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une confiscation détournée que cette suspension des journaux prononcée par les cours d'assises? Il est facile d'établir le contraire. La confiscation des biens, telle qu'elle a toujours été entendue, telle qu'elle exista sous l'ancienne monarchie, sous la Révolution, sous l'Empire, cette pénalité immorale et anti-sociale, que la Charte de 1814, que celle de 1830, que la Constitution du 44 novembre 1848 avaient bannie du droit public des Français, consiste dans la main mise par l'État sur les biens d'un citoyen ou d'une classe de citoyens; elle ne fut jamais le châtiment d'un simple délit, et cependant, alors que la constitution répudiait la confiscation des biens, la loi consacrait, pour les infractions les moins graves, une pénalité particulière; non-seulement elle exigeait, au nom de la société, une réparation pécuniaire par l'amende, une réparation touchant la personne par l'emprisonnement, mais encore elle atteignait l'instrument qui avait servi à la perpétration de l'acte coupable; elle s'en emparait comme d'un gage de non-récidive dans l'avenir, et je ne sache pas qu'il soit jamais venu à l'esprit

pacte constitutionnel. L'importance de la liberté de la presse, la faveur dont elle a toujours joui en raison même de son utilité, ont dû sans doute écarter dans sa dernière conséquence ce système qui commande d'enlever au coupable l'instrument de ses méfaits, mais cette faveur devait-elle aller jusqu'à dénier au législateur le droit de s'emparer momentanément d'une arme dont on a mal usé? C'est ce que l'on n'a jamais pensé et c'est ce que l'on ne pensera pas après une étude consciencieuse de la question.

J'arrive à la législation actuelle de la presse.

En commençant ce travail, je me proposais d'en présenter un examen détaillé, ce qui me paraissait d'autant plus nécessaire que son auteur l'a en quelque sorte donnée comme provisoire, en annonçant que la liberté couronnerait son œuvre. Mais, depuis, le Moniteur m'a éclairé, et je me bornerai à analyser simplement le décret des 17 et 23 février 1852 et la loi de sûreté générale du 27 février 1858.

La création de tout organe de publicité, tous les chan

gérants responsables, des rédacteurs en chef, propriétaires ou administrateurs d'un journal, sont subordonnés à l'autorisation du gouvernement'. L'impôt du timbre et le cautionnement sont maintenus. La publication de fausses nouvelles, même faite de bonne foi, est réprimée. Il est interdit de rendre compte des débats du Corps législatif autrement que par l'insertion des procès-verbaux officiels rédigés par les secrétaires; des séances du Sénat, si ce n'est par la reproduction des articles insérés au Moniteur. Tout journal est tenu d'insérer gratuitement, en tête de ses colonnes et dans son plus prochain numéro, les documents officiels, relations authentiques, renseignements, réponses et rectifications qui lui sont adressés par un dépositaire de l'autorité publique. Pour tous les délits de presse, la com pétence des tribunaux correctionnels est admise, avec la

1 Décret des 17 et 23 février 1852, art. 1er et 2.
Décret des 17 et 23 íévrier 1852, art. 3, 5 à 14.
Décret des 17 et 23 février 1852, art. 15.
Décret des 17 et 23 février 1852, art. 14 et 16.
3 Décret des 17 et 23 février 1852, art. 17 et 18.

chambre correctionnelle de la Cour d'appel comme

deuxième degré de juridiction'.

La suppression du journal a lieu de plein droit après une condamnation pour crime commis par la voie de la presse, ou après deux condamnations pour délits ou pour contraventions commis dans l'espace de deux années 2.

Après une condamnation prononcée pour contravention ou délit de presse contre le gérant responsable d'un journal, le gouvernement a la faculté, pendant les deux mois qui suivent cette condamnation, de prononcer soit la suspension temporaire, soit la suppression du journal. Un journal peut être suspendu par une décision ministérielle, alors même qu'il n'a été l'objet d'aucune condamnation, mais seulement après deux avertissements motivés et pendant un temps qui ne peut excéder deux mois.

Un journal peut être supprimé, soit après une suspension judiciaire ou administrative, soit par mesure de sûreté générale; mais dans ce cas un décret spécial du Président de la République, publié au Bulletin des lois,

1 Décret des 17 et 23 février 1852, art. 25.

est nécessaire. Toutes les dispositions des lois antérieures non contraires à celles du présent décret sont maintenues1.

Enfin, la loi de sûreté générale du 27 février 1858 punit d'un emprisonnement de deux ans et d'une amende de 500 fr. à 10,000 fr. tout individu qui a provoqué publiquement d'une manière quelconque aux crimes suivants: attentat contre la vie ou la personne du souverain, offense commise publiquement envers sa personne, provocation à détruire ou à changer le gouvernement ou l'ordre de successibilité au trône, excitation des citoyens à prendre les armes contre l'autorité". Subsidiairement, les individus condamnés aux termes de cette loi peuvent être internés en Algérie, dans un département français, ou même expulsés du territoire national par une décision rendue par le ministre de l'intérieur, sur l'avis du préfet, du général et du procureur impérial'.

Un jugement célèbre a fait aux écrivains l'application de cette loi.

1 Décret des 17 et 23 février 1852, art. 32.

2 Loi du 27 février 1858, art. 1 à 3.

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