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les membres de la société, il est besoin d'examiner le caractère de ceux qui les ont engagés.

Un principe domine tous les contrats, c'est que personne ne peut être engagé, s'il n'a souscrit volontairement à l'engagement. On souscrit à un engagement de deux manières, personnellement, ou par l'entremise d'un mandataire. En société, on se trouve presque toujours obligé par le fait d'un mandataire. En effet, s'il existe un administrateur nommé par le libre arbitre des sociétaires, il a droit d'engager tous les associés pour tout ce qui tient à l'administration. Il oblige la société par tout ce qu'il fait dans l'étendue de sa gestion, quand bien même les sociétaires se seraient formellement opposés aux traités qu'il aurait souscrits. Il oblige même la société par ses délits et quasi-délits, pourvu que l'on ne puisse lui prouver qu'il favorisait une fraude, et qu'il ait agi au nom de la société, et non pas dans son propre intérêt. S'il n'existe pas d'administrateur, alors tous sont censés s'être réservé le droit d'administrer, et chaque fois qu'ils obligent la société, tous les sociétaires sont solidaires 'pour tous les engagemens qu'un seul aura con'tractés, pourvu que ce soit sous la raison sociale.

7. On est rarement obligé par son propre fait. On peut l'être quand on a la qualité d'administrateur, ou bien lorsqu'il n'y a pas d'administrateur nommé, que le droit d'administration appartient

à tous les sociétaires, et que chaque associé use de la faculté qu'il s'est tacitement réservée..

8. Mais lorsqu'un sociétaire qui, d'après les distinctions ci-dessus posées, avait le droit d'engager la société, a contracté pour elle sous la raison sociale, tous les associés sont solidaires pour cet engagement, c'est-à-dire que chacun d'eux peut être contraint pour la totalité, et que le paiement, fait par un seul, libère les autres envers le créancier. (Art. 1200, Cod. civ.)

9. En thèse générale, il faut pour que les engagemens, faits par un seul associé, frappent solidairement sur tous les co-sociétaires, qu'il ait signé sous la raison sociale; mais souvent la thèse générale plie devant la réalité. Ainsi, lorsque la raison sociale, qui constate seule aux yeux de la loi l'individualité de la société, manque aux engagemens contractés par un seul sociétaire, il y a prosomption légale que cet associé a contracté pour son propre compte, et cette présomption ne tombera que devant la certitude du contraire. Si on parvient à établir que les engagemens d'un ¿seul associé ont servi à toute la société, par suite de cette preuve, celle-ci se trouve solidairement engagée, comme si l'associé avait signé sous la raison sociale.

10. Devrait-on regarder comme membres d'une société de commerce en nom collectif, des individus qui se seraient associés pour acheter et

pour revendre des immeubles? Par suite, devraient-ils être obligés solidairement envers les vendeurs et les acquéreurs? Non; il n'y aurait pas là société de commerce, mais seulement société extraordinaire soumise à toutes les règles portées sur les sociétés en général. (Cassation. Rejet. S. 7. 2. 1205.)

11. Un sociétaire peut faire cesser la solidarité qui pèse sur lui en se retirant de la société, pourvu qu'elle ne se trouve pas en perte au moment où il se retire. Il n'est affranchi que des opérations ultérieures quant à celles qui ont précédé sa retraite, il en est tenu solidairement jusqu'à leur réalisation définitive.

12. L'article 22 dit: Les associés sont solidaires pour tous les engagemens, etc. M. Locré remarque avec raison que le mot engagemens n'est pas synonyme de dettes: car engagemens comportent beaucoup plus d'étendue que dettes: la disposition de la loi comprend toutes les obligations de la société.

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13. Tout ce que nous avons dit jusqu'à présent sur la solidarité existante entre les membres d'une société en nom collectif, ne s'applique qu'à la solidarité passive. Elle est la conséquence inévitable de cette espèce de société. Mais quant à la solidarité active, elle n'existe pas toujours.

Ainsi, quand la masse des associés, se dépouillant du droit d'administrer, se choisit des repré

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sentans qu'elle charge exclusivement de l'administration, alors la solidarité active, appartenant, il est vrai, à la société, n'appartient pourtant pas à tous les sociétaires, mais seulement aux administrateurs. Eux seuls on droit de toucher le montant des créances et d'en donner une décharge valable. Aussi, pour que le public ne soit pas induit en erreur, pour qu'il ne paie qu'aux associés gérans, l'article 43 du Code de commerce veut que l'extrait de l'acte social contienne la désignation des sociétaires autorisés à gérer, administrer et signer. Dès lors la solidarité active ne se rencontre jamais dans les sociétés en commandite ou anonymes, puisque dans ces sociétés il doit de toute nécessité exister des gérans.

'Mais si l'acte de société ne porte pas la nomination d'un gérant, si postérieurement on n'a pas confié l'administration à un des associés, tous les sociétaires conservent le droit d'administrer, et par conséquent tous ils ont le droit de pousuivre les débiteurs de la société : alors la solidarité active existe de plein droit, et tout débiteur a le choix de payer à l'un ou à l'autre des créanciers solidaires, tant qu'il n'a pas été prévenu par les poursuites de l'un d'eux.

Néanmoins la remise qui n'est faite que par l'un des créanciers solidaires, ne libère le débiteur que pour la part de ce créancier. (Art. 1198 du Code civil.)

14. Nous avons vu que si la société, être fictif, avait des droits à exercer, elle avait aussi des charges à supporter. Nous avons examiné la nature et l'étendue des droits et des charges, Nous avons vu encore que l'intérêt particulier des sociétaires était entièrement distinct des intérêts sociaux que si leurs profits privés n'en, traient pas dans la masse, la société était étrangère à leurs dettes. C'est un principe que nous avons posé plus haut, et dont la justice est si évidente qu'il n'est pas besoin de développement pour la faire comprendre. Une simple énonciation suffit pour qu'elle soit saisie.

15. Mais ce principe présente des difficultés dans son application. De son admission naît une question résolue dans un sens différent pár plu sieurs jurisconsultes. Examinons - la avec une scrupuleuse attention, car elle mérite tout notre intérêt. Voici lá question :

La femme d'un associé a-t-elle une hypothèque légale sur les immeubles de la société pour ses reprises matrimoniales?

Cette question, débattue avec science devant la cour royale de Toulouse, me semble ne devoir être résolue que par la négative. Si on accordait à la femme une hypothèque légale sur les biens de la société, on lui accorderait un droit sur des immeubles totalement étrangers à son mari. En effet, tant que la société n'est pas dissoute, les

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