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importantes. Or, le plus sûr est ce qui nous éloigne le plus de la doctrine des hérétiques; comme si en fuyant un excès on ne pouvait pas tomber dans l'autre. La vraie piété est fondée sur la vraie créance; et le plus sûr en matière de religion, est ce qui a toujours été cru par toute l'Eglise. On doit bien plutôt se faire conscience de mépriser les conciles et l'autorité de l'Eglise universelle, que tout le monde reconnaît pour infaillible, que de ne pas attribuer aux papes tout ce que les flatteurs lui donnent depuis deux-cents ans. La flatterie et la complaisance servile sont des vices odieux; la liberté et le courage à soutenir la vérité sont des vertus chrétiennes qui font partie de la piété. C'est pour obvier à ces nouveautés que le clergé, assemblé à Paris le 19 mars 1682, fit sa déclaration contenue en ces quatre articles (1):

(1) On avait mis en question si Bossuet était véritablement l'auteur de la Défense de cette déclaration, imprimée en deux volumes in-4° : les observations suivantes ne permettent pas d'en douter:

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<«< Sous le pontificat de Clément XII, la publication de l'ouvrage latin de M. Bossuet fit une vive sensation en <«< Italie. Les plus habiles théologiens ultramontains ne pu<< rent s'empêcher de reconnaître que l'auteur appuyait sur << des preuves démonstratives le sentiment de l'école de Paris, et on en trouve l'aveu dans un ouvrage du cardinal « Orsi : mais ceux qui, dominés par la force du préjugé, se faisaient un point d'honneur de ne pas se rendre à l'évidence, prirent le parti de solliciter auprès du pape la pros«< cription d'un livre auquel ils ne pouvaient répliquer. Ils

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I. La puissance que Dieu a donnée à saint Pierre et à ses successeurs, vicaires de J.-C., et à l'Eglise même, n'est que des choses spirituelles et concernant le salut éternel, et non des choses civiles et tempo

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motivèrent leur dénonciation sur ce que M. Bossuet con<< testait au pape, prononçant ex- cathedrá, le don de l'in« faillibilité, la supériorité sur les conciles œcuméniques, et << toute puissance, même indirecte, sur les princes souve«rains et les choses temporelles. Clément XII refusa, après « un mûr examen, de proscrire l'ouvrage et d'en censurer

« la doctrinė.

<< Tous ces faits sont rappelés dans l'excellent bref de « Benoît XIV à l'archevêque de Compostelle, grand-inqui« siteur d'Espagne, du 21 juillet 1748. Vous devez savoir, lui «< dit-il, que depuis peu d'années on a publié et imprimé un ou– « vrage dont tout le but est de soutenir les propositions établies « par le clergé de France, dans l'assemblée de 1682. Quoique le « nom de l'auteur ne s'y trouve pas, tout le monde sait bien qu'il « a été composé par Bossuet, évêque de Meaux. On examina sé«rieusement, dans le temps de Clément XII, notre prédécesseur « immédiat, si on proscrirait cet ouvrage; et il fut conclu qu'on « s'abstiendrait dé toute proscription, tant à cause de la mé«moire de l'auteur, qui avait si bien mérité de la religion par « tant d'autres chefs, que par la juste crainte de faire naître de « nouvelles disputes.

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Il est donc évident que ces deux papes ont reconnu la Défense de la Déclaration pour être l'ouvrage de Bossuet; que l'un et l'autre, remplis de sagesse et d'équité, ont refusé de la condamner, et que les plus ardens ultramontains ne sauraient la censurer eux-mêmes sans une extrême témérité. (Extrait de la Préface du tome 19 des Euvres de Bossuet, édit. de 1790.)

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relles; donc les rois et les princes, quant au temporel, ne sont soumis, par l'ordre de Dieu, à aucune puissance ecclésiastique, et ne peuvent directement ni indirectement être déposés par l'autorité des clés, ni leurs sujets être dispensés de l'obéissance, ou absous du serment de fidélité.

II. La pleine puissance des choses spirituelles qui réside dans le saint Siége et les successeurs de saint Pierre, n'empêche pas que les décrets du concile de Constance ne subsistent, touchant l'autorité des conciles généraux exprimée dans les quatrième et cinquième sessions; et l'Eglise gallicane n'approuve point que l'on révoque en doute leur autorité, ou qu'on les réduise au seul cas du schisme.

III. Par conséquent, l'usage de la puissance apostolique doit être réglé par les canons que tout le monde révère; on doit aussi conserver inviolablement les règles, les coutumes et les maximes reçues par le royaume et l'Eglise de France, approuvées par le consentement du saint Siége et des Eglises.

IV. Dans les questions de foi, le pape a la principale autorité, et ses décisions regardent toutes les Eglises, et chacune en particulier; mais son jugement peut être corrigé, si le consentement de l'Eglise n'y concourt (1).

(1) Quæ accepta à Patribus ad omnes ecclesias gallicanas, atque episcopos is spiritu sancto præsidentes, mittenda decrevimus; ut idipsum dicamus omnes, simusque in eâdem sententiâ. Voilà la conclusion de cette célèbre Déclaration. Elle fut

Ces quatre articles se réduisent à deux principaux : que la puissance temporelle est indépendante de la spirituelle; que la puissance du pape n'est pas tellement souveraine dans l'Eglise, qu'il ne doive observer les canons, que ses décisions ne puissent être examinées, et que lui-même ne puisse être jugé en certains

cas.

Le prétexte de la prétention des papes sur le temporel, est venu de l'excommunication. On a expliqué à la dernière rigueur la défense d'avoir aucun commerce avec les excommuniés, ni de leur rendre aucun honneur; on les a regardés comme infâmes et

souscrite par trente-cinq évêques et par trente-quatre membres du second ordre. La lettre de l'Assemblée à tous les évêques de l'Eglise de France est très-remarquable, et développe la doctrine des quatre articles. Cette Déclaration a été autorisée par un édit du mois de mars de la même année 1682, enregistrée au parlement, qui ordonne que la doctrine en sera enseignée dans toutes les universités et dans les facultés de droit canonique du royaume. L'édit et la Déclaration du clergé furent portés en Sorbonne et à l'Université de Paris, par M. le premier président, accompagné de trois conseillers laïques et de trois conseillers clercs de la grand'chambre, et de M. de Harlai, alors procureur - général. Elle a été reçue avec respect par tous ces corps, comme l'ancienne doctrine de l'Eglise gallicane, et la seule qui fût approuvée et reçue dans le royaume. Ce qu'elle contient est prouvé d'une manière invincible dans le Traité de la puissance ecclésiastique et temporelle, imprimé in – 8o en 1707. (Edit.)

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comme déchus de tous leurs droits; quelques-uns ont passé jusqu'à dire que le crime en lui-même privait de toute dignité et de toute charge publique, ce qui est une hérésie condamnée en Wiclef (1).

De l'autre côté, pour soutenir l'indépendance des souverains, on a prétendu qu'ils ne pouvaient être excommuniés (2), comme supposant que l'excommunication donnerait atteinte à leur dignité, ce qui a été avancé particulièrement en France, sous prétexte de quelques bulles que les rois avaient obtenues des papes pour défendre à tous les évêques de mettre en interdit les terres de leur domaine, ou d'y fulminer des excommunications générales (3). On a soutenu de même que les officiers des rois ne pouvaient être excommuniés pour le fait de leurs charges, comme s'ils ne pouvaient y excéder.

D'ailleurs, pour éloigner d'autant plus la confusion des deux puissances, quelques-uns ont soutenu qu'elles

(1) Wiclef prétendait que, pour avoir un droit légitime de posséder quelque chose sur la terre, il faut être juste, et qu'un homme perdait son droit à ses possessions, lorsqu'il commettait un péché mortel. (Edit.)

(2) Qu'en France on n'a eu aucun égard aux excommunications prononcées contre nos souverains, et qu'elles y ont toujours été regardées comme nulles. (Edit.)

(3) L'interdit consiste à priver toute une ville, tout un peuple, tout un royaume, de l'usage des choses saintes, en suspendant de leurs fonctions les ministres de l'Eglise, ou, ce qui revient au même, en leur défendant de faire aucun exercice de leur puissance. (Edit.)

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