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LOI

PROVINCIALE

DE LA BELGIQUE,

EXPLIQUÉE ET INTERPRÉTÉE

PAR

LES DISCUSSIONS DU POUVOIR LÉGISLATIF,

LES ARRÊTS DES COURS SUPÉRIEURES DE BELGIQUE,

ET LES INSTRUCTIONS MINISTERIELLES;

Par J.-B. Bivort.

AUTEUR DE COMMENTAIRES SUR LA CONSTITUTION ET LES LOIS COMMUNALE ET ÉLECTORALE, DU RÉPERTOIRE. ADMINISTRATIF DU HAINAUT, ETC.; MEMBRE DE PLUSIEURS SOCIÉTÉS SAVANTES; SECRÉTAIRE DE LA SOCIÉTÉ DES SCIENCES, DES ARTS ET DES LETTRES DU HAINAUT; ETC.

DÉDIÉ A M. LIEDTS,

Gouverneur de la province de Hainaut.

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Dans la préface de notre commentaire sur la loi électorale, nous annoncions que nous avions formé le projet de commenter successivement toutes nos lois organiques, et de fournir à nos concitoyens un code complet de ces lois. Le commentaire que nous publions aujourd'hui, et qui suit d'assez près le précédent, fera voir que nous poursuivons, avec activité, la tâche difficile que nous nous sommes imposée.

Dans le but de répondre au désir qui nous en a été manifesté par quelques hommes honorables, qui veulent bien fixer leur attention sur nos publications, nous profiterons de l'occasion qui nous est offerte pour faire connaître les lois organiques que nous sommes résolu de passer successivement en revue. En voici l'indication; elle comprend également celles de ces lois qui ne sont encore qu'en projet ou qu'il s'agit de réformer :

«<Loi organique de la cour des comptes, 1830, 30 décembre; -lois sur l'or» ganisation du jury, 1831, 19 juillet; 1832, 21 mars, et 1838, 15 mai; —loi » monétaire, 1832, 5 juin; — loi sur l'organisation judiciaire, 1832, 4 août; >> loi organique de l'instruction publique, 1835, 27 septembre; - loi sur les che>> mins vicinaux, 1841, 10 avril; -loi organique de l'enseignement primaire et >> moyen; — loi sur la comptabilité générale de l'Etat; loi sur la garde » civique ; — loi sur la milice nationale; - loi sur l'organisation de la gendar» merie; - loi sur l'administration des biens et forêts.

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Toutefois, nous croyons devoir faire remarquer que nous ne suivrons pas, pour la publication de nos commentaires, l'ordre indiqué ci-dessus.

Mais revenons à notre commentaire sur la loi provinciale. Nous possédons déjà des commentaires sur cette loi; nous citerons celui de feu M. I. Plaisant, ancien procureur-général à la cour de cassation, et celui de M. Havard; ils ont paru, l'un et l'autre, en 1836.

Notre travail est beaucoup plus complet que les précédents : il offre le résumé des rapports ainsi que de la discussion aux chambres, et il comprend les arrêts des cours supérieures de Belgique et les instructions ministérielles qui sont venus interpréter et expliquer notre charte provinciale, depuis l'époque de sa promulgation. Nous ne nous sommes point borné aux questions traitées par les commentateurs qui nous ont précédé; nous en avons soulevé une foule d'autres, que l'application de la loi provinciale nous a paru pouvoir faire naître encore. Nous avons cherché la solution de ces questions dans les discussions du pouvoir législatif, dans les arrêts des cours supérieures de France, dans les avis du conseil d'Etat et dans les ouvrages des juristes français et belges.

Au nombre de ces questions il s'en trouve de très-graves, qui ont été agitées, à plusieurs reprises, au sein des conseils provinciaux et des chambres. Ces questions ont particulièrement fixé notre attention. Pour en rendre l'interprétation plus claire, nous avons eu recours aux discussions mêmes des conseils provin ciaux et des chambres. Les rapports des députations permanentes sur la situation administrative des provinces, et le savant résumé de ces rapports, publié en 1841 par M. le ministre de l'intérieur (1), nous ont également été d'un grand secours.

(1) M. Liedts.

En outre, comme beaucoup de dispositions de la loi provinciale et de la constitution, de la loi électorale et de la loi communale, ont de l'analogie entre elles, nous avons cru faire une chose utile en mettant cette première loi en concordance avec les trois autres.

Enfin, dans le but d'aider davantage encore à l'intelligence de notre loi provinciale, nous avons, à l'imitation de ce que M. le comte Portalis a fait pour des travaux de même nature, inséré à la suite du présent ouvrage les lois françaises sur l'organisation et les attributions des conseils généraux des départements, et nous avons également mis notre pacte provincial en rapport avec ces deux lois. En terminant cet avant-propos, jetons un coup d'œil sur notre système d'ad ministration provinciale, et faisons ressortir les avantages qu'il présente sur ceux qui l'ont précédé.

L'origine de la province, comme celle de la commune, remonte à l'époque la plus reculée de l'histoire. Selon Tacite, les princes qui gouvernaient notre pays avant l'invasion de César dans les Gaules, étaient élus par la nation, et le même systéme descendant, jusqu'à un certain degré, l'échelle des magistratures, c'est l'élection qui désignait aussi les hommes chargés de l'administration supérieure. Sous la domination de Rome, la Belgique était divisée en provinces ; elle était gouvernée par un proconsul, qui résumait en lui tous les pouvoirs. Sous lui étaient institués des legati ou coadjutores, qui étaient envoyés dans les provinces. Ces gouverneurs n'étaient revêtus d'aucune puissance; leur mission se bornait à s'enquérir des besoins publics, à dénoncer les abus, à régulariser les affaires; ils devaient en référer au proconsul, qui prenait toutes les décisions. On conçoit combien peu de services les gouverneurs pouvaient rendre : étrangers aux provinces, ils n'étaient pas à même de connaître à fond leurs besoins et leurs ressources; ils servaient d'ailleurs toujours les vues ambitieuses du proconsul.

Cette organisation vicieuse, qui souleva de toutes parts des réclamations et qui amena même des réactions sanglantes, ne put se maintenir. Elle fut modifiée en ce sens que les coadjuteurs furent remplacés par un conseil établi près du proconsul et choisi parmi les Belges. Mais ce conseil, qui ne se composait également que de séides obéissants, laissa au proconsul toute sa puissance. Aussi l'institution ne tarda pas à se dépopulariser et on en revintau principe de l'élection populaire : le conseil du proconsul fut élu par l'évêque, le clergé, les magistrats et les notables. Cette organisation, plus libre et plus conforme au caractère national, dura jusqu'à la domination des Francs, pendant laquelle les provinces subirent le pouvoir absolu des comtes et des ducs. Le régime féodal, qui lui succéda, désorganisa la province comme la commune. Les seigneurs, maitres des fiefs, réunirent tous les pouvoirs; ils ravirent au peuple le droit d'élection.

Cependant les provinces belges secouèrent le joug aveugle de leurs seigneurs, se séparérent de la France et se contentèrent de reconnaître un suzerain. Pour la Flandre, ce fut le roi de France; pour les autres provinces, l'empereur d'Allemagne. Mais, Philippe-le-Bon étant parvenu à réunir toutes les provinces belges sous son sceptre, elles ne reconnurent plus de suzerain. Sous ce prince, les états des provinces étaient composés généralement de prélats, de nobles et de députés bourgeois; les pouvoirs de la noblesse étaient éminemment favorisés.

Philippe II vint détruire l'organisation nouvelle et sage commencée par Charles-Quint. Enfin, les effets du gouvernement des archiducs, déjà affaiblis par la guerre, furent encore une fois anéantis par les envahissements de Louis XIV (1). Le traité d'Utrecht vint toutefois assurer, peu de temps

(1) CH. FAIDER, Coup d'œil sur les institutions prov. et comm. de la Belgique. Brux, 1849, Berthot.

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après, à Charles VI, empereur d'Autriche, la possession de Pays-Bas espagnols. Sous le gouvernement autrichien, l'administration de la province était confiée à des fonctionnaires qui ne tenaient leur pouvoir que d'une naissance privilégiée, de l'exercice d'une charge ou de la possession de bénéfices donnant entrée aux Etats. Le peuple ne participait en rien à leur désignation, et n'exerçait aucune influence sur leurs actes.

Sous le régime français, le peuple fut appelé à concourir à l'élection des administrations départementales; mais aucune question d'intérêt provincial ne pouvait être décidée sans l'intervention ou l'approbation du gouvernement, qui destituait les fonctionnaires, cassait et annulait leurs actes, et faisait agir à son gré les administrations des départements.

Le gouvernement hollandais rendit une certaine indépendance aux provinces; le principe de l'élection reçut plus d'extension; mais les institutions provinciales de cette époque étaient encore pleines de restrictions et de réserves. L'ancienne distinction en trois ordres ayant été rétablie, le peuple ne concourait qu'indirectement à l'élection de la représentation provinciale. La sphère d'activité populaire était resserrée dans de telles limites, qu'elle ne pût contrarier en rien l'action du pouvoir central, et le peuple n'avait aucune garantie contre les entreprises du pouvoir royal.

La révolution de 1830 nous valut l'émancipation des provinces; le nouveau système d'administration provinciale a obvié aux inconvénients que présentaient ceux qui l'ont précédé. Les conseils provinciaux se composent de citoyens élus directement par le peuple, sans distinction d'ordre ni de classe; ils prononcent sur toutes les affaires d'intérêt provincial et ils nomment tous les employés de la province. Ces pouvoirs étendus, qui ne sont limités que par une sage intervention, limitée elle-même et réservée à l'autorité supérieure, ne sont plus une vaine déception, car les grands principes de l'élection directe, de la publicité des actes des conseils provinciaux et de leurs députations permanentes, consacrés par la constitution et respectés par la loi du 30 avril 1836, garantissent aux provinces la libre et paisible jouissance de leurs droits (1).

Les attributions des conseils provinciaux peuvent se diviser en trois catégories: tantôt, en effet, ils agissent comme délégués du pouvoir législatif; par exemple, lorsqu'ils font la répartition du contingent des contributions directes assigné aux provinces, et, dans ce cas, ils prononcent comme juges absolus. Tantôt, comme représentants légaux de la province, lorsqu'ils décident les questions d'intérêt provincial, et lorsqu'ils font connaître les besoins et les vœux de la province; ici, ils exercent un véritable pouvoir administratif. Enfin, ils agissent quelquefois comme corps consultants; par exemple, lorsqu'ils donnent leur avis sur les changements de circonscriptions territoriales ou sur le classement des routes provinciales et de l'Etat.

Ces attributions sont à peu près de même nature que celles des conseils communaux; elles peuvent être considérées comme le complément et la garantie des franchises communales.

Sous l'empire de l'ancienne loi fondamentale, il y avait corrélation entre les états généraux et les états provinciaux. Aujourd'hui nous avons des chambres législatives, et les conseils provinciaux sont dépouillés des attributions politiques qu'avaient les anciens états. Resserré ainsi dans des limites qui excluent à la fois la politique, la police et l'armée, ces chancres qui dévorent les finances des nations, le pouvoir provincial peut seul disposer de ses ressources et de ses

(1) Répertoire administratif du Hainaut, p. LXXVI. Mons, 1859, Leroux.

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