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chez saint Ageric, évêque de cette ville. Ce saint prélat n'avait qu'un peu de vin dans un petit vase; mais Dieu exauçant les prières de son serviteur, le multiplia tellement, que le roi et les gens de sa suite en burent à leur volonté, et qu'après le repas il resta plus de vin dans le vase qu'il n'y en avait eu au commencement. Le roi fut extrêmement frappé de ce miracle, et ayant appris que l'église de Verdun n'avait point de vignes, il lui en donna. Il ne borna pas sa libéralité à ce don, il y ajouta les villages de Luce, Bage, Marcey, Sampigny, Commenières, Marchainville, Harville, Charny, Neuville, et plusieurs autres dont il serait fatiguant de faire le dénombrement. Ce sont les paroles de l'ancien auteur que nous transcrivons (1). Voilà quelle était la magnificence et la pieuse prodigalité des rois Mérovingiens envers les églises.

(1) Rex prælibatus, cùm per Virdunum iter habuisset, et prædictus sanctus Antistes, nonnisi parum vini in uno vasculo habuisset, et omnipotens Dominus ipsius meritis sic illud dilatasset, ut rex cum suis omnibus de ipso omnem sufficientiam habuisset, plus inveniretur vini in ipso vasculo in fine quàm in initio; rex tanto perterritus miraculo, audivit quod ista ecclesia non habuisset locum undè colligeret vinum; idcircò ergo dedit isti ecclesiæ duos amandos (sic) super Mosellam et Modinum et quidquid intrà Luceium et Bavam est, et omne quod subtùs Treviris habemus. Addidit etiam Marceium et Sampiniacum, et Commenias et Mercast villam et Hairici villam et contiguas villas isti civitati, Carmacum et Novamvillam, multaque aliu, loco, quæ sunt oneri hìc enumerare.

J'ai dit des rois Mérovingiens, car la libéralité envers les églises ne fut point la dévotion particulière de quelques-uns de ces princes. Tous, sans en excepter aucun, pas même Chilpéric (1), qui portait tant d'envie aux richesses du clergé, tous ont donné, par des actes solennels, des terres de leur fisc à quelqu'église. On verra ces diplômes dans le tome quatrième du Recueil des hist. des Gaules et de la France.

S. Bertichram ou Bertram donne par son testament à son église du Mans, dix-huit villages et plusieurs autres fonds. Il donne par le même acte à l'église Saint Pierre et Saint Paul, qu'il avait bâtie, vingt-six villages et plusieurs autres fonds.

S. Didier, évêque de Cahors, qui vivait vers le milieu du septième siècle, bâtit deux grandes maisons dans cette ville. Il rebâtit son église épiscopale dès les fondemens, en grandes pierres carrées et polies, dans le goût des Romains. Il fit construire à Cahors deux autres églises, qu'il dota. Il bâtit un si grand nombre d'églises dans le territoire de Cahors et dans la ville d'Alby, que l'auteur de sa vie dit qu'il ne peut suffire à les désigner en détail. Il fonda deux monastères. Il releva les murs de Cahors, et bâtit près de cette ville un château-fort si considérable par son

(1) On lit dans un ancien cartulaire de l'église de Tournai: Quinto Calend. April. obitus gloriosi regis Francorum Chilperici, qui hanc ecclesiam ita larga Christi caritate dotavit, etc. << Le cinq des calendes d'avril, la mort du glorieux roi des Français Chilpéric, qui a si libéralement doté cette église.»>

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étendue, qu'il renfermait des maisons et des églises. Il fit construire un pont sur le Lot. L'auteur de sa vie remarque que par les grandes dépenses qu'il fit en tant de bâtimens, il ne diminua en rien les biens de son église, mais qu'il les laissa en leur entier : De pristino ecclesiæ præsidio nihil minuit, sed totum integrum illibatumque reliquit. Ce saint donna en mourant tous ses biens et toutes ses terres à son église de Cahors.

Sur quoi je fais cette observation : si saint Didier a fait de si grandes dépenses avec les revenus de son église, elle était donc alors excessivement riche; s'il les a faites avec ses revenus patrimoniaux, son église aura été excessivement riche après sa mort, puisqu'il la fit héritière de tous ses biens.

J'ai laissé l'église de Besançon pour former le dernier trait du tableau que je trace des richesses du clergé sous nos premiers rois. Je ne sais s'il en est quelqu'une dans le royaume qui ait possédé un plus grand nombre de domaines distingués.

Personne n'ignore que les terres tenues en fief ont été originairement propres à ceux qui les ont données en vasselage; ainsi on peut connaître par les hommages des feudataires, les domaines dont jouissait anciennement le seigneur. C'est par cette voie que je vais indiles grandes terres qu'a possédées l'archevêque de Besançon.

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J'ai un cartulaire du quatorzième siècle dans lequel se trouve la pièce latine que je vais traduire. Elle a pour titre :

1. 10 LIV.

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Voici les hommages du seigneur archevêque
de Besançon.

Le comte de Bourgogne est homme de l'archevêque de Besançon, et tient de lui Vesoul et Gray, et le val de Quingey, et le val de Liele, et la garde de l'abbaye de Baume, de Château-Châlon, le puits de Lons-le-Saulnier; c'est le puits des salines de cette ville.

Le seigneur de Salins est homme de l'archevêque, et tient de lui les gistes de Varach, et ce qu'il possède à la Chapelle.

Le seigneur de Faucogney est homme de l'archevêque, et tient de lui le village de Saz.

Le seigneur de Montfaucon est homme de l'archevêque, et tient de lui Montfaucon, Vercel, Tise, Chaleseule, Arcier, Chalese, Vaites, Gonsans, Goux, Chevigney, Pierrefontaine, et tout ce qu'il possède dans la contrée de Varesco.

Le seigneur de Roche est homme-lige de l'archevêque, et tient de lui les villages de Reugney et de Delu.

Le vicomte de Besançon est homme-lige de l'archevêque, et tient de lui sa vicomté.

Le maire de Besançon est homme-lige de l'archevêque, et tient de lui la mairie et la monnaie.

Le seigneur de Pesmes est homme-lige de l'archevêque, et tient de lui ce qu'il possède à Besançon et dans le territoire de cette ville.

Le seigneur de Mont-Ferrand est homme-lige.

Le seigneur de Ceys est homme de l'archevêque.

Le seigneur de Durnes est notre homme, et tient de nous Etrabonne.

Le seigneur de Montbeliard est notre homme, et tient de nous tout ce qu'il possède à Longueville.

Le seigneur de Saint-Seine est notre homme, et tient de nous sa maison forte de Villefrancon, avec le bois près de la maison.

J'omets un grand nombre d'autres mouvances moins considérables qui sont désignées dans cette pièce; mais je ne peux me dispenser d'en rapporter quelques autres de la plus grande conséquence, insérées par M. Dunod dans son Histoire de l'Eglise de Besançon.

Jean, évêque de Lausane, déclara, par acte daté du jour de S. Barnabé 1246, qu'Humbert, seigneur de Cossonai, son frère, tenait en fief de l'archevêque de Besançon, la ville de Nion, au pays de Vaud, et depuis la fontaine du milieu du Chêne jusqu'à la Maladerie. Plus le lac dit de Genève, depuis le rivage du côté de Nion jusqu'au milieu dudit lac, avec le péage et le droit de pêche trois jours par semaine, et les dîmes depuis le canal de Brussin jusqu'à la pierre de Motai. Enfin, que ledit Humbert était lige de l'archevêque de Besançon pour ce qu'il tenait depuis le rivage de Nion jusqu'au mont Jura, et même au-delà, sauf la feauté due au seigneur de Gex et au comte de Genève, pour ce qui est depuis le Naux de Prangin jusqu'à la fontaine de Balon.

Philippe, comte de Savoie, fit hommage des châteaux et ville de Nion, et de leurs dépendances, en 1272; reconnut que ce fief ne pouvait être aliéné, et

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