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quement du moins, démontrée jusqu'à l'évidence et passée à l'état de dogme dans ce que l'on pourrait appeler la philosophie constitutionnelle de notre pays. Or, ne fût-ce que par respect pour le texte du pacte gouvernemental en vertu duquel ils étaient établis, tous les gouvernements qui se sont succédé en France depuis soixante-dix ans ont dû accepter ou subir la démonstration de ce dogme. Aujourd'hui, comme autrefois, elle ne saurait être interdite, car elle n'a jamais été et n'est, en fin de compte, que le développement d'un principe constitutionnel.

Il est donc utile et possible tout à la fois de parler de la liberté de la presse.

<< Un certain jour de marché, le maître d'Ésope, qui avait dessein de régaler quelques-uns de ses amis, lui

ront ramener son jour, tout le monde le prévoit et l'attend.

Lorsque ce jour arrivera sera-t-il sans importance de savoir, au moins par ouï-dire, ce que c'est que la liberté, quelles sont les conditions de son existence, quels sont ses avantages et ses dangers? Et, en conséquence, n'estil pas de quelque intérêt d'examiner dans son essence, d'analyser dans sa nature, de suivre dans ses révolutions diverses la plus importante des libertés politiques : la liberté de la presse?

J'en parlerai sans embarras.

La liberté de la presse est peut-être la plus précieuse des conquêtes de la Révolution; elle fait essentiellement partie de cet ensemble d'idées connu sous le nom de principes de 89, principes que toutes les Constitutions françaises ont reconnus et que celle du 14 janvier 1852 << garantit et confirme. >>

Cette unanimité, venue d'actes constitutionnels si divers et de tendances si opposées, n'aurait-elle pas quelque chose d'étrange, si elle ne s'expliquait par la reconnais

quement du moins, démontrée jusqu'à l'évidence et passée à l'état de dogme dans ce que l'on pourrait appeler la philosophie constitutionnelle de notre pays. Or, ne fût-ce que par respect pour le texte du pacte gouvernemental en vertu duquel ils étaient établis, tous les gouvernements qui se sont succédé en France depuis soixante-dix ans ont dû accepter ou subir la démonstration de ce dogme. Aujourd'hui, comme autrefois, elle ne saurait être interdite, car elle n'a jamais été et n'est, en fin de compte, que le développement d'un principe constitutionnel.

Il est donc utile et possible tout à la fois de parler de la liberté de la presse.

« Un certain jour de marché, le maître d'Ésope, qui avait dessein de régaler quelques-uns de ses amis, lui

autre chose..... Le Phrygien n'acheta que des langues, lesquelles il fit accommoder à toutes les sauces : l'entrée, le second, l'entremets, tout ne fut que langues. Les conviés louèrent d'abord le choix de ce mets, à la fin ils s'en dégoûtèrent. - Ne t'ai-je pas commandé, dit le maître, d'acheter ce qu'il y aurait de meilleur? Hẻ ! не!

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qu'y a-t-il de meilleur que la langue? reprit Ésope. C'est le lien de la société civile, la clef des sciences, l'organe de la vérité et de la raison par elle on båtit les villes et on les police; on instruit, on persuade dans les assemblées, on s'acquitte du premier de tous les devoirs, qui est de louer les Dieux.-Eh bien! dit le maître, achète-moi demain ce qui est pire; ces mêmes personnes viendront chez moi, et je veux diversifier.

>> Le lendemain Ésope ne fit encore servir que le même mets; disant que la langue est la pire chose qui soit au monde. C'est la mère de tous les débats, la nourrice des procès, la source des divisions et des guerres. Si on dit qu'elle est l'organe de la vérité, c'est aussi celui de l'erreur et de la calomnie. Par elle on détruit les villes,

les Dieux, de l'autre elle profère des blasphèmes contre

leur puissance'. »

Cette fable si connue résume admirablement tout ce

que l'on a dit et tout ce que l'on a pu dire depuis sur la libre manifestation de la pensée.

La parole était, dans la société antique, le seul instrument à l'aide duquel l'homme pût entrer en communication avec ses concitoyens. Les petites républiques municipales de la Grèce pouvaient facilement s'en contenter; les citoyens, réunis sur la place publique de la cité, s'instruisaient de leurs affaires par les luttes de la tribune et le pouvoir était presque toujours le prix de l'éloquence. Sans doute, dans ces débats, les vaincus se prenaient quelquefois à maudire une liberté qui tournait contre eux, à voir dans la parole « l'organe de l'erreur et de la calomnie, » à s'écrier « qu'elle détruit les villes et persuade de méchantes choses, » mais cependant personne n'eût voulu que l'homme devint muet.

Les conditions de la liberté sont diverses suivant

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