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y rend compte des motifs de l'ordre qu'il a suivi dans la disposition des espèces qu'il décrit, et il fait connoître la cause des erreurs de ceux qui l'ont précédé dans la description des chênes de l'Amérique septentrionale. Un bref extrait de cette introduction, servira à indiquer le plan de l'ouvrage, et les idées particulières de l'auteur sur l'usage du gland, comme nourriture principale de l'homme dans les premiers âges. Son opinion paroît d'autant plus fondée, du moins quant aux pays que nous habitons, que le chêne n'y formoit pas la seule espèce forestière dont le fruit pût servir à l'aliment de l'homme, et que le châtaignier paroît aussi avoir été fort répandu dans les forêts qui recouvroient notre sol.

« Je ne remonterai pas, dit-il, à des époques reculées, pour apprécier l'utilité du chêne, et discuter avec les anciens auteurs, s'il est vrai que les hommes du premier âge aient vécu du gland de cet arbre. Il est vraisemblable que le mot gland étoit un nom générique applicable à divers fruits. Les Arabes nommoient tamar celui du dattier, et ils ajoutoient à ce mot un nom spécifique, lorsqu'ils vouloient désigner un fruit d'une nature différente; ainsi, le tamarin, ou tamarine, étoit appelé tamarhendi, dattier de l'Inde, etc.

« Les Grecs se servoient du mot Balanos pour désigner la datte, la châtaigne, le gland de chêne et plusieurs autres fruits; et les mercenaires employés à la récolte du gland, étoient appelés Balanistes, aussi bien que ceux qui recueilloient les dates. Les Latins employoient aussi le mot glans comme nom générique, et la datte se nommoit glans Phoenicea, la châtaigne, glans sardiana, le fruit du noyer, iovis glans ou juglans, etc.

"Enfin, les Gaulois ont nommé indistinctement gland de chêne, de hêtre, de châtaignier, le fruit de ces arbres. Il est donc à présumer que sous la dénomination générique de gland, les dattes, les châtaignes, etc., ont été autrefois, comme aujourd'hui, préférablement au fruit du chêne, l'aliment de plusieurs nations. Plutarque nomme les Arcadiens balanephages, et dit que ces peuples étcient reputés invincibles, parce qu'ils faisoient leur principale nourriture de glands. Sans recourir à l'histoire ancienne, je ne nierai pas non plus que le fruit du chêne net fût mangeable; il est constant que dans toutes les villes de la Morée et de l'Asie mineure, on vend encore aujourd'hui dans les marchés une espèce de gland bon à manger. Le naturaliste Olivier qui, tout récemment, a visité ces mêmes contréees vérifié ce fait, ainsi que moi. C'est à Bagdad que j'ai mange les meilleurs glands qui croissent dans la Mésopotamie et le Curdistan ils sont gros et longs comme le doigt. J'ai aussi goûté de ceux

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'on mange en Espagne, et ils m'ont paru assez doux (1). Le professeur Desfontaines fait aussi mention, dans les Mémoires de l'Académie des Sciences, d'un gland de chêne bon à manger (quercus ballota); mais mon but est de parler de l'utilité du chêne, chez les peuples de notre âge, de faire connoître les différentes espèces que j'ai observées dans l'Amérique septentrionale.

« Le chêne croît naturellement dans toutes les parties de la zone tempérée, en Europe, en Asie, en

(1) Il fut envoyé à l'administration, il y a un an, des glands doux cueillis sur un chêne, aux environs de Montpellier; le seul de cette espèce qui reste dans la contrée.

Ces glands étoient semblables à ceux que l'on mange en Espagne où l'on en sert sur les meilleures tables.

Amérique, et même en Afrique. Sa culture exige des soins particuliers: la transplantation, la greffe et les autres moyens de reproduction ne lui étant pas toujours favorables. La nature a particulièrement formé cet arbre pour les vastes forêts. Il y domine souverainement sur tous les autres végetaux, et il fournit une nourriture abondante à des animaux de nature différente; en Europe, le cerf, le chevreuil et le sanglier vivent pendant tout l'hiver du gland des chênes de nos bois. En Asie, les faisans, les pigeonsramiers le partagent avec les bêtes fauves; dans l'Amérique septentrionale, l'ours, l'écureuil, le pigeon et le dinde sauvages recherchent aussi le gland des chênes. Plusieurs espèces de quadrupèdes et d'oiseaux de ce continent, ayant consommé les fruits d'un territoire, émigrent par troupes innombrables dans les pays où ces ces fruits se trouvent plus abondamment.

« Le chêne est de tous les arbres celui dont le bois est employé le plus généralement et le plus utilement il sert à la construction des maisons et des navires; on en fait des instrumens d'agriculture, etc., il fournit des substances utiles en médecine; il est d'une nécessité presque indispensable pour le taneur, le teinturier, etc.; enfin, il est l'aliment journalier du feu, si nécessaire à notre existence ».

Après avoir ainsi tracé l'historique du chêne, l'auteur entre dans des détails relatifs aux espèces nombreuses dont ce genre est composé. Il fait remarquer la diversité de ces espèces, et les variétés produites par des causes purement accidentelles. Il rapporte que dans l'Amérique septentrionale, ces variétés présentent des chênes nains stoloniferes, dont les rejetons multipliés couvrent de vastes étendues de terrain. Les prairies situées au milieu des forêts de ce continent,

sont brûlées annuellement par les sauvages et par les nouveaux habitans, qui cherchent par ce moyen à renouveler les herbes, pour y attirer les bêtes fauves et y nourrir des bestiaux. L'incendie ayant gagné les forêts et détruit les grands arbres, les racines horizontales de plusieurs espèces de chêne détachées du tronc, reproduisent d'elles-mêmes, et séparément des rejetons qui fructifient ensuite à deux ou trois pieds de hauteur. Chaque faisceau ou assemblage de ces rejetons sur une même souche, peut être considéré comme un arbre nain ou sans tige; car le feu, en consumant ces arbres jusqu'à la racine, produit le même effet que l'amputation de la tige et que la taille sur les poiriers cultivés qui, sans cela, seroient devenus de grands arbres; mais qui, par ces opérations réitérées, peuvent rester nains, et produire des branches fructifères immédiatement près de la racine. M. Michaux pense que c'est à tort que des voyageurs ont regardé ces chênes comme des espèces particulières, parce que ceux dont on a semé les glands ont poussé, comme tous les autres, une radicule descendante, sans produire de rejetons; il n'est donc pas vraisemblable, ajoute-t-il, qu'il y ait des chênes naturellement stoloniferes.

Il fait connoître la difficulté que présente la détermination des espèces de chêne, et les raisons pour lesquelles la description des chênes de l'Amérique septentrionale a été jusqu'ici obscure et incomplète.

Pour éviter les erreurs des auteurs qui l'avoient précédé, il a fait des observations comparatives sur les individus considérés dans l'âge adulte et dans l'adolescence. Pour cet effet, il a semé et cultivé pendant son séjour en Amérique, toutes les espèces qu'il avoit eu occasion de remarquer dans les forêts, et il dit que dès la deuxième année, il a

eu la satisfaction de reconnoître toutes les variétés qui, dans l'âge adulte, lui avoient causé de l'incertitude. M. Michaux ayant trouvé insuffisans les caractères tirés de la fructification pour établir les différentes espèces de chêne d'Amérique, a reconnu que les feuilles offroient des distinctions plus frappantes, et il s'en est servi pour former deux sections, dont la première renferme les espèces à feuilles mutiques, c'est-à-dire, dépourvues de pointes sétacées; et la seconde, celle à feuilles, dont le sommet, ou les découpures sont terminées par une soie.

Le caractère secondaire qu'il a admis est tiré de l'intervalle de temps qu'il s'écoule entre l'apparition de la fleur et la maturité du fruit, et il a fondé deux divisions sur ce caractère. La première comprend les espèces, qu'il appelle à fructification annuelle c'est-à-dire, auxquelles l'intervalle de six mois suffit, pour que le fruit arrive à sa maturité; l'autre renferme les espèces, dont la fructification est bisannuelle, c'est-à-dire, dont le fruit ne mûrit qu'au bout de dix-huit mois.

De cette observation neuve et vraiment intéressante, il paroît résulter que, dans les premiers douze mois, les jeunes glands des chênes à frutification bisannuelle, dont le diamètre est tout au plus d'une ligne, restent tout cet espace de temps dans un état complet d'inertie; que ce ne sont point les chatons des fleurs mâles qui apparoissent avec eux dans le même printemps, qui les fécondent, mais bien ceux qui naisse n à la deuxième époque. Alors ces petits glands commencent à grossir et parviennent promptement à leur maturité, qui a lieu d'assez bonne heure en automne. Une autre particularité assez notable, suivant M. Michaux, fils, se rattache à ce phénomène : c'est que dans les chênes à fructification annuelle, le bois est

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