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moins capricieuse d'un succès souvent imaginaire. Je répondrai à cette objection par une distinction. Si les immeubles appartenant au mari furent apportés dans la société antérieurement au mariage, par les motifs ci-dessus développés je crois ferme ment que la femme ne doit pas exercer sur eux son hypothèque légale. C'est dans cette position que j'ai accepté la question.

Mais si les immeubles ont été abandonnés aux périls d'une association postérieurement au mariage: oh! alors je pense que l'hypothèque suit l'immeuble dans quelques mains qu'il passe. Au moment même du mariage, tous les immeubles appartenant au mari sont' frappés par l'hypothèque de la femme: rien ne peut l'y soustraire. Si le mari les soumet à la chance du commerce, les charges que le mariage apporta ne les abandonnent pas. Les associés, avant de ranger parmi les biens de la société des immeubles, doivent connaître de quelles charges ils sont grevés; ils doivent savoir, quand un individu est marié, que tous ses biens sont engagés pour assurer les reprises matrimoniales de sa femme. S'ils l'ignorent, tant pis pour eux: nemo censetur ignorare legem.

Il n'y a pas, je le crois, d'opposition sur la distinction que je viens d'établir. La question réside dans la première partie de ma discussion; la difficulté n'existe qu'autant que le mariage est postérieur à la mise sociale, et dans ce cas seule

ment je crois fermement que la femme n'a aucune hypothèque sur les biens mis par son mari dans une société. (Voir sur la question le Journal du palaís, année 1821, t. 2, et les Questions sur les priviléges et hypothèques, par M. Persil, t. I, p. 260.)

Société en commandite.

ART. 23. La société en commandite se contracte entre un ou plusieurs associés responsables et solidaires, et un ou plusieurs associés simples bailleurs de fonds, que l'on nomme commanditaires ou associés en commandite.

Elle est régie sous un nom social, qui doit être nécessairement celui d'un ou plusieurs des associés responsables et solidaires.

1. La société en commandite présente pour le commerce de plus grands avantages que la société en nom collectif. Elle n'effraie pas les spéculateurs comme la première, car ses conséquences sont bien moins rigoureuses pour celui qui veut hasarder ses capitaux dans des spéculations commerciales. En effet, on peut dans cette société se mettre à l'abri de cette solidarité qui pèse sur tous les membres d'une société en nom collectif; le commanditaire, simple bailleur de fonds,

laissant peser toute la responsabilité sur les associés responsables et solidaires, qu'on appelle complimentaires, ou plus ordinairement commandités, ne perd jamais au delà de ce qu'il a hasardé, il n'est passible des pertes que jusqu'à concurrence de sa mise. (Art. 26.) Par cette société les entreprises commerciales sont permises à toutes les fortunes, à tous les courages. On a l'espoir d'un gain considérable, et non la crainte de perdre au delà des sommes sacrifiées pour l'intérêt de la société. Les effrayés consentent à lancer dans une spéculation, dont ils ne redoutent pas la solidarité, des capitaux qu'ils avaient serrés; ils mettent en circulation des sommes qu'ils n'auraient jamais livrées aux coups de dés d'une société en nom collectif, et qui, par suite, auraient été mortes pour le commerce. Dans la société en commandite tout est avantage pour le simple bailleur de fonds, et le commerce en général y trouve son profit.

2. Dans la société en commandite les associés responsables et solidaires peuvent seuls administrer, eux seuls doivent avoir la qualité de gérans. Non pas que tous ces derniers sociétaires soient de droit administrateurs, mais c'est parmi eux seuls que l'on choisit pour conférer le pouvoir d'administrer.

3. On ne comprend peut-être pas de suite cette qualification de responsables et solidaires: on ne

voit qu'une inutile redondance d'expressions. Il n'en est pas ainsi. Le législateur a prévu le cas où la société en commandite ne serait composée que de deux membres, un complimentaire et un commanditaire. Il n'existe pas alors de solidarité, mais une responsabilité attachée à tous les actes du commandité. Quand, au contraire, il existe plusieurs commandités, il y a alors pour tous leurs faits responsabilité solidaire.

La société en commandite a aussi un nom social, mais il ne peut être que celui d'un ou plusieurs associés responsables et solidaires.

5. On le voit, la même entreprise, faite en conformité de l'article 23, présente la réunion de deux sociétés qui offrent un caractère distinct et des effets propres à chacune. Les obligations de l'une sont bien plus étendues que celles de l'autre. La société est, à la fois, société en nom collectif à l'égard des associés responsables et solidaires, et société en commandite à l'égard des simples bailleurs de fonds. (Art. 24.) Aussi est-il du plus grand intérêt pour les commanditaires de bien faire connaître leur qualité, d'empêcher une confusion qui porterait le plus grand préjudice à leur fortune. Les questions qui peuvent s'élever sur la dénomination d'un sociétaire dans la commandite méritent donc toute notre attention.

Si un acte de société représente le commandité comme commanditaire, les créanciers de cette

société pourront-ils prétendre qu'elle n'a de commandite que le nom, qu'elle doit être à leur égard considérée considérée comme pure et simple, et que tous les sociétaires sont indéfiniment obligés envers eux ?

Toute la question est de savoir si l'intention du législateur, qui a surveillé les intérêts du public, a été remplie. Si le chef visible de la société a traité, d'après les intentions de tous les sociétaires, comme commandité, peu importe la contexture de l'acte : on ne doit pas juger la nature des engagemens d'un associé par sa qualification, mais bien par la nature de ses fonctions, et on jugera la nature de ses fonctions par la substance de l'acte social. Si l'acte, mal rédigé, donne au chef visible de la société le nom de commanditaire, il faudra examiner s'il n'a que le caractère d'un simple bailleur de fonds, ou bien si par ses fonctions, malgré sa dénomination, il possède toute l'importance d'un commandité. Aucune qualification ne peut changer la nature des choses, altérer la force des conventions : les intéressés ont voulu rester inconnus au public, et ils se sont cachés derrière un associé responsable. Ils l'ont mis à la tête de la société avec toute la puissance d'un commandité, quoique l'acte par erreur le nomme commanditaire. C'est lui qui a paru, qui a signé, qui a attaché son nom à toutes les opérations; par conséquent il est de fait, s'il ne l'est

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