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on ne manque pas de preuves positives pour établir

cette vérité.

Saint Epiphane assure que saint Luc et quelques autres disciples de saint Paul ont prêché la foi dans la Gaule. « Le ministère de la divine parole, dit ce « saint docteur (1), ayant été confié à saint Luc, il « l'exerça en passant dans la Dalmatie, dans la Gaule, « dans l'Italie et dans la Macédoine, mais particuliè«<rement dans la Gaule, ainsi que saint Paul l'assure « dans ses épîtres de quelques-uns de ses disciples. «< Crescent, dit-il, est en Gaule. Car, ajoute saint « Epiphane, il ne faut pas lire en Galatie, comme

quelques-uns l'ont cru faussement, mais en Gaule. » Il ne s'agit pas de savoir si ce saint docteur a raison de lire, dans le texte de saint Paul, en Gaule, au lieu d'en Galatie; il nous suffit qu'il ait cru qu'on devait lire de la sorte, pour être en droit d'en conclure qu'il passait alors pour constant que saint Crescent avait prêché la foi dans la Gaule.

Ce sentiment était si bien établi dans l'Orient, que Théodoret, qui lit dans la Galatie, ne laisse pas d'entendre la Gaule, parce qu'en effet les Grecs donnaient ce nom à la Gaule; et les Galates n'avaient été ainsi nommés, qu'à cause qu'ils étaient une colonie de Gaulois. La tradition de l'église de Vienne confirme cette opinion: elle a cru, de temps immémorial, cette église, que saint Crescent, son premier évêque, fut disciple de saint Paul; et presque tous les

(1) Epiphan. hæresi, 51. Edit. Petav., p. 433.

martyrologes lui donnent cette qualité. Il peut paraître étonnant que le Père Petau (1) prétende que la Gaule, qui fut, selon saint Epiphane, la mission de saint Luc, était la Gaule cisalpine. Il n'y avait plus de province ainsi nommée, du temps de ce saint docteur ; et quand même le nom de cette province aurait subsisté, il est manifeste que, dès qu'on nomme simplement la Gaule, on doit entendre la Gaule proprement dite. On voit d'ailleurs, par le texte de saint Epiphane, que la Gaule où a prêché saint Luc est celle où a prêché saint Crescent, que l'église de Vienne reconnaît pour son fondateur. Nous croyons devoir nous rendre à l'autorité de saint Epiphane; il siérait mal à des écrivains français de combattre ce que des auteurs grecs, des saints Pères, respectables par leur antiquité et leur érudition, ont avancé de glorieux à l'Eglise gallicane.

Il ne nous paraît pas moins certain que saint Trophime fut envoyé dans les Gaules par saint Pierre, et y fonda l'église d'Arles, qui fut, à ce qu'on croit, la première église des Gaules. Nous avons pour garant de ce fait une tradition si ancienne et si universellement reçue, qu'on ne pourrait la contredire sans témérité : c'est sur ce principe que le pape saint Zozime fonde les priviléges qu'il accorde à l'église d'Arles; c'est le motif de la requête que les évêques de la province d'Arles présentèrent à saint Léon, pour le supplier de rendre à cette métropole les priviléges qu'il lui avait ôtés. «< Toute la Gaule sait, disent-ils, et la

(1) In notis ad Epiphan.

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sainte Eglise romaine ne l'ignore pas, qu'Arles, la « première ville des Gaules, a mérité de recevoir de << saint Pierre saint Trophime pour évêque, et que «< c'est de cette ville que le don de la foi s'est com« muniqué aux autres provinces des Gaules (1). » Si saint Trophime d'Arles n'avait reçu sa mission qu'au milieu du troisième siècle, comme on le prétend, aurait-on pu ignorer ce fait à Rome et dans la Gaule vers le milieu du cinquième siècle, ou ces évêques auraient-ils pu s'exprimer comme ils font? Peut-on supposer qu'ils ignorassent à Lyon et à Vienne, dès le second siècle, une chrétienté nombreuse qui avait donné à l'Eglise de si illustres martyrs? Ainsi, en soutenant que l'église d'Arles est plus ancienne, ils prétendent qu'elle a été fondée dès le premier siècle.

C'est donc en vain que, pour éluder cette autorité, quelques critiques répondent que ces évêques, en disant que saint Trophime a été envoyé par saint Pierre, entendent seulement qu'il a été envoyé par le saint Siége. Je sais que saint Pierre, selon l'expression de saint Pierre Chrysologue, vivant et présidant toujours dans son siége, les envoyés du saint Siége sont quelquefois appelés les envoyés de saint Pierre: l'histoire nous en fournira plus d'un exemple; mais cette réponse ne peut avoir ici aucun lieu. Les évêques de la province d'Arles voulaient montrer l'antiquité de leur métropole : l'auraient-ils fait, s'ils avaient seu

(1) Preces episcop. Provincia Erelatens. T. 1, Concil. gall., p. 89.

lement prétendu dire que le premier évêque de cette église avait été envoyé par le saint Siége?

par

Mais il y a peut-être quelque chose de plus glorieux encore à l'Eglise gallicane: on peut dire, avec assez de vraisemblance, que saint Paul en jeta lui-même les premiers fondemens. En effet, quand il écrivit sa lettre aux Romains, il avait dessein, comme il le marque, de passer de Rome en Espagne (1). Plusieurs saints Pères, comme saint Epiphane, saint Chrysostôme, saint Jérôme et Théodoret, veulent qu'il ait exécuté ce projet quand il fut élargi de sa première prison de Rome. Or, s'il alla de Rome en Espagne, il est vraisemblable qu'il y alla le grand chemin qui conduisait d'Italie en Espagne, c'est-àdire par la Gaule; et comme les voyages de saint Paul étaient autant de missions, on ne peut croire qu'il ait manqué d'annoncer la foi aux Gaulois. Une ancienne inscription trouvée en Espagne, nous apprend que le christianisme y avait pénétré dès le temps de Néron; elle était conçue en ces termes : A Néron, césar auguste, pour avoir purgé la province de brigands, et de ceux qui enseignaient aux hommes une nouvelle superstition. Mais si la foi avait dès lors pénétré en Espagne, comment aurait-elle été inconnue dans les Gaules, plus voisines de l'Italie ?

Supposons cependant, si l'on veut, que tous ces faits sont incertains; voici des preuves plus solides de la vérité que j'ai avancée, et qu'on ne pourrait com

(1) Rom. 15, 25, 28.

battre sans démentir les auteurs les plus anciens et les plus respectables:

Saint Irénée, qui florissait au second siècle de l'Eglise, et qui écrivait dans le sein de la Gaule, nous assure que, de son temps, il y avait plusieurs Eglises établies parmi les Celtes et dans les Germanies, c'està-dire dans les deux provinces de la Gaule belgique, nommées la première et la seconde Germanie; car on sait que la foi ne pénétra que long-temps après dans la Germanie d'au-delà du Rhin. « Ces peuples, <«< dit ce saint docteur (1), qui parlent tant de lan«gues différentes, tiennent sur la foi le même lan«gage. Les Eglises qui sont dans les Germanies, dans «l'Espagne, parmi les Celtes, dans l'Orient, dans « l'Egypte et la Libye, ont toutes la même croyance <<< et la même tradition. »

Tertullien, qui écrivait peu de temps après, ne craint pas de dire que toutes les Espagnes, les diverses nations des Gaules, et les endroits des îles britanniques inaccessibles aux Romains, étaient soumis à Jésus-Christ (2). Ces diverses nations des Gaules étaient sans doute les Aquitains, les Celtes et les Belges : il y avait donc déjà des Eglises dans toutes ces provinces. Lactance s'exprime encore d'une manière plus forte; il dit qu'après la mort de Domitien, arrivée dans le premier siècle, l'Eglise s'étendit de l'O

(1) Iren., adver. hæres., . 1, c. 5. (2) Tertul., adv. Judæos, c. 7.

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