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ci pro articio proprio immutandum esse quod jusserint.

En un mot, le principe constant, de la législation romaine a été que la volonté du juge ne devoit jamais concourir et encore moins, l'emporter dans l'application des peines, sur la volonté formelle de la loi. Pœnæ persecutio non judicis voluntati mandatur, sed legis autoritati reservatur. L. I. Dig. ad senat. consult. Trupilianum

Godefroi a résumé tous ces principes de la manière la plus claire, en ces termes.

Judex pænam legis dissimulando, vel majorem, vel duriorem inferendo, condemnatum non notat. Factis quidem controversis legem accomodare potest, non legem condere. Vis hæc legis est, nonjudiciis, reum infamiâ notare, in legis latorum voluntate positum est non judicis. Judicis non est statuere, sed statutum legibus facto accomodare.

Une seule limitation apportée à ce principe, résultoit de l'éminence des pouvoirs d'un magistrat supérieur, qui, dans l'exercice de sa jurisdiction réunissoit à celui du pouvoir exécutif, celui de la puissance souveraine et législative.

Ces principes ont été, de tous les temps, adoptés dans notre droit francais.

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L'ordonnance de Blois, art 208, défend aux juges de toutes les classes, de modérer les peines conte- · nues dans les ordonnances, pour quelque raison et sous quelque prétexte que ce soit,d'équité, ou autrement, déclarant les jugemens, sentences, ou arrêts qui seroient donnés, contre la teneur de ces ordonnances, nuls et de nul effet ou valeur. Ces maximes sont inséparablement liées aux règles fondamentales d'une constitution monarchique, où les magistrats ne sont que les délégués du prince

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dans une portion limitée de sa puissance; les organes impassibles de la loi dont ils ne sont pas les auteurs; les conservateurs intègres du dépôt inviolable des lois, dont l'Empire seul doit gouverner les citoyens dans leurs intérêts les plus précieux.

Si ces maximes étoient en vigueur, à une époque où les Cours de justice avoient acquis le droit d'unir à leurs fonctions judiciaires, une sorte de participation à la puissance législative, elles doivent être sans doute bien plus rigoureusement observées dans notre constitution actuelle; où tout le pouvoir des Magistrats se réduit à juger les intérêts privés des citoyens, et à appliquer à ce fait, légalement vérifié, la loi existante au moment du litige.

D'ailleurs, Messieurs, il est assez évident que le droit de modérer les peines, supposeroit, dans celui qui l'exerceroit, une plénitude de puissance que nos lois ont exclusivement réservée au chef du Gouvernement. La modération des peines, n'est, sous une autre forme, que le droit de faire grace; c'est une véritable rémission du délit, accordée, contre le vœu de la loi, par celui-là seul à qui il appartient de faire fléchir la loi elle même, devant des considérations de justice, d'équité ou d'ordre public dont il est seul constitué l'appréciateur et l'arbitre.

Si de ces observations générales, nous passons aux règles particulières que notre législation a adoptées sur les diverses branches de l'administration de la justice, relativement à l'intérêt du fisc; nous verrons que l'on a toujours cru ne pouvoir s'écarter, sans danger, de cette fixité dans la prononciation des peines qui en assure bien plus efficacement la justice, que ne pourroient le faire des opinions versatiles et des évaluations arbitraires, dont l'excès seroit souvent aussi redoutable que l'insuffisance.

Ainsi, nous voyons que la déclaration du roi du 21 mars 1671, avoit défendu la modération de toutes les amendes prononcées en matière civile ou criminelle, à quelques sommes qu'elles puissent monter.

Nous voyons que les anciennes ordonnances des aides et gabelles, notamment celle de 1681, et celles relatives aux domaines, prohiboient formellement la modération des amendes; et que si la déclaration du roi du 17 février 1688, donna sur ce point plus de latitude aux Cours des aides et à la chambre du domaine, le souverain eut soin d'exprimer et de spécifier les cas particuliers qui pourroient autoriser certaines modérations.

La législation française de 1789, ne s'est point écartée de ces règles protectrices des citoyens, autant qu'elles sont conservatrices de l'ordre public. L'art. 51 de la loi du 27 mai 1791, sur l'organisation des contributions indirectes pose le principe général en ces termes :

«Ne

pourront pareillement aucuns corps admi«nistratifs, ni tribunaux, accorder de remise ou «modération de droits ou perceptions indirectes, « et amendes, à peine de nullité des jugemens. »

Et la section civile a fait l'application de cet article, par un arrêt rendu le 23 novembre 1807, au rapport de M. Zangiacomi, à un jugement du tribunal de Rochefort, qui avoit modéré l'amende encourue pour contraventions à la loi du timbre.

En matière de grand criminel, vous tenez, pour irrévocablement certain, que les juges ne peuvent remettre une partie de la peine prononcée par la loi. Vous le jugeâtes ainsi par votre arrêt du 23 octobre 1806, au rapport de M. Vermeil, dans une cause où la Cour de justice criminelle de Plaisance, en condamnant des distibuteurs de fausse monnoie à

quinze années de fers, leur avoit fait grace de la flétrissure, prononcée par l'art. 6 de la loi du 23 floréal an 10.

En matière de police correctionnelle, vous l'avez décidé de la même manière pour plusieurs espèces de délits.

Pour fait d'escroquerie; par un arrêt du 15 octobre 1807, rendu à mon rapport; attendu que les juges, en condamnant le prévenu à six mois d'em‐ prisonnement, lui avoient fait remise de l'amende prescrite par l'art. 35 de la loi du 22 juillet 1791.

Pour contravention aux droits de douanes, et aux droits réunis; par une foule de vos arrêts, dont le détail seroit trop long à vous présenter.

Enfin, pour les délits de simple police, la loi du 27 nivose an 5, contient une disposition formelle et prohibitive de toute modération d'amende; et un grand nombre de vos arrêts a sévèrement maintenu l'exécution de cette loi.

Il résulte, Messieurs, de ce tableau général de la législation et de votre jurisprudence, que l'on a toujours pensé qu'il n'étoit pas permis aux juges de s'élever, par des considérations particulières, au-dessus du précepte impératif de la loi.

S'il falloit donc apprécier le mérite des arrêts de la Cour de Dijon, qui vous sont dénoncés, d'après les principes généraux du droit commun, il seroit bien évident qu'ils ne pourroient échapper à votre

censure.

Il nous reste à voir si les lois particulières de la matière peuvent les justifier, par une exception dérogative au droit commun.

S. 2.

Sans remonter jusques aux anciennes ordonnances.

qui n'admettoient aucune limitation à leurs dispositions impératives, il faut nous borner à examiner d'abord Fordonnance de 1669, qui est encore la lui vivante sur cette matière.

C'est, comme je l'ai déjà dit, l'art. 10 du tit. 32 de cette loi, qui fixe à 20 liv. par cheval l'amende encourue pour délit de pâturage.

Et c'est l'art. 14, du même titre, qui contient la prohibition la plus sévère de toute modération arbitraire des amendes; il est ainsi conçu :

« Défendons aux officiers d'aliéner les amendes et << peines, ni les prononcer moindre que ce qu'elles « sont réglées par la présente ordonnance, ou de les «< modérer et changer après le jugement, à peine de « répétition contre eux, de suspension de leurs charges pour la première fois, et de privation en « récidive. »

Voilà certainement un texte bien positif et une disposition bien sévère.

Il est vrai que l'art. 23 du même titre, semble supposer, au premier coup-d'œil, que les juges ont, nonobstant cette prohibition, la faculté de modérer les amendes; voyons en les termes :

<<< Lorsqu'il y aura appel des condamnations d'a<< mende, les collecteurs préposés dans les maîtrises «<en feront le recouvrement, après que l'appel aura « été jugé, soit que les amendes aient été augmen«tées ou modérées au siége de la table de marbre, << ou ailleurs; défendons à tous autres de s'immis<< cer en la recette, ou collecte, à peine de mille << livres d'amende. >>

C'est faute d'avoir suffisament réfléchi sur cet article, que Jousse, dans son Commentaire sur l'ordonnance, en a tiré cette conséquence.

<< Il suit de là, dit-il, que les tables de marbre, << ou autres juges supérieurs peuvent augmenter

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