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pape fasse ou abolisse les lois de l'Eglise, ni que celleci soit obligée en conscience d'obéir sitôt qu'il y a une bulle plombée et affichée au champ de Flore.

Les anciennes décrétales des papes se faisaient dans les conciles nombreux des évêques d'Italie: encore n'étaient-elles reçues dans les provinces qu'après qu'elles avaient été reconnues conformes à l'ancienne discipline. Depuis, ils prenaient au moins l'avis de leur clergé, c'est-à-dire des cardinaux. A présent, ils ne croient plus y être astreints; ils se contentent de se faire instruire par des moines ou d'autres docteurs particuliers qu'ils choisissent tels qu'il leur plaît, et encore le plus souvent met-on la clause motu proprio, de peur qu'il ne semble que le pape ait pris l'avis de quelqu'un. Donc les nouvelles constitutions des papes, c'est-à-dire la plupart de celles qui sont depuis quatre cents ans, ne nous obligent qu'autant que notre usage les a approuvées. Nous ne craignons point les censures de la bulle in cœnd Domini. Les bulles qui sont apportées en France de nouveau ne peuvent y être publiées, ni exécutées qu'en vertu des lettres - patentes du roi, après avoir été examinées en Parlement, excepté les provisions des bénéfices et les autres bulles de style ordinaire (1). Il n'y a que trois ou quatre des règles

(1) Les bulles ne peuvent être exécutées ni reçues en France qu'après avoir été notifiées dans une forme régulière et directe; car on ne voit pas comment la publication d'un décret qui est faite à Rome en trois endroits seulement,

de la chancellerie de Rome que nous suivons en matières bénéficiales. Nous n'avons point reçu le tribu

qui souvent ne reste pas une heure en la place où il est affiché, et qui peut être inconnu même à plusieurs habitans de Rome, pourrait suffire pour obliger tout le monde chrétien. On appuie cette prétention ridicule sur un proverbe usité parmi les canonistes ultramontains: Papa habet pedes plumbeos, non plumeos; mais ce proverbe est un quolibet, qu'on entend comme on veut; et rien n'est plus indigne de la gravité de cette question, que d'apporter sérieusement une preuve si frivole et si digne de risée pour soutenir aveuglément une pareille extravagance. Il faut donc qu'un décret nous soit notifié, et la notification s'en fait aujourd'hui de cette manière : le pape l'envoie à son nonce, qui le remet entre les mains du roi, et Sa Majesté l'envoie à son clergé et à son Parlement; quand le Parlement a examiné le décret, il l'approuve, ou avec des modifications, s'il y a certaines minuties qui puissent porter préjudice à nos libertés, ou sans modifications, s'il n'y trouve rien à redire, ou bien il refuse de le recevoir, s'il croit ne pouvoir l'accepter. En France, le refus d'une bulle se fait ainsi en Parlement : le procureur - général se pourvoit contre, quelquefois par un appel au futur concile, plus communément par un appel comme d'abus. Le procureur - général a coutume, à cause du respect que l'on a pour le pape, d'appeler, non du décret en lui-même, mais de son exécution, ainsi que l'enseigne Févret ; et de cette manière, il lé qualifie d'écrit et de libelle: quand il en demande seulement la suppression, il ne l'impute point au pape; au contraire, il s'efforce de prouver qu'il est contraire aux intentions de l'Eglise et du saint Siége, et alors défenses sont faites de le regarder comme une bulle, d'y obéir, de l'imprimer, de le garder ou débiter,

nal de l'inquisition, établi en d'autres pays pour connaître des crimes d'hérésie ou d'autres semblables.

et on ordonne des informations et des peines contre les contrevenans. Ce n'est point une chose particulière à ce royaume, que de refuser de se soumettre à une bulle; en Allemagne, tout ce qui est contraire au concordat germanique ne passe point. Une bulle qui peut y contrevenir arrive; on ne fait aucune procédure contre, mais on va son chemin comme à l'ordinaire, et la bulle reste sans exécution. En Espagne, le roi ayant reçu le paquet de Rome, le baise respectueusement, et le donne à examiner à son conseil, qui, quand la bulle ne l'accommode pas, la met au fond d'une armoire, d'où elle ne sort jamais pour voir le jour. Dans les Pays-Bas espagnols, on fait à peu près la même chose. On peut voir sur ce sujet un livre curieux, intitulé: Jus Belgarum circà bullarum pontificiarum receptationem. Leodii, anno 1663. Si au contraire, pour revenir à la France, le Parlement accepte et enregistre la bulle, la publication s'en fait par les ordinaires. Cette manière de publier est conforme et à la justice naturelle et aux canons à la justice naturelle, parce qu'il est de la raison et de l'équité qu'un prince prenne connaissance d'une loi qu'on veut introduire dans ses Etats, et qu'il défende ses sujets des entreprises que les ecclésiastiques pourraient faire contre eux : aux canons, parce qu'ils ont décidé que personne n'entreprit rien sur le diocèse d'autrui, que les évêques sont les pasteurs immédiats de leurs troupeaux, et que le pape, bien que supérieur aux évêques, n'a point toute la chrétienté pour diocèse.

Il faut remarquer que ces trois solennités de notification et de publication n'ont point lieu pour les brefs de pénitencerie et autres semblables, qui ne regardent que les affaires des particuliers, suivant tous les édits de nos rois.

Nous sommes demeurés à cet égard dans le droit commun, qui en donne la connaissance aux ordinaires (1), et nous ne déférons pas à la prétention de l'inquisition particulière de Rome, qui veut que son pouvoir s'étende par toute la chrétienté. Quant à la juridiction des congrégations des Cardinaux, établies depuis environ cent ans pour juger des différentes matières ecclésiastiques, comme la congrégation du Saint-Office ou de l'Inquisition, celle de l'Indice des livres défendus, celle du Concile, c'est-à-dire de l'interprétation du concile de Trente, celle des Evêques et des Réguliers, celle de la Propagande, c'està-dire de la propagation de la foi, celle des Rits, celle de l'Immunité ecclésiastique, qui soutient les asiles

(1) C'est aux juges ecclésiastiques à déclarer quelles sont les opinions qui sont contraires à la doctrine de l'Eglise, et à prononcer conséquemment que tels et tels qui tiennent avec obstination ces opinions contraires à la doctrine de l'Eglise, sont hérétiques; mais il ne leur appartient point d'infliger des peines contre ceux qu'ils ont convaincus d'hérésie et d'obstination dans l'hérésie: c'est au roi, qui est seul le maître de ses sujets, de quelque état et condition qu'ils soient, à voir ce qui est expédient pour le bien de la religion et du peuple sur lequel Dieu l'a établi. Dans cette persuasion, le roi fait infliger des peines contre les hérétiques qui, sous prétexte de religion, causent du trouble et de la confusion dans l'Etat, qui font des assemblées même pour l'exercice de leur religion, parce que toute assemblée qui n'est point autorisée est suspecte de former des projets contre le bien et la tranquillité de l'Etat. (Edit.)

de l'Eglise et les priviléges des clercs. Nous honorons les décrets de ces congrégations comme des consultations de docteurs graves, mais nous n'y reconnaissons aucune autorité sur la France; ainsi nous lisons sans scrupule tous les livres qui ne sont point d'auteurs manifestement notés comme hérétiques, ou nommément défendus par l'évêque diocésain (1), Le nonce du pape n'a aucune juridiction en France; il est regardé simplement comme ambassadeur d'un prince étranger; et quand quelque nonce a voulu s'attribuer un territoire, des archives ou quelques autres marques d'autorité, le Parlement s'y est opposé. Le légat à latere a juridiction; mais de peur qu'il n'en abuse, on observe plusieurs formalités. Le pape ne peut en envoyer en France qu'à la prière du roi, au moins de son consentement. Etant arrivé, il promet avec serment et par écrit de n'user de ses facultés qu'autant qu'il plaira au roi, et conformément à nos usages. Ses bul

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(1) « Dans les premiers siècles, l'Eglise se contentait d'indiquer les mauvais livres, dit M. Fleury, sachant que c'est << assez pour les consciences timorées, et qu'une défense ri«<goureuse ne ferait qu'exciter la curiosité des libertins et « des indociles. Saint Paul, exhortant les fidèles à tout éprou« ver et retenir ce qui est bon, semble leur accorder une sainte liberté d'en faire le discernement. En général, les << pasteurs, dans les premiers temps, avaient soin de bien <«< instruire les chrétiens, chacun selon sa portée, sans pré<< tendre les gouverner par la soumission aveugle, qui est « l'effet et la cause de l'ignorance. » ( Edit.)

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1. 10 LIV.

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