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traité complet de la matière, nous avons pensé que MM, les officiers forestiers, nous sauroient gré de le présenter ici dans son entier.

Rapport de M. Guieu.

MESSIEURS,

L'Admisistration forestière s'est régulièrement pourvue contre trois arrêts rendus le 5 février dernier, par la Cour de Justice criminelle du département de la Côte-d'Or.

Il s'agissoit, dans les trois instances terminées par ces arrêts, de délits forestiers :

Ils ont été reconnus pour constans ;

Mais la Cour de Justice criminelle n'a pas prononcé les peines voulues par la loi :

C'est le motif du pourvoi qui vous est présenté. Voici les faits qui ont amené ces décisions.

Par trois procès-verbaux des 6, 13 et 15 juin 1808, le garde-forestier de l'arrondissement communal de Dijon, constata que Pierre Mouret et Jean Duthu, Pierre et François Raviot, Didier Bornier et Louis Charles, avoient fait pâturer leurs chevaux,'à garde faite, dans une forêt impériale, déclarée nondéfensable.

D'après ces trois procès-verbaux affirmés, enregistrés, et sur la régularité desquels on n'a élevé aucune difficulté, les délinquans furent traduits devant le Tribunal de police correctionnelle de Dijon. Il s'établit, sur les demandes de l'Administration forestière, trois instances séparées

La peine, requise contre les délinquans, étoit l'amende de 20 francs pour chaque cheval, prononcée par l'art. 10, du tit. 32 de l'ordonnance de 1669, et la

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restitution de pareille somme, conformément à l'art. 8 du même titre.

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Par trois jugemens du Tribunal correctionnel de Dijon, sous la date du 26 novembre 1808, les délinquans furent reconnus coupables des délits qui leur étoient imputés.

Mais au lieu de prononcer contre eux les peines prescrites par l'ordonnance, le Tribunal crut pouvoir se borner à les condamner seulement à une amende de deux francs à l'égard de Didier Bornier et de Louis Charles, et de 4 francs, à l'égard de Pierre et François Baviot, et de Pierre Mouret et Jean Duthu, pour chaque chèval, et à pareille somme de restitution, au lieu de 20 liv. d'amende, ainsi que l'ordonne l'art. 10 de la loi. Le Tribunal se fonda, pour faire cette réduction, sur les dispositions de l'art. 10 la loi du 20 messidor an 3, qui porte: « à l'égard des « délits, commis dans les forêts nationales et parti« culières, le prix de la restitution et de l'amende, << sera provisoirement déterminé par les Tribunaux, d'après la valeur actuelle des bois ».

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Il y eut appel de ces trois jugemens.

Ils ont été infirmés par la Cour de Justice criminelle du département de la Côte-d'Or, par trois arrêts rendus sous la date du 13 février 1809.

Mais cette infirmation n'a porté que sur la fausse application, faite par le Tribunal correctionnel, de la loi du 20 messidor an 3.

La Cour de Justice criminelle, a commis le même excès de pouvoir, en modérant à son tour, l'amende et la restitution, et en bornant à 10 liv. pour chaque cheval, celle que l'ordonnance a fixée à 20 liv. il est essentiel, Messieurs, de vous faire connoître les motifs qu'elle a développés avec beaucoup de soin, dans ses trois arrêts qui sont littéralement les mêmes.

La lecture de l'un de ces arrêts, vous convaincra que si cette Cour a erré, c'est du moins de bonne foi, et en se laissant entraîner à des considérations et à des raisonnemens qui ont pu égarer son opinion, sans rien prouver de défavorable sur ses intentions (1).

C'est contre cet arrêt et les deux semblables, rendus le même jour, que le pourvoi de l'Administration forestière, est dirigé.

Ce pourvoi ne vous présente qu'une seule question à décider.

Les Cours de Justice criminelle ont-elles le droit de modérer, suivant les circonstances, les amendes fixées par l'ordonnance de 1669?

Enoncer cette question, c'est vous présenter un point bien facile à juger, d'après les principes que vous avez si souvent fixés par votre jurisprudence.

Je n'aurai donc rien à vous dire pour déterminer votre opinion. Les principes sur cette matière vous sont assez familiers pour qu'il soit inutile de vous les retracer.

Mais j'ai pensé, néanmoins, que lorsqu'une Cour de Justice émet avec solennité une certaine opinion et y attache l'importance qui naît de sa conviction il est de votre dignité, comme de votre justice, de ne pas censurer ses décisions, sans lui faire connoître les motifs de votre décision, sans discuter avec quelque soin, les raisons qu'elle a employées pour justifier son erreur; sans saisir cette occasion de proclamer, dans cette enceinte, les véritables maximes dont vous êtes les conservateurs, et qui ne seront bien suivies, que lorsquelles seront bien et universellement connues.

(1) Ici M. le Rapporteur a donné lecture de l'arrêt dont nous croyons inutile de faire connoître le texte.

J'ai cru, en conséquence, que vous consacreriez, sans regret, quelques instans à une discussion qui est un hommage que je rends aux intentions des Magistrats de la Cour de Dijon, en même temps qu'elle sera la réfutation de leurs motifs de décider comme ils l'ont fait.

Il faut donc examiner la question qui vous est soumise; et pour la traiter dans son ensemble et dans tous ses détails, il me paroît convenable de la discuter d'après les principes du droit commun en général, et ensuite d'après les lois particulières de la matière.

SI.

Pour connoître les véritables principes du droit commun sur cette matière, il fant se demander d'abord quel est le caractère des amendes, prononcées par la loi, pour certains délits.

:

La loi romaine nous répond que l'amende est une peine c'est une peine pécuniaire qui remplace les peines afflictives ou infamantes, lorsque le délit que la loi veut réprimer, n'a pas les caractères de gravité qui peuvent exiger des mesures plus sévères ou une vengeance plus éclatante: cùm pœna generale sit nomen omnium delictorum coercitio multa specialis peccati cujus animadversio hodiè pecuniaria est. L. 13. Dig. de verb. Signif.

Delà les auteurs de la loi, Julia et Papia, ont tiré cette conséquence, que l'amende peut être quelque fois prononcée et réglée par le Magistrat; mais que les peines afflictives ou infamantes, ne peuvent être réglées que par la loi.

Mais ils observent en même temps, que le droit de prononcer et de régler des amendes, n'appartient qu'à ceux qui exercent une portion de la puissance souveraine, dont l'exercice leur a été délégué expres

sément. Ainsi, les Proconsuls, les Préfets, les Présidens des Provinces, qui, chez les Romains, exerçoient une partie de l'autorité publique, avoient seuls le droit de régler les amendes; les autres Magistrats n'avoient que celui de prononcer celles qui étoient établies. Item multùm is dicere potest, cui judicatio data est. Magistratus solos et presides provinciarum posse multùm dicere, MANDATIS PERMISSUM EST. Ead. L.

Ainsi on distinguoit, dans le droit romain, les amendes fixes, des amendes arbitraires laissées à la prudence et à l'autorité du Magistrat dans leur fixation.

C'est à l'égard de celles-ci, que la loi 13, Dig. de pænis, laissoit au Magistrat la faculté de les augmenter, ou de les modérer: quem vult sententiam ferre, vel graviorem, vel leviorem.

Mais c'est pour les amendes déterminées par la loi, pour un délit spécialement prévu par elle, que la loi 41 du même titre nous disoit qu'un délit spécial ne peut jamais être reprimé d'une manière purement arbitraire, surtout quand la loi a quand la loi a prononcé : nec sanè veresimile est delictum unum, eadem lege variis æstimationibus coerceri.

Le droit du Code fut encore plus rigoureux que celui du Digeste sur ce point.

Il résulta, de la loi 2 du Code, au titre de modo mulctarum quæ à judicibus infliguntur, que les délégués du prince n'avcient pas le droit d'infliger des amendes: c'est ainsi que s'en explique l'empereur Alexandre dans son rescrit à Décimius, Préfet du prétoire; et delà il suit que le Magistrat qui ne peut créer une peine, n'a pas non plus, la puissance de réformer celle qui a été établie par la loi ; nec putent, (porte un édit des empereurs Arcadius et Honorius) factum facile est aut abescunda varietate judi

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