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sur l'éducation, l'entretien, l'exploitation, les qualités, et les usages économiques de l'acacia. Ce nouveau service rendu à l'agriculture reconnoissante par l'homme d'état, qui sait allier la dignité de ses hautes fonctions avec la modestie de l'homme des champs a eu l'heureuse influence qu'on devoit en attendre. Excité par ses puissantes exhortations et par son exemple, le cultivateur a transporté dans son domaine et sur ses friches un arbre qu'il avoit cru réservé aux jardins de luxe, mais dont il ne pouvoit plus méconnoître les avantages comme arbre forestier. C'est ainsi que la démonstration d'une chose utile produit des effets d'autant plus étendus, qu'elle est donnée par une autorité plus imposante. L'exemple des riches propriétaires qui introduisent des améliorations dans leurs cultures, et celui des hommes distingués, par leur état ou par leurs connoissances,qui s'occupent des progrès de l'art agricole, et pratiquent avec succès les bons préceptes qu'ils ont donnés ou reçus des autres, devient l'encouragement le plus efficace que puisse recevoir l'agriculture.

Je vais analyser les méthodes rapportées dans l'ouvrage de M. le sénateur FRANÇOIS DE NEUFCHATEAU, en faisant connoître en premier lieu celle qu'il indique pour l'avoir pratiquée lui-même avec succès. « Il faut, dit-il, faire cueillir les gousses mûres et en tirer les graines, puis les exposer au soleil; les conserver l'hiver à l'abri de l'humidité; au printemps les jeter dans l'eau pour les faire germer; les mettre en terre meuble, nette, herséee et préparée comme pour du lin ou du chanvre; placer avec précaution et sans endommager les germes, trois graines dans des trous que l'on fait à la main sur des lignes égales, à un mètre, ou trois pieds, les unes des

autres; les recouvrir de terre ; semer du chanvre entre pour dines (1); arracher les pieds de ce chanvre par es jeunes robiniers pourroient être étouffés; soutenir ces derniers avec des échalas de distance en distance; supprimer quelques tiges si tous les germes ont produit:l'année suivante,ressemer du chanvre dans les intervalles béchés et préparés, en ayant soin que le rateau ne blessse point les jeunes plants; à la troisième année semer encore, dans cette terre béchée et ameublie, avant l'hiver ou au printemps, des navets ou des pois, etc., puis transplanter les robiniers devenus arbrisseaux, en février ou mars, quand il ne gèle pas. L'auteur recommande de planter le robinier à l'abri des vents d'ouest, parce que cet arbre qui n'enfonce point ses racines, ne sauroit, lorsqu'il est isolé, en soutenir les secousses. Il dit qu'il souffre beaucoup lorsqu'on le plante trop avant en terre; que l'exposition du midi et celle du couchant lui sont souvent mortelles, et qu'il veut le nord et le levant. Il préfère de semer au lieu de planter, et il recommande lorsqu'on plante, de le faire de février en mars, et de placer les plants à de grandes distances, parce les robiniers étendent beaucoup leurs racines; enfin, il conseille, lorsqu'on veut avoir cet arbre dans toute sa beauté, de le semer en place.

Il y a des positions où les robiniers végètent

(1) Dans la suite de son ouvrage, l'auteur conseille aussi lorsqu'on sème en automne, de semer les intervalles entre les robiniers, de seigle qu'on pourroit couper en verd dès le printemps, qu'on couperoit de même plusieurs fois dans l'année, avant qu'il montât en épis, et qu'on ne laisseroit grainer qu'à la seconde année. Mais dans ce cas, il recommande de semer en rayons marqués, de manière à pouvoir sarcler le semis, au besoin, sans risquer de blesser ou d'enlever le jeune plant.

Cette manière paroît préférable pour les forêts.

mal, ajoute-t-il; si c'est la faute du terrein, il faut le labourer, enterrer, à leurs pieds, du fumier nousommé, essayer de mettre du plâtre sur la terre, au bas de la tige, etc. Du reste, il renvoie aux méthodes qu'il rapporte à la suite de son ouvrage. Voici des extraits de ces méthodes dans l'ordre où elles s'y trouvent placées.

II. Mémoire de Bohadsch, 1758. On y recommande la feuille de l'acacia comme un très bon fourrage, et on conseille de le semer dans un terrein léger, après avoir fait tremper les graines dans l'eau pendant quelques jours; et d'employer aussi, pour la multiplication de cet arbre, les rejetons qu'on obtient lorsqu'on abat un vieil acacia, en laissant en terre quelques racines.

III. Nouveau Traité sur l'Acacia, Bordeaux 1762. On y donne l'énumération des avantages considérables que présente cet arbre. Plusieurs modes de culture y sont indiqués. Il en résulte qu'il faut employer du plant de deux ans pour le mettre en plein vent, et d'un an pour le mettre en pépinière, éviter l'exposition du midi, les vallons où la chaleur se renferme; préférer l'exposition du nord, choisir un terrein léger, fouler la terre autour des plants pour empêcher l'air de pénétrer jusqu'aux racines et de les dessécher; planter les arbres le même jour ou le lendemain de leur extraction, dans des trous où l'on aura mis du terreau; tenir le pied un peu déchaussé pendant le printemps, le couvrir lors du premier labour, couper les branches d'en, bas pour faire monter les arbres, donner trois légers labours par an.

L'auteur indique ensuite trois manières de cultiver les acacias dans les plantations à demeure la : première ne consiste qu'à travailler le pied des arbres

de temps en temps, et à les laisser croître d'eux-mêmes pour devenir futaies; la seconde manière est de les étêter à l'âge de trois ans pour en obtenir, par la suite, des branches propres à faire des échalas; enfin, la troisième est de couper l'arbre au pied dès qu'il a trois ans pour lui faire produire des rejetons dont on fait de l'œuvre ou qu'on plante ailleurs.

IV. Mémoire sur la culture et les avantages du faux acacia, dans les Etats-Unis, par M. Saint-Jean de Crevecoeur, 1786.

Les Américains cultivent beaucoup l'acacia; ils en sèment la graine au printemps sur les couches de de leurs jardins, composées de bon terreau et de sable; avec le secours des nattes, on a soin d'empêcher l'ardeur du soleil de les trop dessécher. Si les pluies sont rares, ils les arrosent. Vers la troisième année, on transplante les acacias dans une pépinière, où ils restent jusqu'à ce qu'ils soient assez forts pour être placés en avenues, ou le long des clôtures, ou en bois épais.

Dans plusieurs parties des Etats-Unis, les habitans les propagent d'une manière différente de celleci. Ces arbres sont plantés dans un champ où ils sont mis en rang,à cinquante pieds de distance; l'année d'après, on tire un trait de charrue le long de ces mêmes rangs, à trois pieds de l'arbre : peu de temps après, un grand nombre de boutures sortent des blessures de leurs racines, et s'élèvent, dès cette première saison, à près de six pieds de haut. L'année suivante, on répète la même opération, et dans un court espace de temps, un champ se trouve, à peu de frais, garni d'un joli bois. Quelques personnes intraduisent des cochons dans ce champ, mais pendant peu de jours seulement, parce que la fouille est singulièrement productive, et fait croître un très-grand No. 11.

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nombre de jeunes acacias. Tout le soin que ces pépinières exigent se réduit à une bonne clôture; car rien n'étant meilleur pour les bestiaux que les feuilles de cet arbre, ils en sont extrêmement friands. Dans les états du sud, les dépouilles de l'acacia procurent le fourrage le plus délicat, que l'on conserve avec soin pour les poulains et les chevaux malades. Un heureux hasard et l'esprit d'observation, ayant appris aux Américains que les acacias préféroient les terres légères et sablonneuses à toute autre espèce de sol, ils ne tardèrent pas à concevoir l'idée de les fertiliser par le moyen de cet arbre, dont les racines, les feuilles et les gouttes d'eau qui en découlent, paroissent apporter la fertilité partout où il se

trouve.

L'auteur détaille ensuite les services que l'acacia robinier a rendus aux Américains pour régénérer leurs terres épuisées, replanter les forêts dans les parties anciennement habitées, fixer et fertiliser des sables mouvans, consolider les bords des rivières par ses racines longues et traçantes (1). Il indique les usages

(1) Pour prouver à quelle distance ces arbres poussent leurs racines, surtout dans des terrains légers, l'auteur cite des faits dont il a constaté la vérité. Un acacia planté depuis plusieurs années, à vingt pieds du presbytère de la Jamaïque (petite ville à six lieues de New-Yorck,) poussa une racine à travers la cave de cette maison, et pénétra à dix-sept pieds de distance de l'autre côté, et à quinze de profondeur dans le puits; cette racine, après avoir poussé à travers les pierres qui étoient sans mortier, reprit une direction verticale; et l'année suivante, elle produisit un arbre qui s'éleva de plusieurs pieds au-dessus du puits. Cet arbre provenu d'une racine de soixante-deux pieds de long a subsisté jusqu'à ce que les Anglois l'aient coupé pendant la dernière guerre. Dans un autre endroit, un acacia a poussé une racine de quarante-' neuf pieds de longueur.

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