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de sa fructification et favorise la multiplication du fruit.

La greffe du noyer est encore inconnue dans une grande partie de l'Empire, quoiqu'elle soit en usage, depuis long-temps, dans le ci-devant Dauphiné, et plusieurs autres contrées du midi de la France, où l'on greffe, soit en flûte, soit en écusson. Le produit du noyer greffé a été si considérable (1), que lorsque les cultivateurs l'ont reconnu, ils ont greffé tous leurs vieux arbres. Les noyers greffés de noix mésange sont particulièrement fertiles. Cette noix contient, par mesure, plus pesant d'amande que les autres espèces, et rend, aussi plus d'huile : chaque arbre grefté donne, assez communément dix mesures, dans les bonnes années, tandis que le produit moyen des noyers sauvageons est, tout au plus, d'une mesure.

L'époque à laquelle il convient de greffer les arbres en pépinière, est, lorsqu'ils sont en pleine séve. Les gros noyers, même, âgés de 40 ans, peuvent aussi être greffés. Pour cet effet, on couronne l'arbre en octobre ou en mars, à 8 ou 10 pieds au-dessus du tronc; il pousse des jets considérables pendant l'année et, au printemps de l'année suivante, on place sur les nouveaux jets, depuis 50 jusqu'à 100 greffes.

La manière de faire cette opération, difficile pour les personnes qui n'en ont point l'habitude, se trouve très-bien décrite par M. Juge, habitant des environs de Limoges. Cet agronome assure que la greffe du noyer ne differe de celle du châtaignier que par quelques précautions que nécessitent la contexture du bouton du noyer et sa séve abondante, au moment

(1) Voyez l'article Noyer, dans le nouveau dictionnaire d'histoire naturelle imprimé chez Déterville.

de la greffe. Voici, au reste, cette description extraite du nouveau dictionnaire d'histoire naturelle.

<< Pour bien comprendre les difficultés de la greffe « en flûte du noyer, dit M. Juge, il faut commen«cer par se faire une idée de l'organisation du bou« ton qu'on veut enlever.

Leprincipal bouton est accompagné d'un second, « placé au-dessous, que la nature a destiné à rempla<«< cer le premier, en cas qu'il périsse; l'un et l'autre

sont implantés sur une petite éminence ligneuse * qui blesse les fibres intérieures de l'écorce, lors« qu'on la fait tourner. Le support de la feuille, qui << est triangulaire et très-large, tient également à trois « éminences ligneuses, beaucoup plus petites, mais << qui blessent aussi l'écorce lorsqu'elle tourne; et plus « les boutons sont éloignés du gros bout de l'œuvre, << plus les éminences ligneuses sont saillantes; de sorte << qu'il est impossible de décoller les boutons de la << pointe.

« On sent déjà qu'en faisant tourner l'écorce, il « faut prendre des précautions, pour que les rudi<< mens du bouton ne soient pas déchirés: aussitôt que, << par l'effort de la main, l'écorce a cédé, il faut s'ar❝rêter.

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Quand on veut opérer, on prend la branche destinée à fournir les greffes, on la coupe au-dessus « des huit ou dix boutons inférieurs, qui sont les « seuls qui puissent se décoller: on détache l'écorce « du petit bout, en la levant en lanières, afin de << faciliter le décollement; et, tenant fermement le << gros bout de la main gauche, on donne, de la main « droite, un petit détour, qui ne manque presque jamais de faire céder l'écorce, on prend, ensuite, un peu plus bas, et ainsi, jusqu'au gros bout. « Pour que le bouton qui se trouve dans la main

« droite ne soit pas enlevé en donnant le détour, il «faut avoir soin de le placer entre deux doigts.

« Mais, si malgré ces précautions, le bouton se « trouve déchiré, il pleure, c'est-à-dire que la séve passe à travers l'ouverture qu'a produite le déchire<< ment; alors, il ne doit pas être employé ; le bouton << secondaire ne peut même pas réussir, parce que la «<< séve continueroit à passer par l'ouverture.

« Quand l'écorce est décollée, on la coupe circu«lairement à un travers de doigt au-dessus du bou<< ton, et autant au-dessous, ni plus ni moins; si la flûte « étoit plus longue, la séve auroit peine à l'animer « si elle étoit plus courte, elle ne contiendroit pas << par le bas, tous les rudimens du bouton, et seroit « trop exposée à être desséchée par le haut.

« On cherche ensuite, sur le sujet qu'on veut gref<< fer, une branche qui soit de la grosseur convena«ble; il faut la prendre dans une partie exempte de « nœuds, autant qu'il est possible, et qui paroisse un « peu plus grosse que la flûte, parce que l'écorce du « sujet qui a deux ou trois ans, est ordinairement plus « épaisse que celle de la flûte, qui n'a qu'un a... Un « œil exercé ne se trompe jamais. On coupe hori<«<zontalement la branche dans cette partie dont on « enlève l'écorce en petites lanières. On tient cette «< branche courbée avec la main gauche, et avec la « main droite, on insinue la flûte, et on la pousse jusqu'à ce qu'elle force assez pour que le germe in«térieur touche exactement le bois, et comme ce "germe se trouve au fond du petit enfoncement for«mé par l'éminence ligneuse dont nous avons déjà

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parlé, il faut forcer considérablement la flûte. Son « écorce est épaisse et ferme, elle prête beaucoup << mais il arrive quelquefois qu'elle casse; alors le mal « est sans remède, il faut employer une autre flûte.

<< Avant de tirer une seconde flûte, il faut avec la « serpette, couper les petites éminences ligneuses du « bouton dejà enlevé, autrement, elle la feroit fendre « au passage.

«

«

Il arrive quelquefois qu'on est obligé d'enfoncer «< la flûte au-dessous du point auquel on croyoit que elle s'arrêteroit, et qu'il se trouve des nœuds qui << s'opposent à son passage; il faut les couper propre"ment et ne jamais mettre le bouton sur la partie "coupée.

«La flûte du noyer étant, comme nous l'avons « déjà dit, très-épaisse, elle chasse l'écorce du sujet «<et, celle-ci, par réaction, feroit remonter la flúte "si on ne l'arrêtoit pas. On fait usage d'une méthode «< bien simple, et qui opère constamment l'effet de«siré: lorsque la flûte est au point convenable, on «<l'y retient avec la main gauche, et on fait, avec la <<< serpette tenue de l'autre main, une incision hori<«<zontale dans le bois du sujet, immédiatement au<< dessus de la flûte, et on lève un peu de bois, ce qui « forme un arrêt; on en fait autant dans le côté oppo«sé; il n'est plus possible alors que la flûte remonte. « Chacun des arrêts est fait à peu-près comme le res<< sort qui empêche un parapluie de se fermer.

« On râcle tout de suite le bois qui est au-dessous << de la flûte, pour rabattre les pellicules du liber sur << la coupe supérieure de la flûte; par ce moyen, l'air « et la pluie ne peuvent pénétrer, et on a soin de « couper les bourgeons inférieurs.

« Ainsi se termine une opération qui ne differe « de la greffe du châtaignier, que par quelques pré<<< cautions que nécesitent la contexture particulière du « bouton du noyer, et sa séve abondante, au mo<ment de la greffe. Elle est si facile, dans les mains "exercées, que Périer (c'est le nom du greffeur) a

posé sur mes arbres cent flûtes par jour, sans se gê<< ner, et les amateurs que j'avois appelés pour le voir « opérer, les posèrent aussi bien que lui, dès qu'ils << eurent bien compris les motifs de toutes les précau» tions qu'ils lui voyoient prendre. »

Propriétés et usages du bois et du fruit du Noyer.

Tout le monde connoît les qualités du bois de noyer; on sait qu'il est doux, liant, uni et coloré, et qu'il est d'un usage fréquent dans les arts. En effet, il est recherché par les tourneurs, les ébénistes, les sculpteurs, les carrossiers, les menuisiers, et il est indispensable aux armuriers. C'est particulièrement dans l'intérêt des manufactures d'armes que la société doit encourager la plantation de cet arbre: déjà ces établissemens en éprouvent la disette, sans qu'aucun autre bois ait encore pu le remplacer pour la monture des fusils de guerre. D'un autre côté, la rareté et la cherté, toujours croissantes, du bois d'acajou, donne une valeur nouvelle à celui du noyer.

Le fruit du noyer présente, à son tour, beaucoup d'utilité; on le mange à diverses époques de sa maturité, et il fournit une huile employée à plusieurs usages. Celle qu'on retire par expression,sans employer le feu, remplace l'huile d'olive; la seconde huile, qu'on obtient par le feu, est bonne à brûler, à faire du savon; elle entre dans la préparation de plusieurs vernis, et du noir d'imprimerie; elle est excellente pour la peinture. Enfin, les autres productions du noyer, telles que le brou, les feuilles et les racines, ont encore leur dégré d'utilité, soit dans les arts, soit dans l'économie domestique, soit en médecine.

Sous tous les rapports, il est donc important qu'on en fasse des plantations, tant sur les grandes routes, que sur les propriétés particulières; les contrées où elles

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