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aussi mal. Le moulin est composé de deux rouleaux de bois, placés horizontalement et serrés l'un contre l'autre par de simples clavettes en bois. Ces rouleaux tournent au moyen de deux roues à engrenages, si lentement mises en mouvement par un bœuf, qu'il faut quatre ou cinq moulins semblables pour remplir une seule chaudière. Toute cette machine est exécutée par des fellahs, c'est dire qu'elle est d'une grossièreté primitive. Nous croyons superflu d'ajouter que ces pauvres cylindres de bois n'ont pas la force de pression suffisante et laissent la moitié du jus dans la bagasse. Le vésou qui tombe est conduit par une rigole en bois à une chaudière à fond plat, chaudière unique, où il reçoit toutes ses préparations, cuisson, purge, écumage. Il sort de là pour passer dans de grandes jarres de terre cuite, où il se refroidit; puis enfin il est mis en forme. Avec une pareille méthode, les Egyptiens arrivent à ne faire que du caramel.

Un peu plus haut que Samallout, de l'autre côté du Nil, sur la rive droite, est Djebel ou Jabal-Teir, prolongement de la chaîne Arabique, qui vient se baigner dans le fleuve. Ce banc calcaire, entièrement composé de nummulithes, a offert un grand intérêt à mon compagnon, le docteur Estienne, qui est aussi un habile géologue. Pour moi, ce qui m'a frappé davantage, ce sont les traces parfaitement distinctes d'un palais ou d'un temple monolithe, qui fut taillé dans la masse. On reconnaît encore sur une surface très étendue de grandes salles et des gradins d'escalier. Il y a lieu de s'étonner que ces excavations aient été négligées par les savants: aucun d'eux n'en parle. Les moines du couvent de la Poulie, situé au milieu de ces immenses ruines, sont d'une telle ignorance, que, loin de pouvoir nous répondre, ils ne semblèrent pas même comprendre notre curiosité, lorsque nous leur demandâmes quelques renseignements.

14 décembre.

Une bonne brise nord nous a fait aujourd'hui rapidement passer Minyeh, ville importante à 9 myriamètres de Beny

soueff et à 17 myriamètres du Caire; mais elle est tombée dans la soirée, et nous avons dû nous arrêter à quelques kilomètres au-dessus de Meylaouy.

Nous croyons devoir tenir ce petit journal de notre voyage nautique. Il n'intéresse aucunement la très grande majorité des lecteurs, mais il peut être utile à quelque personne qui ferait des observations sur la navigation du Nil.

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Le

Le teint des habitants de l'Egypte devient plus foncé à mesure qu'on remonte le Nil. soleil a-t-il transformé les blancs en nègres? - Les contrées, sous les mêmes latitudes que l'Afrique, n'ont point d'habitants noirs. Pourquoi, si le climat détermine la couleur, y a-t-il des nègres de différentes nuances? - Opinion de M. Wiseman. Doutes sur l'unité de la race humaine. Observations de M. le docteur Aubert-Roche en Nubie et Les Arabes qui habitent sous les mêmes les Nubiens sont restés parfaitement blancs. que Si l'on suppose deux races d'hommes, tout s'explique. - L'Égypte a été d'abord peuplée par les negres. anciens et les modernes sont tous d'accord sur ce point. Civilisation de la race nègre, antérieure à celle de l'Egypte.

en Abyssinie. Neige et gelée dans le Samen.

latitudes

M. Caillaud.

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· Exploration de M. Hoskins en Ethiopie. - Témoignage de la domination des Ethiopiens en Egypte. Sabacon. - Traces, en Egypte, du haut rang que des nègres y occupèrent. Tableaux ethnographiques de tombes royales où le nègre occupe toujours la seconde place après l'Egyptien. - L'Européen alors était un vrai sauvage nu et tatoué. Aristote disait identiquement de l'intelligence des peuples d'Europe ce que nous disons aujourd'hui de celle des peuples d'Afrique. L'inégalité intellectuelle de telle ou telle race d'hommes n'est plus soutenable. Ergamène, roi d'Ethiopie. Le de Méroé avait encore un reste de royaume puissance au temps d'Auguste. · La géologie confirme l'histoire. Aménophis III, dit Memnon, a le visage d'un Africain. Unions de rois d'Egypte avec des Ethiopiennes. On retrouve encore dans la Nubie et le Soudan oriental beaucoup des usages et des ustensiles des anciens Egyptiens. Le type nègre s'est perpétué dans la physionomie des Egyptiens modernes. Ce sont les races blanches entrées par l'isthme de Suez qui ont éclairci graduellement le sang des natifs. — Il n'y a pas d'Arabes en Egypte. Les fellahs sont les descendants purs des anciens Egyptiens. Le climat d'Egypte est mortel aux

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A mesure qu'on remonte le Nil, on peut remarquer que le teint des habitants se fonce chaque jour davantage, quoi qu'il y ait à peine deux degrés de latitude entre le Caire et le point où nous sommes. Cette observation, déjà faite, est aujourd'hui bien

avérée pour nous. Il est constant que, dans la vallée du Nil, les hommes se rembrunissent insensiblement, depuis le littoral de la Méditerranée, où ils sont presque blancs, jusqu'au Sennaar, au Kordofan et au Darfour, où ils sont nègres à cheveux crépus et à nez plat, en passant par la Nubie, où déjà entièrement noirs, ils ont généralement le nez un peu aquilin, quoiqu'ils conservent les cheveux crépus. N'y a-t-il donc réellement qu'une race d'hommes? Est-ce donc le soleil qui a transformé avec des milliers d'années un blanc en nègre? La science discute cette question depuis bien longtemps, et ceux qui sont pour la négative représentent avec une logique difficile à réfuter que des contrées situées sous les mêmes latitudes, les îles de la Société, par exemple, qui se trouvent entre les 10° et 20° degrés, comme le Darfour, n'ont point d'habitants nègres; tandis que des contrées fort tempérées et même glacées, comme la Laponie, ont une population non moins foncée que celle de la Haute-Egypte. La terre de Diemen, presque aussi froide que l'Irlande, n'estelle pas habitée par une race noire? La partie de l'Amérique méridionale qui traverse l'équateur et qui correspond au centre de l'Afrique, n'est-elle point peuplée par des hommes à peau cuivrée? Si toutes les diverses races dérivent d'une seule et même souche primitive, modifiée par des influences de climat, pourquoi le teint des nègres transportés en Amérique et aux Antilles depuis 300 ans n'y a-t-il pas subi la moindre modification, la plus petite altération, même après tant de générations successives? Si des causes climatériques, locales, hygiéniques, ont empêché le type originel de se conserver intact, comment donc ces mêmes causes n'empêchent-elles pas les variétés, auxquelles elles ont pu donner naissance, de se perpétuer invinciblement dans leur entière unité? Comment, si le climat détermine la couleur de la peau et la nature de l'individu, trouve-t-on des tribus, sous les mêmes latitudes, sur le même sol, dans les mêmes conditions, diversifiées par des signes caractéristiques? Comment expliquer qu'en Afrique la transformation de l'homme blanc en homme noir n'ait pas été uniforme, et que la couleur noire des habitants offre des nuances

plus ou moins foncées, des types plus ou moins éloignés, de même que la couleur blanche parmi les habitants de l'Europe?

<< En opposition directe, dit M. Nicolas Wiseman, avec la << théorie qui considère la coloration de la peau comme un effet << du climat, on remarque que la même race conserve sa nuance << sans variation sensible sous les latitudes les plus distantes, et <«<< que sous la même latitude les variétés les plus singulières se << présentent en apparence dans la même race. Les Américains << offrent un exemple des plus remarquables du premier cas. << Soit sur les bords glacés des lacs du Canada, soit dans les «< plaines brûlantes des pampas de la péninsule méridionale, << à peine peut-on découvrir une ombre de différence dans le << teint des indigènes : la même couleur cuivrée distingue toutes «<les tribus. Pour le second cas, nous trouverons dans l'Orient << des exemples non moins frappants 1. »

Après tout, si l'on devait attribuer à la chaleur la coloration de la peau, ce serait la peau elle-même, ou, pour dire mieux, l'épiderme, qui serait noircie, tandis que, tout le monde le sait, le siége de la matière colorante est dans le tissu réticulaire de Malpighi, tissu constitutionnel et hors du contact solaire.

C'est chose grave assurément que toutes les traditions cosmogoniques et religieuses s'accordent pour ne donner qu'un seul père à l'humanité, c'est aussi un point capital que la parfaite identité fondamentale des races diverses; mais, d'un autre côté, comment expliquer les caractères différentiels qui les distinguent d'une manière si tranchée, autrement que par des créations également puissantes, mais diverses. Ce n'est pas d'aujourd'hui que cette question nous occupe et provoque nos doutes, mille fois elle a été pour nous l'objet de ces méditations laborieuses où l'esprit trouve un douloureux plaisir à se jeter, et nous devons avouer que plus nous sondons le problème, plus, malgré l'opinion générale, il nous paraît difficile de concilier

1 Discours sur les rapports entre la science et la religion révélée, 4e discours sur l'histoire naturelle de la race humaine.

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