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de Porphyre sont pleins de témoignages formels sur cet usage commun à toutes les colonies phéniciennes: je produis le témoignage de ces trois auteurs, parce qu'ils ont été tous trois de religions différentes.

Carthage, colonie phénicienne, avait adopté le même usage, qu'elle conserva long-temps. Platon, Sophocle et Diodore de Sicile ne permettent pas d'en douter. Plutarque assure (1) que ceux qui n'avaient point d'enfans à immoler, en achetaient des pauvres: qu'alors les mères étaient obligées de les présenter elles-mêmes, et d'assister au sacrifice avec un visage serein: le moindre gémissement de leur part, sans sauver la victime, leur aurait fait perdre le prix qu'elles avaient reçu. Gélon de Syracuse, après la défaite des Carthaginois en Sicile, ne leur accorda la paix qu'à condition qu'ils renonceraient à ces sacrifices odieux. Mais cet article du traité ne pouvait regarder que les Carthaginois établis dans l'île, et maî

aut populorum, filium maximè dilectum pro calamitate publicá in jugulationem darent, pro solutionis pretio, ultoribus et vindicibus diis; qui sic devoti sunt, ceremoniá mysticâ jugulantur. (Philo, de Phenic., Hist., 1. 1, apud Euseb., de præpar., Evang., l. 4, c. 16.) Ces mots, pro solutionis pretio, ultoribus et vindicibus diis, présentent expressément la doctrine des Celtes: Pro vitâ hominis nisi vita hominis reddatur, non posse aliter deorum..... numen placari. On a vu dans le passage de Varron déjà cité, que ce savant homme attribuait sur ce point le même principe aux Gaulois et aux Carthaginois. (1) De Superstit., vers. fin.

tres de la partie occidentale du pays; car les sacrifices humains subsistaient toujours à Carthage. Comme ils faisaient partie de la religion phénicienne, les lois romaines, qui les proscrivirent long-temps après, ne purent les abolir entièrement. En vain Tibère fit périr dans les supplices les ministres inhumains de ces barbares cérémonies, Saturne continua d'avoir des adorateurs en Afrique; et tant qu'il en eut, le sang des hommes coula secrètement sur ses autels (1).

Enfin les témoignages positifs de César, de Pline, de Tacite et de plusieurs autres écrivains, ne laissent aucun doute que les Germains et les Gaulois n'aient immolé des victimes humaines, non seulement dans des sacrifices publics, mais encore dans ceux qui s'offraient pour la guérison des particuliers. C'est inutilement que nous voudrions laver nos ancêtres d'un crime dont trop de monumens s'accordent à les charger. Les dévouemens usités chez les Gaulois, et dont l'histoire des Romains et des autres nations fournit aussi des exemples, suffiraient seuls pour nous autoriser à conclure, par une induction raisonnable, que les sacrifices humains n'étaient point inconnus dans l'antiquité, quand le fait ne serait pas démontré des preuves formelles.

par

(1) Scytharum Dianam, aut Gallorum Mercurium, aut Afrorum Saturnum hominum victima placari apud sæculum licuit. Et latio in hodiernum Jovi media in urbe humanus sanguis ingustatur. (Tert., Scorp., advers., Gnost.) Sed et nunc in occulto perseverat hoc sacrum facinus. (Tert., Apolog., c. 9.)

Au reste, cette coutume, quelque révoltante qu'elle soit, ne doit pas plus nous étonner de la part des anciens, que de la part des peuples du Mexique, où les Espagnols la trouvèrent établie depuis long-temps. L'Europe eut autrefois ses Lestrigons, comme l'Amérique a ses antropophages. Au surplus, est-il plus barbare de sacrifier des hommes à la Divinité, que de les égorger, parce qu'ils ont des principes de religion contraires aux véritables, ou à d'autres qu'on veut leur faire adopter?...... Il me vient une pensée que je n'ose presque pas exprimer. Tout le monde sait ces vers de Boileau (1):

De Paris au Pérou, du Pérou jusqu'à Rome,
Le plus sot animal, à mon avis, c'est l'homme.

Que d'obstacles la foi et la morale d'un Dieu crucifié durent-elles trouver parmi un peuple qui avait ajouté à ses anciennes superstitions les dieux et les vices des Grecs et des Romains! Les passions des hommes prirent la défense des divinités qu'elles avaient érigées. Le faux zèle des prêtres druides, l'ignorance et la superstition des peuples, la cruauté des tyrans, tout s'arma contre les premiers prédicateurs de la foi. On fit couler de toutes parts des fleuves de sang; et les moyens mêmes qu'on employait pour détruire la religion de Jésus Christ, la firent enfin

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(1) Sat. 8, vers 3 et 4.

triompher des absurdités du paganisme. Dieu le permit ainsi, pour montrer que l'établissement du christianisme ne pouvait être que l'ouvrage de sa sagesse et de sa toute-puissance.

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A QUELLE époque le christianisme a-t-il été apporté dans les Gaules; ou, en d'autres termes, dans quel temps ont eu lieu les premières missions et l'établissement des plus anciennes églises de France? La religion chrétienne a-t-elle été florissante en Occident, immédiatement après les premières missions apostoliques; ou bien n'a-t-elle commencé à se propager et prendre racine dans toute l'étendue des Gaules qu'à une époque plus ou moins éloignée de la prédication primitive?

Ces questions ont long-temps occupé les théologiens et les critiques. Outre les difficultés propres à l'appréciation d'un état de choses qui se perd dans l'obscurité des premiers siècles chrétiens, la diversité des affections et des intérêts religieux n'a pas peu contribué à diviser les opinions sur cette matière.

Mezerai, dans son avant-Clovis, fait à ce sujet des

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