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Pendant les dix premiers siècles de l'Eglise, il est inouï qu'aucun empereur ou qu'aucun roi chrétien se soit attribué les revenus de l'Eglise vacante, beaucoup moins la disposition des prébendes et des offices ecclésiastiques. On réservait tout au successeur, et les vacances n'étaient pas longues.

Aussi, quelqu'ancienne et quelque légitime que soit la régale, on n'en trouve aucune preuve solide que sous la troisième race de nos rois. Et la première pièce rapportée dans les preuves de nos libertés est de l'an 1147 (1).

(1) On ne peut se dispenser de faire observer que le droit de régale remonte beaucoup plus haut que ne l'a pensé M. Fleury; l'origine en est si ancienne que l'on n'en trouve point le commencement. La régale fut reconnue, et les vrais principes en sont établis dans le concile d'Orléans, en 511.

« On sait, » dit le président Hénault, dans son excellent Abrégé chronologique de l'histoire de France, « quels ont été les « différens systèmes sur l'origine de la régale : les uns attri«< buent ce droit à la qualité que nos rois ont de fondateurs « des bénéfices qui y sont sujets; les autres, à celle de pa« trons; les autres, à la nature du droit féodal; les autres, au « droit de garde et de protection; les autres, au droit de dépouille, etc. Mais on ne prend pas garde que ces principes vont à rendre le droit de régale commun à tous les rois, ce qui est faux, puisque les rois de France seuls en jouissent, et à diminuer la noble ancienneté de son origine, puisqu'on ne la ferait remonter tout au plus qu'à la << fin de la seconde race, en y appliquant la loi des fiefs: au <«< lieu que ce droit ayant été reconnu solennellement dans

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Le Parlement de Paris, toujours zélé pour nos libertés, a développé par ses arrêts les principes de ce droit. Il suffit que le bénéfice ait vaqué de fait ou de droit, parce que la régale n'admet point de fixation. Le roi confère, en général, au préjudice du patron ecclésiastique; il admet des résignations en faveur ; il crée des pensions; il n'est point sujet à la prévention du pape en un mot, quoiqu'il exerce le droit de l'évêque, il l'exerce bien plus librement que ne ferait l'évêque même; il a en ce point la même puissance que le pape, et cela, parce que le roi n'a point de supérieur dans son royaume. Le roi pourvoit encore à une prébende de chaque cathédrale en deux cas, à son avènement à la couronne, et lorsqu'un évêque lui fait serment de fidélité. Il pourvoit à tous les bénéfices de fondation royale, non pas par un simple droit de patronage. En effet, tous les patrons laïcs ont droit de pourvoir aux bénéfices de leur fondation; mais, à leur égard, ce n'est qu'une simple nomination, sur laquelle l'évêque examine le clerc présenté, et lui confère le bénéfice, s'il l'en trouve capable. Le roi confère de plein droit, comme pourrait faire l'évêque, et personne n'examine après lui.

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« un concile par les évêques, justes contradicteurs de ce droit, et dans la suite par les conciles et par les papes, «< cette reconnaissance n'en borne plus l'origine, et fait ren«trer à chaque vacance les fruits de l'évêché dans la main « du roi, par un droit acquis de tous les temps à la dignité « de son trône. » ( Edit. )

Avant la dernière déclaration (1) sur la régale, il conférait même les bénéfices à charge d'âmes.

Le droit de patronage, en général, soit qu'il soit ancien ou universel dans toute l'Eglise latine, n'est pas de la pureté de la première discipline: il vaudrait mieux que les évêques fussent plus libres dans la collation des bénéfices, particulièrement des cures, et que l'Eglise eût moins de revenus temporels; car le droit de patronage ne vient que de la fondation ou de la dotation des églises, et il devrait plus être restreint à l'égard des patrons laïcs (2) que laïcs (2) que des ecclésiastiques: · cependant, c'est tout le contraire; le patron laïc peut varier ou accumuler deux présentations. En France, il n'est point sujet à la prévention du pape ; et l'évêque ne peut admettre de permutation à son préju

(1) L'édit du mois de janvier 1682, que M. Fleury paraît ayoir eu en vue, conserve au roi la collation en régale des bénéfices à charge d'âmes. Il ordonne seulement que ceux qui en seront pourvus à ce titre se présenteront aux vicairesgénéraux établis par les chapitres, si les églises sont encore vacantes, et aux prélats, s'il y en a de pourvus, pour obtenir l'approbation et mission canoniques, avant de pouvoir faire aucune fonction.

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(2) C'est une condition très - légitime que celle-ci : Je donne telle terre à l'Eglise, et j'aurai droit de nommer à tel office à quoi sera attaché le revenu de la terre que je donne: ce droit passera de ma personne à tous mes descendans et héritiers, L'Eglise a accepté les donations des laïques à ces conditions; le droit de patronage appartient donc bien légitimement, et d'une manière irrévocable, aux laïques.

dice, parce, dit-on, que ce serait diminuer indirectement la seigneurie temporelle à laquelle ce droit spirituel est annexé.

Les évêques ont encore souvent les mains liées par le droit des gradués ou des indultaires introduits dans les derniers temps: celui des gradués, par le concile de Bâle depuis la division; celui des indultaires, par des grâces particulières des papes. Le concile de Trente a aboli l'un et l'autre; mais il semble avoir rétabli celui des gradués, et ce qu'il a ordonné contre ces droits est un des griefs de la France contre ce concile. C'est encore une coutume particulière à la France,

que

les parens des évêques et de tous les ecclésiasti→ ques leur succèdent ab intestat, sans distinction des biens profanes ou ecclésiastiques: cependant, l'ancienne discipline donnait à l'Eglise les biens dont un clerc se trouvait en possession à sa mort, excepté ce qui était évidemment du patrimoine de sa famille et des libéralités faites à sa personne. Cet usage de France s'est établi en haine du droit de dépouille que les papes ont introduit et levé avec grande rigueur depuis le schisme d'Avignon, et qu'ils continuent d'exercer en Italie et en Espagne.

Suivant l'ancien droit, les monastères étaient ca pables de recevoir les successions échues aux moines, comme ils sont capables de contracter et de plaider; notre usage y est contraire; et quoiqu'il soit fondé sur de bonnes raisons, il ne semble pas favorable à la liberté de l'Eglise.

Ce n'est plus le juge ecclésiastique qui connaît de

la séparation d'habitation entre les mariés, quoique rien ne soit plus essentiel au lien du mariage : c'est le juge laïc, fondé sur ce que cette séparation emporte toujours celle des biens. Toutes les matières bénéficiales se traitent aussi devant le juge laïc, à cause du possessoire; et le possessoire étant jugé, quoique l'ordonnance dise expressément que pour le pétitoire on se pourvoira devant le juge ecclésiastiles. que, gens du roi ne le permettent pas.

Sur le même fondement du possessoire, les juges laïcs connaissent des dîmes non seulement inféodées, mais ecclésiastiques; et par connexité, ils jugent aussi les portions congrues des curés.

Quant aux causes personnelles entre les clercs, elles sont de la compétence du juge ecclésiastique, même suivant les ordonnances; mais on les attire devant le juge séculier, lorsqu'il s'y trouve quelque action réelle ou hypothécaire mêlée : cela se fait aussi souvent du consentement des clercs, qui aiment mieux plaider au tribunal le plus fréquenté, et dont les jugemens ont exécution parée. Le plus grand mal est que les évêques ne puissent empêcher leurs clercs de plaider.

En matière criminelle, les juges laïcs ont ramené les choses à peu près dans le même état où elles étaient dans les premiers siècles; car nous ne voyons pas, avant quatre cents ans, que les clercs criminels fussent à couvert des lois et des magistrats (1).

(1) Suivant l'usage présent, les juges d'Eglise ne connais

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