Page images
PDF
EPUB
[merged small][merged small][merged small][merged small][ocr errors][merged small]

L'aveu du prévenu, allégué dans le proces-verbal, n'ajoute rien au plus ou moins de foi qui peut étre due à cet acte. Arrêt de la Cour de justice criminelle du département du Doubs, du 26 juillet 1808, dont l'Administration n'a pas cru devoir demander la cassation.

Le 24 mars 1808, deux gardes de la forêt de Dammarie dressèrent uu procès verbal ainsi conçu : «Etant accompagnés de l'adjoint, en l'absence du << maire, nous nous sommes transporté au domicile « de Jacques Chatrenet, cultivateur à Dammarie, où nous avons trouvé deux charges à col, de branches de chênes; nous lui avons reproché son « délit; il nous a répondu qu'il venoit du Croix « bois de Dammarie, que l'orage les avoit abattus; « que le garde de Dammarie lui avoit permis de les ra« masser; les branches de chêne étoient de bois vert « et vif, de la grosseur chacune de 15 centimètres << de tour dont et de tout quoi, nous avons dressé « le procès-verbal >>.

Chatrenet, cité devant le tribunal correctionnel comparut, fut interrogé et répondit : « Je n'ai coupé << aucunes branches dans la forêt de Dammarie, ni « n'en ai ramassé, c'est une fausseté des plus criantes,

de la part des gardes, de dire que je leur ai avoué << avoir commis ce délit ; d'ailleurs, ils ne m'ont vu ni « couper, ni enlever, et ne m'ont point requis au «ressouchement; d'un autre côté, leur rapport

No. 9.

2

« n'annonce pas dans quelle forêt ils ont reconnu « le délit qu'ils m'imputent, et ils ne disent pas en « avoir reconnu un dans la forêt ».

D'après cette réponse, jugement du 11 juin, qui renvoie Chatrenet sans amende, « attendu que le << rapport dont il s'agit, quoique revêtu de toutes « les formalités voulues par la loi, ne peut cepen«dant faire foi que le bois ou branchage de chêne « trouvé au domicile du prévenu provenoit d'un « délit commis dans la forêt de Dammarie; en ce << que les gardes-rédacteurs n'avoient pas dit dans

"

quelle forêt, ni même qu'ils en aient reconnu un «dans la forêt confiée à leur garde; que conséquem<<ment ils n'ont pu reconnoître les branchages trouvés << au domicile du défendeur pour provenir d'un délit, « n'ayant pu les échantillonner, ni les confronter au << tronc età l'arbre duquel ils avoient été enlevés ».

Appel de la part de M. le Procureur - impérial, soutenant qu'il étoit inutile que les gardes déterminassent, dans leur rapport, d'où provenoient les deux charges trouvées au domicile de Jacques Chatrenet, puisque ce dernier y convenoit qu'elles provenoient de Croix bois de Dammarie; que ses dénégations à l'audience ne pouvoient détruire ce fait constaté par deux gardes et l'agent de la commune, et qu'il ne pouvoit y avoir lieu qu'à la voie de l'inscription de faux, si le prévenu avoit voulu l'embrasser.

Le 12 juillet, arrêt de la Cour criminelle du département du Doubs, qui rejette la requête d'appel.

Cette Cour a considéré, « que dans le rapport <<< dont il s'agit, les gardes ne parlent pas qu'ils aient << reconnu un délit existant dans la forêt de Dam<< marie, et que par conséquent rien n'autorisoit la << visite domiciliaire qu'ils se sont permis de faire chez Chatrenet.

par

[ocr errors]

Que l'aveu du prévenu, imputé par les gardes à Chatrenet, ne peut être regardé comme une « preuve suffisante; parce que si les rapports des « gardes font foi jusqu'à inscription de faux, ce « ne peut être que relativement aux reconnoissances « des gardes, concernant le corps du délit, et non à ce qui peut avoir été dit ❝ pas les prétendus << délinquans, sans quoi, à supposer que les gardes « se permissent une fausse énonciation dans leurs « rapports, les particuliers qui y seroient compro« mis, n'auroient aucun moyen pour prouver le « faux; qu'ainsi l'on ne doit point baser une con<<< damnation sur une simple énonciation de l'aveu « supposé fait aux gardes. Qu'enfin, à s'en tenir aux << termes de la l'arrêt de la Cour de cassation, du 20 juin 1806, si l'aveu des délinquans fait aux gardes est consigné dans leur rapport, ce n'est du « moins que lorsqu'il y a eu une reconnoissance « préalable d'un délit dans la forêt ».

[ocr errors]

Nous ne regardons pas comme constant le principe posé dans le premier considérant de cet arrêt; savoir, que les gardes n'ont la faculté de faire des visites domiciliaires, qu'après avoir reconnu les délits dans les forêts. Aucune loi n'établit cette restriction; au contraire, il est enjoint aux gardes, lorsqu'ils ont avis que des bois ont été volés dans la forêt et portés dans telle maison, d'y faire des perquisitions; et si à la vue des bois ils les reconnoissent pour être ceux de délit, d'en dresser procès-verbal, de requérir le prévenu de se trouver à la visite qu'ils entendent faire dans la forêt, pour y voir les souches et arbres auxquels les bois saisis appartiennent; et à son refus, de procéder seuls au rappatronage et retocquage; tel est l'esprit de l'article 24 de l'ordonnance de 1669, titre XXVII; confirmé par

l'article 5 du titre IV de la loi du 29 septembre 1791.

Mais nous adoptons l'autre principe émis par cet arrêt, qui est que les procès-verbaux des gardes forestiers ne peuvent faire foi absolue pour la constatation des réponses qu'ils prétendent leur avoir été faites par ceux contre qui sont dressés ces procès

verbaux.

[ocr errors]

Les gardes, a-t-on observé, n'ont point caractère pour constater les déclarations du prétendu délinquant, ou des témoins du délit; du moins ce qu'ils énonceroient de relatif à ces déclarations dans leurs procès-verbaux, ne peut faire foi irrefragable, et ne pouroit être pris que pour renseignement, dont l'appréciation est laissée à l'arbitrage du juge. Dire autrement ce seroit reconnoître, dans les gardes, une véritable magistrature, leur donner le droit de faire des procès-verbaux d'interrogatoire et d'enquête; faculté qu'aucune loi ne leur attribue. Si un garde, qui n'auroit pas vu commettre le délit, se bornoit à mettre dans son procès-verbal que deux ou trois témoins, qu'il désigneroit, lui ont déclaré avoir vu celui qui le commettoit; cette déclaration du garde, énonciative des déclarations des témoins, seroit-elle suffisante pour opérer la condamnation du délinquant indiqué? non; seulement le juge 'devroit appeler les témoins mentionnés au procèsverbal du garde, et s'ils déposoient d'une manière précise, celui par qui ils affirmeroient avoir vu commettre le délit, devroit être condamné; mais cette condamnation seroit nécessitée non par la déclaration que le garde auroit insérée en son rapport, mais par par les déclarations des témoins faites devant le juge. Si les gardes n'ont pas caractère pour constater les drie des témoins, ils ne l'ont pas davantage pour

constater les prétendus aveux de celui contre lequel ils dressent leur procès-verbal. En accordant aux gardes le droit de constater les aveux, on leur attribueroit un droit plus étendu que celui dont la loi a investi les magistrats chargés de faire les interrogatoires, et de constater les aveux des prévenus. En effet, le magistrat qui fait un interrogatoire, est assisté d'un greffier, qui ajoute au caractère d'authenticité du procès-verbal. Il doit donner au prévenu lecture de son procès-verbal; il doit l'interpeler de signer ses réponses; si l'interrogé refuse ou déclare ne savoir signer, le juge et le greffier doivent faire un procès-verbal particulier de cette déclaration. L'on ne peut donc vouloir qu'un garde, lorsqu'il n'est tenu dans ses procès-verbaux à aucune de ces précautions, qui peuvent seules faire la garantie de l'interrogé contre l'erreur ou la mauvaise foi, puisse irrefragablement constater les aveux du prétendu délinquant, et que le juge soit forcé à condamner d'après un procès-verbal, qui ne contiendroit que l'assertion de pareils aveux, qui n'énonceroit pas que le garde à vu commettre le délit, ou qu'il en a suivi les traces, qu'il a trouvé le bois de délit, et qu'il en a reconnu l'identité, avec celui manquant dans la forêt.

MM. les Officiers forestiers connoissent assez Es motifs de cette différence, pour ramener leurs subordannés à une meilleure forme de procéder.

« PreviousContinue »