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2000 fr., Pierre en apporte 1000. Eh bien! dans la division qui sera faite à la dissolution de la société, Paul prendra les deux tiers des bénéfices, tandis que Pierre n'aura droit qu'à un tiers.

Mais les conventions des associés peuvent changer les dispositions de la loi (1). Car le législateur n'a créé la disposition de l'article 1853 que dans l'intérêt des parties: et, comme il est toujours permis de renoncer au droit introduit en sa faveur, les parties, au moment de fonder une société, ont le pouvoir de favoriser certains associés aux dépens des autres. C'est ainsi qu'il est permis d'exempter un co-associé de toutes les pertes, tandis qu'il a une part dans les profits; quelquefois sa coopération, comme nous l'avons dit plus haut, est un tel besoin pour la société qu'on ne saurait, pour se l'attacher, lui faire de trop grands avantages.

que

Quand une obligation est contractée par l'un des associés, cette obligation ne lie celui qui l'a contractée, à moins qu'elle n'ait tourné au profit de la société ou que le contractant n'ait reçu mandat des autres sociétaires (art. 1864).

Si l'obligation a tourné au profit de l'association (je ne parle pas ici des sociétés commerciales), les associés sont-ils tenus au paiement de

(1) Ces dispositions sont naturelles au contrat. Je n'ai parlé ici du partage des bénéfices qu'accidentellement. J'y reviendrai plus tard.

l'obligation en raison de leurs parts sociales? Un exemple fera comprendre tout l'intérêt de cette question. Titius prête 10,000 fr. à un membre de la société civile; tous les sociétaires profitent de l'emprunt fait par Titius. Celui-ci, ne voyant pas arriver le remboursement, actionne tous les associés pour être intégralement remboursé des 10,000 fr. Que répondent les associés? Ils prétendent être seulement débiteurs à raison de leurs parts sociales; que, leur profit ne pouvant exister qu'en proportion de leur mise sociale, c'est aussi en proportion de cette misé qu'ils doivent contribuer au paiement de la dette. On doit donner gain de cause aux sociétaires : leur refus de paiement, dans une proportion qui ne s'accorde pas avec leur nise dans la société, est légal. Ils s'appuient sur l'article 1853 dont la simple lecture suffit pour démontrer leur bon droit. (Arrêt de cassation, journal du Palais, année 1825, t. 1, p. 379.)

3o. Toute société doit avoir un but licite (art. 1833 Cod. civ.). Si maleficii societas coita sit, constat nullam esse societatem. Generaliter enim traditur rerum inhonestarum nullam esse societatem. (L. 57, pro socio).

6. Pour éviter toute fraude, pour que le but de la société soit bien fixé, la loi exige que toute société soit rédigée par écrit, lorsque son objet est d'une valeur excédant 150 fr. Si la somme ou RIBLIOTECA

valeur dépasse 150 fr., lorsque les sociétaires n'appuient pas leurs prétentions sur un acte dû ment en forme, on ne donne aucune autorité à leurs dires, qui ne sont estimés qu'au taux de pures allégations, n'ayant aucune force en justice.

Cependant il est de jurisprudence maintenant qu'un acte n'est pas une formalité substantielle pour le contrat de société. Le législateur, par l'article 1834, a eu seulement en vue de repousser la preuve testimoniale lorsque la valeur de la société dépassait 150 fr. Pour former le contrat de société, le consentement suffit; peu importe que ce consentement soit prouvé par des faits ou des paroles. Toute preuve doit être admise, hors la preuve testimoniale, parce qu'avec l'admission de la preuve testimoniale, on rendrait la fraude possible. Societatem coire et rè et verbis posse nos dubium non est. (L. 4 ff.

pro socio).

Le Code ne déroge point à la loi romaine. S'il exige un acte de société, ce n'est pas comme formalité substantielle, mais comme le moyen le plus facile de prouver l'existence de la société. Son seul but est de rejeter la preuve testimoniale. Plusieurs arrêts furent rendus en ce sens. «Attendu, dit la cour de Bruxelles, que l'article 1834 à seulement pour but d'exclure la preuve testimoniale, mais non celle qui résulterait d'actes ou d'écrits émanés d'associés, autres que le contrat d'association, etc.» (Sirey. 14, 2, 93.)

La preuve testimoniale n'est pas admise contre et outre le contenu en l'acte de société, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors et depuis cet acte, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre de 150 fr. (art. 1834).

Cet article 1834 ne concerne point les sociétés de commerce. La jurisprudence est fixée sur ce point. (Arrêt du 22 messidor an Ix. - Arrêt dú 23 novembre 1812. Cassation, journal du Palais, année 1813, t. 2, p. 15.)

DIVERSES ESPÈCES DE SOCIÉTÉS.

7. Les sociétés sont universelles ou particulières. (Art. 1835.)

Sociétés universelles.

On distingue deux sortes de sociétés universelles, la société de tous biens présens, et la société universelle de gains (art. 1836).

8. La société de tous biens présens est celle par laquelle les parties mettent en commun tous les biens, meubles et immeubles, qu'elles possèdent actuellement, et les profits qu'elles pourront en tirer (art. 1837).

9. Pour que cette société soit contractée, il faut que les associés s'expriment d'une manière claire, précise, de sorte qu'il n'existe aucun doute sur leurs intentions. Car, on le voit, il y a de la part

de l'individu qui entre dans cette association, une aliénation de tous ses biens présens, et des avantages qu'il pourrait en tirer au profit d'un être moral, appelé société. Si l'explication formelle n'a pas été donnée par les parties, la simple convention de société universelle, faite sans autre explication, n'emporte que la société universelle de gains (art. 1839).

10. Lorsqu'il y a manifestation complète de la volonté des parties, il s'établit aussitôt entre les nouveaux sociétaires une communauté de tous les biens qu'ils possèdent. In societate omnium bonorum omnes res quæ coëuntium sunt, continuo communicantur. (L. 1, § 1, ff. pro socio.) Cette communauté existe pour tous les biens. Ainsi les dettes actives de l'associé, au moment où l'association est contractée, sont comptées comme biens présens et entrent dans la masse de la société.

11. Si la société profite des avantages particuliers à chacun de ses membres, elle supporte aussi les charges qui pèsent sur les biens composant la mise sociale de chaque sociétaire. Toutes les dettes sont une charge présente des biens présens puis on ne peut légalement appeler sa propriété que ce qui reste, déduction faite des dettes: cum bona non intelligantur, nisi deducto ære alieno. On peut enfin regarder la société comme un successeur à titre universel, qui doit

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