais encore le délit qui vient de se commettre, puisqu'elle y ajoute le délit poursuivi par la clameur publique. 2o Dans l'article 106 du Code d'instruction. criminelle, il en est de même, puisque ce texte reproduit formellement l'assimilation de l'article 41. 3° Mais lorsqu'il s'agit d'appliquer, à l'individu trouvé mendiant, l'article 274, au mendiant ou vagabond saisi travesti ou porteur d'armes, d'instruments, etc..., les articles 277 et 278, il est évident qu'il faut le flagrant délit de vagabondage ou de mendicité dans le sens propre du mot, si on admet, du moins, ce qui est contestable, qu'en cette matière le flagrant délit est seul punissable. 4° Il en est de même du cas de défense qui n'est légitime, aux termes de l'article 328 C. p., que si elle est commandée par une nécessité actuelle d'où il suit que le délit qu'elle tend à repousser doit se commettre actuellement. 5° Mais lorsque les articles 321 à 325 C. p., excusent le meurtre et les coups et blessures, s'ils ont été provoqués par des coups ou violences graves, il s'agit non seulement d'un cas où le délit se commet actuellement, mais des cas assimilés à un flagrant délit. 6° Enfin, il est bien certain que, pour donner compétence à un tribunal sur le délit qui se commet à son audience, il faut exiger, comme condition essentielle, que le délit se commette actuellement ou qu'il vienne de se commettre. 7° Mais le flagrant délit d'adultère, dont parle l'article 324, § 2 du Code pénal, ne comprend pas les deux cas réputés flagrants par le Code d'instruction criminelle le mari n'est excusé, s'il tue ou blesse sa femme, que s'il la surprend en flagrant délit, c'est-à-dire au moment où le rapprochement sexuel se consomme, vient de se consommer ou va se consommer 16.

16 Hypothèse à laquelle ne fait pas allusion l'article 41.

§ V. CLASSEMENT DES INFRACTIONS AU POINT DE VUE
DE LEUR OBJET

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103. A ce point de vue, il existe deux classements qui se superposent, sans se confondre absolument, car ce sont deux manières différentes de concevoir la même idée, c'est-à-dire la distinction entre la criminalité politique et la criminalité ordinaire. La criminalité politique a été étudiée, surtout dans ces dernières années, au point de vue biologique et social'. On a essayé 1o de caractériser le délit politique et le délinquant politique, de dire dans quels cas la société se trouve en présence d'un délit et d'un délinquant de cet ordre; 2° puis, le diagnostic de la criminalité politique établi, on a recherché quels en étaient les facteurs, non pas seulement les facteurs psychologiques, qui sont l'esprit de sédition et de révolte, mais les causes naturelles et sociales. Cette étude est en dehors de notre sujet. Nous constatons seulement que la notion de la criminalité politique n'a jamais été bien fixée, même au point de vue juridique. Ce n'est pas que cette notion soit toute moderne, car le délit politique est aussi ancien que l'État. Mais de ce que l'infraction à laquelle nous donnons ce caractère a toujours. existé, au moins objectivement, il ne s'ensuit pas qu'elle ait, de tout temps, donné lieu à la distinction moderne du délit politique et du délit de droit commun. Si certaines législations anciennes s'occupent des délits contre l'État, ce n'est pas pour leur donner un caractère spécial, mais pour les punir plus sévèrement que les délits contre les particuliers.

§ V. On lira particulièrement: LoMBROSO, Il delitto politico (Turin, Bocca, 1890); LOMBROSO et LASCHI, Le crime politique et les révolutions (2 vol., Paris, 1893); TARDE, Le délit politique (Études pénales et sociales, p. 87 à 114); L. PROAL, La criminalité politique (Paris, 1895); E. REGIS, Les régicides dans l'histoire et dans le présent (Lyon, 1894).

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104. Infractions contre la chose publique; Infractions contre les particuliers. Toute infraction, quel qu'en soit le sujet passif, est nuisible à la conservation de la société, qui est toujours partie lésée dans l'infraction. Aussi, toute infraction. donne naissance à une action, exercée au nom de la chose publique, par des fonctionnaires spéciaux. La distinction que nous indiquons est cependant logique. Il est, en effet, des infractions dans lesquelles le mal social est prédominant : ce sont celles qui attaquent directement l'État, en mettant en péril son existence, ses institutions, son indépendance, son crédit, la paix publique. A ces infractions est réservée la qualification d'infractions contre la chose publique. Les infractions, dont l'effet saillant et direct est de causer, quand elles sont consommées, un préjudice aux personnes, aux propriétés, à l'honneur des citoyens, sont comprises, au contraire, dans la classe des infractions contre les. particuliers. Ainsi en est-il de l'homicide et du vol. Cette classification ne figure plus dans les législations modernes qu'à titre de classification d'ordre. Elle a été remplacée par une classification moins matérielle, celle des délits politiques et des délits de droit commun.

105. Infractions de droit commun; Infractions politiques3. - Il ne faut pas confondre cette classification avec la précédente, car s'il est vrai qu'il faut chercher les infractions politiques parmi les infractions contre la chose publique, dont elles forment une variété, il n'est pas exact de prétendre que toutes les infractions contre la chose publique, soient des infractions politiques. Ainsi, les crimes des fonctionnaires dans l'exercice de leurs fonctions, qui sont compris, avec raison, parmi les in

2 BIBLIOGRAPHIE: MOLINIER, Abolition de la peine de mort en matière politique (Revue de droit français et étranger, 1848, t. XV, p. 273 et suiv.); L. RENAULT, Des crimes politiques en matière d'extradition (Journal de droit intern. privé, 1880, t. VII, p. 55); TEICHMAN, Les délits politiques, le régicide et l'extradition (Rev. de droit intern., t. XI, p. 512); Albin CURET, Des délits politiques (La France judic., 1882, p. 466); LAMMASCH, Le droit d'extradition appliqué aux délits politiques (Paris, 1885), traduit par A. WEISS et P. LOUIS-LUCAS; SOLDAN, Les délits politiques, le régicide et l'extradition (Rev. gén. du droit, 1882, p. 512); GRIVARZ, L'extradition et les délits politiques, Paris, 1894 (Thèse de doctorat de Grenoble. Excellente).

fractions contre la chose publique, n'ont, par eux-mêmes, aucun caractère politique. Les infractions politiques forment donc un groupe spécial parmi les infractions contre la chose publique. C'est, du moins, ce que nous allons démontrer.

Les contraventions, par leur nature même, échappent à cette classification, qui forme ainsi une simple subdivision des infractions qualifiées crimes ou délits.

106. La loi française n'a déterminé nulle part à quel caractère on reconnaissait un crime ou un délit politique. Ce diagnostic présente, cependant, trois intérêts principaux, soit au point de vue de la pénalité, soit au point de vue de la compétence des juridictions pénales, soit au point de vue de l'action de la loi pénale française.

I. Les peines destinées à réprimer les crimes politiques ne sont pas de même nature que les peines destinées à réprimer les crimes de droit commun. Il existe, surtout depuis la loi de révision du Code pénal du 28 avril 1832, une échelle de peines criminelles, spéciale aux crimes politiques, qui se compose, par ordre de gravité descendante, de la déportation dans une enceinte fortifiée, de la déportation simple, de la détention et du bannissement. Dans une certaine mesure, par conséquent, si le Code pénal ne définit pas les crimes politiques, il les désigne, au moins, par les peines qu'il y attache 2bis. Mais cette indication ne dispense pas de toute recherche; car la peine de mort a été abolie en matière politique par la constitution de 1848 (art. 5)3 et remplacée, aux termes de l'article 1o de la loi du 8 juin 1850, pour les crimes politiques, par la peine de la déportation dans une enceinte fortifiée'. Dans quels cas, par conséquent, les

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2 bis. Dans ce cas, le diagnostic légal de la criminalité politique peut être erroné; mais il s'impose aux juges, notamment au point de vue de la relégation et du sursis, c'est-à-dire que la condamnation à l'une des peines politiques ne constituerait pas un antécédent judiciaire.

3 Cet article ne faisait que reproduire un décret du gouvernement provisoire des 26-27 février 1848.

Le législateur, en 1848, aurait pu, il aurait peut-être dû déterminer luimême ce qu'il fallait entendre par crime politique, soit en donnant de ce mot une définition générale, soit en révisant, au point de vue du caractère de l'infraction, chacun des textes de nos lois édictant la peine de mort. La

juges, saisis de l'examen d'un crime, puni, par la disposition spéciale qui le prévoit, de la peine de mort, devront-ils prononcer la peine de la déportation dans une enceinte fortifiée ? C'est poser une question qui ne peut se résoudre qu'en recherchant le caractère politique ou non politique de l'infraction".

Quant aux délits de police correctionnelle, il est inutile de se demander, au point de vue de la peine principale qui les frappe, s'ils ont ou non un caractère politique : le Code pénal n'organise pas deux ordres de peines correctionnelles, et l'amende et l'emprisonnement sont applicables à tous les délits". Seulement, aux termes de l'article 49 C. p., les délits, qui intéressent la sûreté intérieure ou extérieure de l'État, entraînent toujours, à titre de peine complémentaire, la surveillance de la haute police et, par conséquent, l'interdiction administrative. de séjour qui l'a remplacée. A ce point de vue encore, il importe de déterminer le caractère de l'infraction.

Enfin, la criminalité politique et la criminalité de droit commun étant d'une nature toute différente, une condamnation pour crime ou délit politique ne saurait classer un délinquant

question fut posée par Isambert et ne reçut aucune réponse. « Je demande, dit ce député (D. 48.4.217), s'il est possible de laisser à une cour d'assises... la détermination de ce qui est politique avec ce qui n'est pas politique. Jusqu'à présent on n'a pas procédé ainsi et on n'a pas pu le faire. Lorsqu'en 1830, on a spécifié une catégorie de délits politiques, immédiatement on a déclaré quels étaient les délits politiques. Aujourd'hui, vous créez une loi beaucoup plus difficile à appliquer, une loi qui abolit la peine de mort. Il y a des dispositions qui sont mixtes, et qui, par suite de l'examen que j'en ai fait me mettraient dans la plus grande anxiété si j'avais à appliquer la loi ».

Ainsi, le conseil de guerre ou la cour d'assises, qui déclare un accusé coupable du crime prévu par le § 1 de l'art. 81 du Code pénal, devra se préoccuper du caractère du crime et substituer la déportation dans une enceinte fortifiée à la peine de mort, à raison de sa nature, si cette juridiction admet (ce qui n'est pas douteux) que ce soit un crime politique.

D'après les usages de l'administration pénitentiaire, les condamnés pour délits politiques à la peine de l'emprisonnement jouissent de certains privilèges au point de vue des cellules ou des quartiers qui leur sont réservés, du costume qui n'est pas l'uniforme de la prison, du régime qui leur laisse une liberté relative. Mais ce sont là des faveurs administratives: le Code pénal ne faisant aucune distinction entre les délinquants politiques et les délinquants de droit commun en matière correctionnelle.

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