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tuer contre l'infamie, pour rendre les impétrans capables de successions, de charges publiques, ou d'autres effets civils; et quand les expéditions de cour de Rome contiennent de telles clauses, nous n'y avons aucun égard, sans préjudice du surplus. Il en est de même de ce qui est contraire aux droits des patrons laïques dans les provisions des bénéfices. Voilà les conséquences que nous tirons de la distinction des deux puissances.

L'autre maxime fondamentale de nos libertés, qui est que la puissance du pape n'est pas sans bornes, a plus besoin d'explications que la première; car ceux

à l'autorité temporelle; défendit aux impétrans d'en faire usage; condamna le comte palatin à les révoquer, à rapporter à la cour ce qu'il en avait reçu, et à demander pardon au roi et à la justice de cette entreprise. Le pape Innocent III, prié par le seigneur de Montpellier de légitimer ses enfans adultérins, à l'effet de les rendre capables de lui succéder, répondit ingénuement que ce pouvoir ne lui appartenait que dans l'étendue des terres du patrimoine de saint Pierre, où il avait une juridiction temporelle. Il y a cependant une exception : les canons ayant défendu d'élever des bâtards aux ordres', et l'usage ayant établi que la plupart des dispenses des lois de l'Eglise s'accordent par le pape, on souffre qu'il dispense ou légitime les bâtards, quoad spiritualia, à l'effet seulement d'être promus aux ordres et rendus capables de posséder des bénéfices; encore cette espèce de légitimation ne rend – elle point le légitimé capable de posséder des fondations séculières, ni de jouir des priviléges obtenus par les séculiers ou ecclésiastiques qui ont fait lesdites fondations sur leurs patrimoines ou sur leurs biens séculiers. (Edit.)

qui ont voulu s'opposer aux prétentions excessives de la cour de Rome, sont tombés en plusieurs excès contraires. Je ne parle pas des hérétiques, qui regardent comme tyrannie toute supériorité d'une Eglise sur une autre, mais de ceux qui reconnaissent la primauté du pape : il y en a qui la regardent comme une institution utile, à la vérité, mais humaine et de simple police ecclésiastique, comme celle des archevêques et des patriarches; d'autres veulent que I'Eglise ne soit gouvernée que par des conciles, et que n'ait droit que d'y présider, en sorte que pape gouvernement de 'Eglise soit aristocratique (1); ce

le

le

(1) Ce qui semble être l'opinion du docteur Richer. M. Richer n'a jamais prétendu que le gouvernement de l'Eglise fût purement aristocratique, comme M. l'abbé Fleury veut l'insinuer; il suffit d'ouvrir le livre de la Puissance ecclésiastique, pour en être convaincu. On y verra qu'il y établit que la forme du gouvernement ecclésiastique est une monarchie mêlée d'aristocratie. Au chapitre troisième, on lit cette définition de l'Eglise, que l'on a mise à la tête de l'édition de 1660: Ecclesia est politia monarchica.... regimine aristocratico temperata. Et dans la preuve de ce troisième chapitre, lorsqu'il explique cette troisième partie de sa définition, Ecclesia est politia monarchica.... il dit : Primium autem Ecclesiam esse politiam monarchicam, ratione Christi absoluti monarche et capitis essentialis Ecclesice ; seconde, respectu papæ, quatenùs potestatem habet super particulares Ecclesias. Si on fait un crime à M. Richer d'avoir avancé que la forme du gouvernement de l'Eglise est mêlée d'aristocratie, il faudrait, comme il le dit lui-même au même endroit, en faire un à Bellarmin, qui avait dit avant lui que c'était le senti

qui semble être l'opinion du docteur Richer, dans le Traité de la puissance ecclésiastique et politique, qu'il publia en 1611, et qui fut condamné à Rome (1)

ment de tous les docteurs catholiques. Bellarm., lib. de sum. Pont., 5: Doctores catholici in eo conveniunt omnes, ut regiсар. men ecclesiasticum hominibus à Deo commissum, sit illud quidem monarchicum, SED TEMPERATUM EX ARISTOCRATIA ET DEMOCRATIA. Duval, l'ennemi déclaré de Richer, s'explique de même, lib. de supremá potest. Papæ, part. 1, qu. 2 : Certum est monarchicum illud regimen esse ARISTOCRATIA ALIQUA TEMPERATUM. M. de Marca soutient, dans son livre de Concordiá sacerdotii et imperii, le même sentiment que Richer: Monarchia ecclesiastica EX ARISTOCRATICO REGIMINE EST COMMIXTA, lib. 2, cap. 16, n. 6. En Sorbonne, on ne permet point aux bacheliers de s'exprimer autrement sur la forme du gouvernement de l'Eglise.

(1) La simple exposition de ce qui s'est fait en France contre le livre de Richer, suffit pour faire connaître à tout le monde l'injustice de cette censure. En 1611, Richer composa son livre de la Puissance ecclésiastique et politique, à la prière du premier président de Verdun, qui désirait apprendre ce que c'était que les libertés de l'Eglise gallicane: mais à peine ce livre parut-il, que le nonce du pape, les évêques et quelques docteurs extrêmement attachés aux opinions ultramontaines, en firent paraître leur chagrin. Ils n'épargnérent rien pour susciter des ennemis à son auteur; ils firent résigner à Gamaches, qui ne voulait point abandonner Richer, l'abbaye de Saint-Julien-de-Tours; et le nonce, pour achever de le corrompre, lui promit de lui faire avoir ses bulles gratuitement. Les prélats, pour corrompre l'intégrité du chancelier, lui firent présenter une bourse de deux mille écus d'or par l'évêque de Paris; le chancelier, en la rece15. 1. 10o LIV.

et en France. Le docteur Duval le combattit, et donna dans l'excès contraire, soutenant l'infaillibilité du

vant, promit de faire conduire Richer à la Bastille. L'auditeur du nonce, conduit par le docteur Forgemont, ancien ami des jésuites, allait de porte en porte solliciter les docteurs au nom du pape et du nonçe, et briguer leurs suffrages pour la censure du livre de la Puissance ecclésiastique et politique. Le Parlement, appréhendant la suite des démarches du nonce et des prélats, donna un arrêt, le 1er février 1612, par lequel il ordonna aux doyens et aux docteurs de surseoir toute délibération sur ce sujet, jusqu'à ce que la Cour fût éclaircie de ce qui regardait le service du roi dans cette affaire. Le nonce et les évêques n'ayant pu réussir à faire censurer le livre de Richer par la Faculté, prirent le parti d'en solliciter la condamnation auprès de la reine et de ses ministres; mais la reine n'ayant point voulu consentir à leur passion, et ayant fait surseoir cette affaire, les évêques s'assemblèrent chez le cardinal du Perron : ils y firent la lecture du livre de Richer. L'archevêque de Tours et l'évêque de Beauvais demandèrent que Richer fût ouï dans ses défenses: on n'eut aucun égard à cette demande; et malgré l'opposition de ces deux prélats, on déclara que le livre de la Puissance ecclésiastique et politique était digne de censure. Le Parlement, averti de toutes ces pratiques, chargea le premier président et quelques conseillers d'avertir la reine et le chancelier de ce que les prélats avaient attenté contre l'autorité du roi. Quelque temps après, la reine ayant reçu des lettres du pape, qui lui demandait justice de Richer, permit aux évêques de censurer le livre de Richer comme ils le jugeraient à propos. C'est pourquoi le cardinal du Perron assembla dans son hôtel tous les évêques de la province de Sens, qui, sans même avoir jeté les yeux sur le livre dont il

pape. Nous croyons, avec tous les catholiques, que l'Eglise est infaillible, puisque Jésus-Christ a dit que

s'agissait, le condamnèrent comme contenant plusieurs propositions fausses, erronées, scandaleuses, hérétiques et schismatiques : ils ajoutèrent, par l'ordre du chancelier, que c'était sans toucher aux droits du roi et aux libertés de l'Eglise gallicane. Le Parlement n'en fut pas plutôt averti, qu'il chargea les gens du roi, Servin et de Bellièvre, d'en aller porter des plaintes au chancelier, au nom de la Cour. Le chancelier leur répondit qu'il avait fallu donner ce contentement au pape, et leur promit que cette censure ne serait publiée ni dans Paris ni dans aucun endroit du royaume. Elle ne laissa pas cependant de l'être aux prônes du dimanche suivant, qui était le 18 de mars, dans toutes les paroisses de Paris. L'exception que les prélats de la province de Sens avaient mise à leur censure déplut extrêmement à la cour de Rome; c'est pourquoi le nonce persuada à l'archevêque d'Aix de se transporter le plus diligemment qu'il pourrait dans son diocèse, pour censurer le livre sans exception : cet archevêque ne témoigna pas la moindre répugnance pour obéir. Comme il était accablé de dettes, et que ses affaires étaient en fort mauvais état, on lui donna, pour faire son voyage, une portion considérable d'une somme de quatre mille écus des deniers du clergé, qu'on avait consignée entre les mains de l'évêque de Paris, pour fournir aux frais qu'on serait obligé de faire dans la procédure contre Richer. Il ne fut pas plutôt arrivé à son église, qu'il y assembla ses trois suffragans, et leur fit signifier une censure du livre de Richer, dans la– quelle il n'y avait aucune exception pour les droits du roi et les libertés de l'Eglise gallicane. Cet archevêque, pour rendre ses services plus agréables au nonce, fit publier en même temps et afficher, avec la censure du livre de Richer, la bulle

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