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«ou diminuer les amendes prononcées par les premiers juges, suivant que les circonstances l'exi« gent. >>

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Ši cet auteur a voulu dire seulement que les juges supérieurs ont le droit de réformer les jugemens qui leur sont déférés par appel, il n'a fait qu'une observation triviale et inutile.

S'il a prétendu que les juges supérieurs avoient le droit arbitraire d'augmenter ou de diminuer les amendes, au-dessus ou au-dessous du taux de l'ordonnance, il n'a pas saisi le véritable sens de la loi.

Il est évident, en effet, que le législateur n'eût pas placé à la suite de l'art. 14, si impératif, une disposition aussi contradictoire que celle de l'art. 23, entendue dans le sens que Jousse paroît présenter. On ne peut supposer cette incohérence et une antinomie aussi absurde, dans le même titre d'une loi faite par les grands magistrats du siècle de Louis XIV, et provoquée par Colbert.

Mais en lisant attentivement l'art. 23, on voit qu'il ne veut dire autre chose, si non que les collecteurs des amendes n'en feront les recouvremens, dans les instances où il y a eu appel, que lorsqu'elles auront été définitivement fixées par le tribunal supérieur : en effet, le premier juge peut prononcer, contre le texte de l'ordonnance, ou des amendes trop fortes, ou des amendes trop foibles. Dans le premier cas, c'est au juge d'appel à les modérer, comme de les augmenter dans le second; mais dans ces deux cas, ce n'est point une évaluation arbitraire qui lui est permise, c'est au contraire l'exécution stricte de la loi qu'il doit proposer. C'est là certainement tout ce que l'art. 23 veut dire, et l'on voit qu'alors il n'est plus en contradiction avec l'art. 14.

Telle est l'interprétation que M. Merlin a adoptée; (" dans son nouv. Rep. de jurisp. au mot amende).

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Il ne faut point conclure, dit-il, de l'art. 23, que. «<les juges puissent quelquefois s'écarter de la de«fense qui leur est faite, de la manière la plus ab« solue, de modérer les amendes par les mots « des amendes modérées; cet article n'entend et ne « peut entendre que les amendes qui, ayant été élevées << par les premiers juges à un taux, excédant celui « de la loi, ont été réduites par les juges supérieurs << à leur taux légal. »

Au reste, Jousse n'est pas le seul qui ait commis cette erreur, dans l'interprétation de l'art. 23. M. de Gallon l'avoit aussi partagée dans son Commentaire. C'est cette erreur, encore accréditée par l'autorité de ce commentateur estimable, qui avoit engagé la table de marbre de Dijon, ainsi qu'il nous l'apprend lui-même, à persister dans l'usage de modérer les amendes.

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Mais une preuve que la loi n'étoit pas généralement entendue ainsi, c'est que le Conseil d'état ne manquoit jamais de casser les jugemens des tables de marbre qui contenoient des modérations de peine.

Les auteurs du nouveau Denisart, au mot conservation des eaux et forêts, rapportent un arrêt du Conseil du 1er août 1682, qui cassa un jugement de la table de marbre de Paris, du 10 janvier 1680, parce qu'il avoit modéré, en faveur de l'adjudicataire des bois du parc de Cognac, l'amende que les officiers de la maîtrise avoient prononcée au taux de l'ordonnance.

Il existe, il est vrai, plusieurs arrêts du conseil, sous les dates des 2 avril et 25 octobre 1701, et 22 avril 1704, qui ont confirmé des jugemens de la table de marbre, portant modération des amendes.

Mais cela même prouve que ces décisions, sur des cas particuliers, n'ont pu acquérir une entière au

torité, que par la sanction du Prince, donnée en connoissance de cause.

Au reste, Messieurs, ce fut pour faire cesser tous les doutes sur cette question, que fut rendu l'édit du mois de mai 1716 qui a fixé la législation; l'art. 50 est conçu en ces termes :

<< Ne pourront les amendes et restitutions, réglées < par l'ordonnance de 1669, être diminuées par nos «<cours de parlement, tables de marbre et officiers « des maîtrises, tant pour ce qui regarde nos bois, «que ceux des ecclésiastiques, communautés sécu« lières et régulières, et seront les restitutions égales aux amendes, et les amendes égales aux restitutions. >>

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Cet arrêt fut enregistré au parlement de Dijon, 7 avril de la même année 1716.

Il est devenu la règle invariable, de laquelle les tribunaux n'ont pu s'écarter; il a fixé l'étendue et les bornes de leur pouvoir.

Aussi, la jurisprudence a-t-elle été toujours conforme à cette règle.

Vous la consacrâtes par un premier arrêt du 11 brumaire an 11, au rapport de M. Seignette.

Vous la consacrâtes encore par un autre arrêt du 2 janvier 1806, au rapport de M. Aumont, par lequel vous annulâtes un arrêt de la Cour de justice criminelle du département de l'Eure, qui avoit réduit à 20 sous, l'amende encourue par des délinquans auxqueis on devoit appliquer les dispositions de l'ordonnance, relatives à la coupe des arbres dont l'amende doit être payée au pied de tour.

Enfin, Messieurs, au 26 février 1807, vous rendîtes un arrêt, au rapport de M. Seignette, d'autant plus remarquable pour la Cour de justice criminelle de la Côte d'or, qu'il a été transcrit sur ses registres.

Cette arrêt annule une décision de cette même Cour, du 11 août 1806, qui, dans la cause des sieurs Darbois et Henri, avoit modéré, par des considérations particulières, l'amende que ces délinquans avoient encourue; et vous fondâtes principalement les motifs de votre arrêt sur l'article 50 de l'édit de 1716.

La Cour de Dijon ne pouvoit donc ignorer ni les principes, ni votre jurisprudence, et il est étonnant qu'elle ait pu revenir sur une question formellement résolue par vous à son égard.

Tels sont, Messieurs, les principes que j'ai cru convenable de présenter dans leur ensemble, et avec quelque étendue, afin qu'une nouvelle décision, par vous rendue avec solennité, prévienne pour jamais les doutes et les erreurs sur un point si important de la législation forestière.

Je ne terminerai point ce rapport sans vous proposer quelques observations sur les considérations des arrêts de la Cour de Dijon.

Elle a voulu s'étayer d'abord sur divers règlemens faits pour la maîtrise d'Orléans et pour celle de Sédan.

Mais vous savez, Messieurs, que c'étoit là des règlemens locaux qui n'avoient de force que dans le territoire pour lequel ils avoient été faits. Vous avez d'ailleurs jugé par deux arrêts, du 26 décembre 1806, rendus au rapport de M. Rataud, que ces règlemens particuliers avoient été abrogés par un décret impérial du 30 frimaire an 13. On ne peut donc en argumenter, à plus forte raison, pour les pays où ces règlemens n'ont jamais eu force de loi.

La Cour de Dijon a cherché encore à s'étayer de l'avis du conseil d'état, du 18 brumaire an 14, pour en conclure, qu'il est des cas où les amendes peuvent N.° 16.

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être modérées. Mais cet avis ne dit nullement ce que l'on suppose. Il porte simplement que, pour l'introduction des bestiaux dans les bois, avant qu'ils soient déclarés défensables, on doit prononcer les amendes qui ont été modérées par des règlemens particuliers, aux quels on doit se conformer dans chaque

localité.

Mais cet avis suppose que ces règlemens, portant modération, sont émanés de la puissance publique. qui a le droit de les faire. Il ne peut pas avoir dit que, dans chaque localité, chaque décision des tribunaux deviendroit un règlement valable, pour la modération des amendes. Il n'a pas dit non plus qu'on pourroit s'étayer de ces reglemens, hors des localités pour lesquelles ils ont été faits.

Après avoir donné, par son arrêt, à l'art. 23 de l'ordonnance 1669, la fause interprétation que nous avons réfutée, la Cour de Dijon interprête aussi faussement les art. 15 et 21 de l'édit de 1716. Mais la lecture de ces articles prouve qu'ils ne disent autre chose que ce que dit l'art. 23, qui n'a nullement abrogé les dispositions impératives de l'article.

Enfin, Messieurs, vous avez vu que la Cour de Dijon insiste, dans son arrêt, sur des considérations d'humanité et d'intérêt public, dictées par la position des pauvres agriculteurs, dont elle craint de voir consommer la ruine.

Mais ces considérations ne sont point étrangères à un gouvernement juste et paternel; on ne les fera jamais valoir infructueusement auprès de lui. C'est une déplorable illusion que celle qui présente sans cesse à tous les regards, les régies des contributions indirectes, sous les rapports d'une impitoyable avidité. C'est tout ce que l'on pouvoit se permettre, lorsque les revenus publics étoient livrés à des exacteurs in

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