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elles avaient été en petit nombre et obscures. Quant à la Grande-Bretagne, saint Gildas, surnommé le sage, Breton de naissance, qui a vécu dans le sixième siècle, dit clairement que les Bretons reçurent la foi de Jésus-Christ dès les premiers commencemens de la prédication de l'Evangile. Il ajoute que, quoique les Bretons l'eussent reçue avec tiédeur, elle y persévéra néanmoins jusqu'à la persécution de Dioclétien, toute entière dans les uns et peu altérée dans les autres. Tertullien confirme ce que dit Gildas, et les églises de ce pays étaient florissantes au moment où Constantin fut proclamé empereur à York, en 306.

Il est inutile que nous suivions l'auteur dans l'article où il s'attache à démontrer l'antiquité des églises d'Afrique, qui étaient, selon lui, très-florissantes dès le second siècle; ni celle des églises de la GrandeArménie et de l'empire des Perses.

Dans sa quatrième partie, l'auteur s'attache à répondre aux raisons de ses adversaires. Il examine les autorités sur lesquelles ils établissent leurs opinions. Le premier et le plus ancien est Sulpice Sévère, qui écrivit sa Chronique après l'an 400. Dans cet ouvrage il dit : « La persécution recommença ensuite sous « Aurèle, fils d'Antonin, et ce fut alors que l'on vit << pour la première fois des martyrs dans les Gaules, <«< la religion de Dieu ayant été reçue plus tard au<< delà des Alpes. » Il est évident, continue l'auteur de la Dissertation, que Sulpice Sévère assure seulement un fait dont il a prétendu donner la raison; mais cette raison est trop vague et trop générale pour

prouver quelque chose, et il est clair qu'elle a beaucoup moins de certitude que le fait 1° parce que l'établissement de la religion s'est fait quelquefois sans éclat, et d'une manière presque insensible, ce qui, en effet, est arrivé dans les Gaules; 2° parce que Sulpice Sévère ne nous apprend point en quel temps la religion a été reçue au-delà des Alpes, ce qui prouve qu'il ne l'a pas su, sans quoi il n'aurait pas supprimé une chose si essentielle à son dessein. En attendant, le point important est de savoir le vrai sens de cet historien, et quelle étendue l'on doit donner à ce mot plus tard (seriùs); car comme il compare la Gaule avec l'Italie, qui a reçu la religion par le ministère des apôtres mêmes, qu'il écrit que la foi avait fait de grands progrès à Rome, dès le temps de Néron, et qu'il n'y a point de nécessité de le faire combattre l'autorité des anciens, on peut juger fort raisonnablement qu'il a cru et qu'il a voulu dire seulement que la religion a été reçue dans nos provinces après la mort des apôtres, par la prédication de leurs disciples, quarante ou cinquante ans après le premier voyage de saint Pierre à Rome.

La seconde autorité est l'Histoire du martyre de saint Saturnin, évêque de Toulouse, écrite, selon toute apparence, dans le sixième siècle. L'auteur de cette histoire ne dit point que la religion ait été reçue tard dans les Gaules, mais que ses progrès ont été lents ou tardifs, ce qui est bien différent, et ne regarde point la question; car il s'agit de décider en quel temps la foi a été reçue dans les Gaules, et non

comment elle y a été reçue. Il dit encore qu'il y avait peu d'églises et peu de chrétiens dans les Gaules, avant Dèce; mais puisqu'il y avait déjà des temples élevés à la gloire de Jésus-Christ dans nos provinces, il fallait que ces chrétiens fussent assez nombreux.

La réfutation de la troisième autorité, qui est celle d'une lettre écrite en 567 à sainte Radegonde, par sept évêques de France qui venaient de célébrer un concile à Tours, est peu importante.

La quatrième est celle de Grégoire de Tours. Cet auteur dit que l'on ordonna sept évêques, qui furent envoyés en Gaule pour y prêcher, mais il ne nous apprend point qui est celui qui les ordonna et qui les envoya. Il donne pour témoin de cette ordination et de cette mission, l'historien de la Passion de saint Saturnin, qui n'en parle point, et qui fait seulement mention de l'épiscopat de saint Saturnin, qu'il fixe à l'an 250. On peut donc renverser ce que dit saint Grégoire de Tours de la mission des sept évêques, par cet argument: un auteur trop éloigné du temps dont il parle, qui cite faussement un témoin plus ancien, y ajoute plusieurs fables, et ne s'accorde pas avec lui-même, n'est pas un témoignage auquel on puisse avoir égard. On doit d'ailleurs considérer que si l'on excepte les actes de saint Saturnin, que saint Grégoire cite à faux et sans raison, il n'a eu aucun monument sur lequel il ait fondé ce qu'il dit de la mission des sept évêques venus dans les Gaules sous Dèce car s'il avait eu quelque écrit sur ce sujet, ç'aurait été particulièrement pour son église de Tours

et saint Gatien, le premier de ses prédécesseurs. Or, il est certain qu'il n'a rien trouvé dans les archives de Tours touchant saint Gatien, car il reconnaît positivement qu'il n'a appris que par le bruit commun (famá ferente) que ce saint avait été envoyé à Tours par les évêques de Rome, tandis qu'il est certain que saint Gatien n'a pu avoir été envoyé que par un

seul évêque.

Un long article de notre auteur répond ensuite à ce que M. de Tillemont allègue pour soutenir son opinion. Ce n'est en général qu'une répétition plus étendue de ce qu'on a lu plus haut. Nous arrivons enfin à la cinquième partie, qui contient les principales preuves de l'antiquité des églises des Gaules.

Il est certain, dit d'abord l'auteur, que la foi fit de grands progrès avant la ruine de Jérusalem. Notre Seigneur avait annoncé que cela aurait lieu, tandis qu'Eusèbe, saint Hilaire, saint Chrysostôme, Théophilacte, Eutime, quelques autres Pères, et plusieurs grands interprètes de ces derniers temps, Maldonat, Grotius et d'autres, croient qu'en effet, avant cet évènement, qui arriva l'an 70, la foi et l'Evangile de Jésus-Christ avaient été annoncés aux Juifs, à tous les peuples de l'empire romain, et aux Barbares qui étaient connus. L'auteur cite le passage de Grotius qui s'y rapporte.

Entrant ensuite dans de plus grands détails, il prouve que la foi était répandue dans tout l'empire romain avant Dèce. Il cite Lactance et Eusèbe. Il

soutient que saint Leu a prêché dans les Gaules, sur

le témoignage de saint Epiphane, qui écrit que saint Luc, après la mort de saint Paul, reçut la commission de prêcher l'Evangile ; qu'il le prêcha premièrement dans la Dalmatie, dans les Gaules, dans l'Italie et dans la Macédoine, mais principalement dans les Gaules, selon la traduction du Père Petau, ou selon Comarius, mais il commença par les Gaules. Suit une réfutation des argumens par lesquels M. de Tillemont a cherché à infirmer le témoignage de ce

saint.

Les raisons sur lesquelles l'auteur s'appuie pour soutenir que saint Crescent a été envoyé dans les Gaules par saint Paul, sont fort ingénieuses. Dans la deuxième épître de saint Paul à Timothée, cet apôtre dit : «‹ Car« demas m'a abandonné, s'étant laissé emporter à l'a<< mour du siècle, et il s'en est allé à Thessalonique, « Crescent en Galatie (els Faλaria), Tite en Dalma« tie, etc. » L'auteur observe d'abord que quelques auteurs ont lu dans saint Paul is radλav. Il dit ensuite que l'opinion était généralement répandue, dans la primitive Eglise, que Crescent était venu dans les Gaules; puis il remarque que le nom de Galatie s'appliquant d'ailleurs également en grec à la province que nous appelons ainsi, et à la Gaule, il s'agit seulement de savoir de laquelle des deux, l'apôtre voulait parler; or, il écrivait à Timothée, pour lors en Asie: il est donc plus probable qu'il lui rendait compte de ce qui se passait en Europe. Aussi la Galatie est-elle placée, dans ce passage, entre Thessalonique et la Dalmatie, situées l'une et l'autre en Europe: pour

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