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devroient être plus multipliées sont celles à la portée des manufactures d'armes de Maubeuge, Liège, Charleville, Versailles, Mutzig près Strasbourg, St.-Etienne et Turin. L'emploi que ces établissemens font du bois de noyer est considérable (1), et assure aux planteurs un débit certain et avantageux.

D'après ces considérations, la société propose de décerner, dans sa séance générale de juillet 1811, un prix de 300 fr. au cultivateur qui aura fait, sur sa propriété, la plus belle et la plus nombreuse plantation de noyers. Le minimum des arbres à planter à demeure, est fixé à 400; ils devront avoir, au moins, 10 centimètres (3 à 4 pouces) de tour.

La préférence sera accordée à celui des concurrens qui, outre ces plantations, aura greffé avec succès un certain nombre de noyers dans un pays où cette greffe est encore inusitée.

Les mémoires et les pièces justificatives à délivrer par les autorités, seront envoyés franc-de-port à la société (2) dans le mois de mai de 1811.

Signés: Le comte FRANÇOIS de NEUFCHATEAU,

DE LASTEYRIE, et BAUDRILLART rapporteur. La société a adopté les conditions du programme dans sa séance générale du 13 septembre 1809.

No 2. Desséchement du marais de BOERE (Charente).

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Les desséchemens qui ont pour objet de rendre soit à la culture, soit au sol forestier, des terrains condamnés à une stérilité absolue, en assainissant les con

(1) Il leur faut, au moins 12,000 pieds d'arbres de 4 pieds de tour, par an.

(2) Rue du Bacq, hôtel de Boulongue à Paris.

trées où s'opèrent ces travaux utiles, nous paroissent devoir tenir un rang distingué parmi les améliorations: c'est par ce motif que nous sommes déterminés (no. 16 de ces Annales, page 365 et suivantes) à parler du desséchement de l'étang de COQUENARD, et que nous ferons connoître ici celui du marais de BoERE, dont il a été rendu compte par M. CHASSIRON, dans la séance publique de la société d'agriculture du département de la Seine, tenue le 9 avril dernier.

Ce desséchement a été opéré par les propriétaires, et le rapport de M. Chassiron a eu pour objet d'indiquer l'ensemble des travaux récemment faits pour opérer ce desséchement, les tentatives qui avoient précédemment eu lieu pour y parvenir, ainsi que les difficultés que présentoit cette importante opération. Voici comme s'est expliqué M. Chassiron, dans son rapport.

«Vers le milieu du 17° siècle, des Hollandois, ap

pelés par le gouvernement, vinrent porter en France leur industrie, et y entreprendre le désséchement d'une grande quantité de marais, dans le midi et sur les côtes de l'ouest. De ce nombre fut celui de Boëre, situé à huit lieues de la mer, sur la rive gauche de la Sèvre-Niortaise, et contenant 1142 hectares, ou près de 3400 arpens de Paris. Ce desséchement fut entrepris, avec celui des marais inférieurs, jusqu'à l'Océan. Les mêmes procédés furent employés; mais, après dix-neuf ans de travaux, de fatigues et de dépenses, voyant leur tentative inutile, les Hollandois prirent le parti de le séparer, par une forte digue, des autres marais qu'ils venoient de dessécher, et de l'abandonner à l'empire des eaux.

« Cent ans après, M. Bertin, ministre d'état, secondé par tous les secours de l'art, vint encore tenter cette entreprise; il y consacra d'immenses capitaux ; il ren

dit, pendant quelques années, ce marais à la culture mais il ne put y parvenir qu'en inondant les dessé chemens voisins; bientôt il fallut, pour sauver ceuxci, déterminer un niveau que les eaux de Boëre ne pourroient dépasser; et, à peine ce niveau fut-il fixé, que le marais de Boëre ne présenta plus que l'affligeant spectacle d'une vaste inondation, au milieu de laquelle on apercevoit, çà et là, des maisons en ruine.

« Ce désordre donna lieu à un grand nombre de procès pendant douze années.

«Pour terminer ces contestations, plusieurs propriétaires des marais voisins achetèrent, en 1802, une partie de celui-ci, et réunis en société avec les concessionnaires de M. Bertin et son héritier, ils formèrent le projet d'une troisième tentative, qui fait l'ob jet de cette notice.

E

<< Deux principaux obstacles s'opposoient à ce dessé chement : le défaut de pente du sol et l'imperfection de ses digues.

« Portons un coup-d'oeil rapide sur la plage de marais de ces contrées. Cette plage forme un golfe irrégulier, d'environ quarante lieues carrées, qui renferme un grand nombre d'iles, et offre par-tout, à peu-près le même niveau; elle est formée par les dépôts récens de la mer, qui augmentent chaque jour. Son sol cultivé est, en général, de plus d'un mètre au-dessous des grandes marées, et de quatre mètres au-dessous de la surface des rivières qui le traversent.

«Les deux tiers de cette plage, qui s'étend dans trojs départemens, sont desséchés. On a employé, pour y parvenir, des digues et des grands canaux terminés par des portes de flot, de cinq mètres de hauteur, que la mer montante ferme d'elle-même, et que l'eau des marais fait r'ouvrir, quand la première se retire. «Il résulte, de cette position, que les eaux qui cou

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vrent ces terres, ne peuvent s'écouler que pendant l'abaissement momentané de la mer, et que les desséchemens, les plus éloignés de ses rivages, sont ceux qui s'opèrent avec le plus de lenteur. La ligne de pente se rapproche alors, de plus en plus, de l'horizontale, et le moindre obstacle arrête le cours des

eaux.

«Tel est le sol du marais de Boëre, et c'est l'une des difficultés que l'on disoit insurmontables. Il est, de tous les marais de l'ouest, inférieurs au niveau des hautes marées, celui dont le canal de desséchement a le plus de longueur. Ce canal a vingt-six mille mètres (treize mille toises) d'étendue; il traverse de hautes collines et des marais desséchés. Il a fallu l'élargir, l'approfondir dans le roc, en porter les déblais à de grandes hauteurs, et cependant, respecter la culture des terres desséchées qu'il traverse; les travaux ne pouvoient donc s'exécuter qu'en automne, et, quoiqu'ils aient occupé deux à trois cents ouvriers tous les ans, ils n'ont pu s'achever qu'en cinq années. «Le temps intermédiaire étoit employé à charger les digues de glaise, pour en arrêter les filtrations; mais, quelle ne fut pas la surprise générale, lorsque, cet ouvrage étant achevé, on vit, peu de jours après les premiéres crues, l'eau s'élever au même niveau, en dedans et en dehors, et le marais complètement inondé !

« Cette troisièrne tentative inutile étoit désespérante; cependant on ne perdit pas courage; les digues furent sondées à une grande profondeur et bien au-dessous du niveau de leur base. Ce fut alors, et pour la première fois depuis 150 ans, qu'on découvrit qu'elles avoient été placées sur une couche de tourbe grossière d'un à trois mètres d'épaisseur, qui, quoique toujours sous l'eau, et comprimée par le poids des

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digues, étoit criblée par des gerçures verticales, tout autant que le seroient des masses d'argile exposées à l'air libre. Ces gerçures permettoient à l'eau de pas→ ser sous ces digues, comme elle eût passé par-dessus. « Qui eût pu s'attendre que les Hollandois, si habiles dans ce genre de travaux, eussent pu placer ces digues sur la tourbe, quand, partout ailleurs, ils avoient eu grand soin de les poser sur l'argile; argile sur argile? «Le mal étoit connu, mais non le remède qu'il falloit trouver. On s'arrêta aux moyens suivans:

« Les digues furent fendues sur leur flanc extérieur, dans une étendue de dix mille mètres, par une coupe de deux mètres de largeur sur trois à quatre de profondeur. On descendit bien au-dessous du niveau de leur base pour parvenir à l'argile du sol, et cette immense fosse fut comblée par des masses de glaise extraites de diverses parties du marais.

<< Ainsi s'éleva un véritable mur d'argile, de plusieurs mètres de hauteur, sur une longueur de plus de deux lieues et demie de poste, qui se trouvoit soutenue et encaissée par les anciennes digues.

« Il seroit difficile de décrire les difficultés que rencontra cette entreprise qui passeroit pour une témérité si elle n'eût eu le plus entier succès. On ne pouvoit opérer que par fractions, par parties, et sans connoître quel seroit le résultat général. L'eau entroit avec rapidité par le fond de la fosse, elle suintoit par les côtés. Il falloit six fois plus d'ouvriers pour l'épuiser 'que pour faire le travail.

Il falloit souvent extraire, au travers de l'eau même, l'argile destinée à combler cette coupe. Une flottille de bateaux conduisoit cette argile au pied des digues; de là, elle étoit portée sur leurs sommets, précipitée dans l'eau qui remplissoit la fosse, et où elle ne pouvoit se masser que par son propre poids..

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