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quoi s'imaginer que saint Paul ait voulu parler de la Galatie asiatique? Quant à l'argument que M. de Tillemont déduit de ce qu'il ne reste aucun souvenir en France de la prédication de saint Crescent, il s'applique de même à la Galatie, qui n'en conserve pas davantage.

Le témoignage de Bardesane sert à l'auteur pour établir que la religion chrétienne était florissante dans les Gaules sous Marc-Aurèle. On a vu plus haut l'argument qu'il tire de saint Irénée pour l'antiquité des églises de Germanie. Ce saint ayant aussi parlé, dans le même passage, de celles des Gaules, l'auteur revient au moyen qu'il a déjà employé pour démontrer l'étendue de la religion chrétienne dans ces provinces à l'époque de saint Irénée.

L'existence seule des hérétiques marcoriens, dans les provinces du Rhône, fournit à l'auteur une preuve de plus à l'appui de son sentiment; car, dit-il, les hérétiques ne s'établissaient que sur les ruines de l'Eglise donc l'Eglise était répandue dans les provinces où il y avait des marconiens.

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Un long article est consacré à prouver que saint Irénée n'a pas été seul évêque dans les Gaules; le principal argument est tiré d'Eusèbe, qui dit qu'un concile a été assemblé dans les Gaules, auquel saint Irénée a présidé : or, pour qu'il y eût un concile, il devait y avoir des évêques.

L'extinction de la foi dans les Gaules est un paradoxe contraire à tous les monumens du troisième siècle, et à Tertullien, observe ensuite l'auteur de la

Dissertation. Si cette extinction était arrivée, serait-il possible que personne n'en eût jamais eu aucune connaissance, ni Origène, ni Eusèbe, ni Sulpice Sévère, ni aucun auteur ecclésiastique ou profane? car il ne s'en trouve ni trace ni vestige. Sulpice Sévère, auteur gaulois, fait mention de la persécution que l'empereur Sévère excita contre les chrétiens, et il ne dit point que cette persécution se soit étendue jusqu'aux Gaules. Ce que Tertullien dit de l'étendue de la religion dans les Gaules, ne permet pas non plus de croire qu'elle ait pu y être éteinte par la persécution de Sévère. Si l'exercice de la religion avait cessé en quelque endroit, ce devait être à Lyon, lorsque saint Irénée souffrit la mort : or, elle n'y avait point cessé; et lorsqu'on envoya sept évêques dans les Gaules pour y rallumer le flambeau de la foi, on aurait plutôt songé à rétablir l'Eglise de Lyon qu'à en fonder de nouvelles. On ne voit pourtant pas qu'aucun évêque ait été destiné pour Lyon; au contraire, on y trouve Faustin qui gouvernait cette Eglise l'an 253. Il existe d'ailleurs des preuves que la religion subsista au milieu des persécutions de Sévère; car on assure que saint Andéol, sous-diacre, fut martyrisé à Viviers cinq ou six ans après saint Irénée. Saint Féréol, prêtre, et saint Férution, diacre, disciples de saint Irénée, endurèrent le martyre à Besançon, l'an 211. Enfin, on prétend que la même année saint Félix, saint Fortunat et saint Achillée souffrirent pour Jésus-Christ à Valence.

Nous ne suivrons point l'auteur dans l'article où il

établit l'ancienneté de l'Eglise d'Arles et de son évêque, saint Trophime. Il se fonde particulièrement sur l'autorité de saint Cyprien, que quelques critiques ont voulu récuser en déclarant fausse sa lettre à Etienne; mais les hommes les plus savans sont aujourd'hui d'accord pour reconnaître la vérité de cette lettre, que M. de Tillemont ne conteste point. Dans l'article suivant, il donne la lettre de saint Cyprien tout entière; il l'analyse et la discute en détail. Enfin, il termine sa Dissertation par faire connaître l'état où se trouvait l'Eglise des Gaules, à la fin du troisième siècle et au commencement du quatrième, état qui prouve clairement qu'elle y était fort ancienne, et qu'elle n'y avait pas été rétablie sous Dèce. Il déduit l'état florissant de l'Eglise des Gaules, de ce qui arriva pendant l'affaire des donatistes, en 313, quand les Africains demandèrent à être jugés par des Gaulois. Constantin indiqua un concile à Arles, où assistèrent seize évêques des Gaules. Pour que les peuples de l'Afrique se soumissent au jugement des chrétiens de la Gaule, il fallait que le christianisme Ꭹ eût fait déjà des progrès considérables, et beaucoup plus grands qu'on ne pourrait le croire possible, si les premiers évêques n'avaient été établis que soixante ans aupa

ravant.

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PEPIN, pour engager les évêques à le soutenir dans son usurpation, les appela aux assemblées de la nation, où ils n'étaient point entrés jusqu'alors, et leur accorda le premier rang dans l'Etat. Ainsi pensent quelques personnes à qui nous ne voulons pas supposer de mauvaises vues, mais à qui nous ne pouvons nous empêcher de désirer plus de lumières. Leur sentiment est également dépourvu de vraisemblance et de vérité. Un usurpateur ne cherchant qu'à cacher au peuple le changement qu'il fait dans la monarchie, conserve toujours l'ancienne forme du gouvernement. Il évite avec soin de mécontenter ses nouveaux sujets, surtout ceux auxquels il est redevable de sa couronne. Est-il donc croyable que Pepin, aussi adroit politique que grand capitaine, ait voulu, en montant sur le trône, changer la constitution du royaume? Se

(1) Extrait de la Mythologie française. (Recueil de Dissert. de Bullet.) (Edit. C. L.)

persuadera-t-on qu'il ait voulu offenser les seigneurs de qui seuls il aurait reçu le sceptre, en plaçant au premier rang les évêques, qui jusque-là n'auraient formé aucun ordre dans l'Etat, et en leur donnant la principale part dans l'administration publique, à laquelle ils n'auraient point encore été appelés? Non, sûrement. Sous un usurpateur aussi habile qu'était ce prince, le gouvernement présent est toujours une image fidèle de celui qui a précédé : Arcanum novi status imago antiqui. Ainsi, dès que nous voyons sous son règne les évêques former le premier ordre de la monarchie, occuper le premier rang dans les assemblées de la nation, concluons-en, sans craindre de nous tromper, que telle avait toujours été la constitution de l'Etat depuis la conversion de Clovis.

Mais nous n'en sommes pas réduits aux conjectures et aux vraisemblances, pour établir la prééminence du clergé sur les autres ordres du royaume. Nos anciens monumens nous fournissent, sur ce sujet, la preuve la plus littérale et la plus complète.

L'année même que Clovis reçut le baptême, il donna une preuve éclatante de sa religion et de sa piété, en accordant sa protection et en assignant des revenus considérables au célèbre monastère de Reomans, aujourd'hui Monstier-Saint-Jean, par un acte qu'il adresse aux évêques et abbés, aux hommes illustres les magnifiques ducs, comtes, domestiques, vicaires, grafions ou juges, centeniers Omnibus episcopis, abbatibus et illustribus viris, magnificis ducibus, comitibus, domesticis, vicariis, grafioni

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