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geois : ce tribunal, tout inutile et odieux qu'il était, fut encore protégé par quelques rois de France. En 1331, il fut déclaré Cour royale; en 1442, Charles VII accorda à l'inquisiteur de Toulouse le titre de conseiller du roi, et la faculté de jouir dans le royaume des honneurs, prérogatives, priviléges et émolumens dont les autres conseillers du roi jouissaient. En conséquence, l'inquisiteur de Toulouse prit le titre d'inquisiteur en tout le royaume de France, spécialement député par le saint Siége apostolique et par l'autorité royale (1).

Un siècle après, et pendant les grands jours tenus à Evreux en 1540, François Ier rendit un arrêt qui déclarait frère Thomas Laurentii, inquisiteur-général de Normandie. Telle est l'époque du tribunal de l'inquisition établie dans cette province, dont les dominicains d'Evreux eurent la direction. On voit encore dans leur couvent les prisons de l'inquisition, et le sceau qu'on employait pour sceller les sentences de ce tribunal : c'est un morceau de cuivre ovale avec une poignée, sur lequel sont gravées les images de saint Dominique et de saint Pierre martyr. Cette juridiction, bien loin de contribuer à la conversion des calvinistes, ne servit qu'à les aigrir contre le gouvernement. Les Normands n'en portèrent pas long-temps le joug au mois d'août 1552, les Parlemens de Rouen et de Paris, par leurs arrêts, défendirent d'ob

(1) Hist. de la ville de Toulouse, par Raynal.

server le chapitre inquisitionis in sexto. Ce chapitre excommuniait un juge laïc qui refusait ou différait d'exécuter les lois qui portent peine de mort contre les hérétiques. Les autres parlemens ordonnèrent que dans les villes où il y avait des inquisitions, ils communiqueraient leurs procédures aux juges royaux, et procureurs du roi seraient chargés de la capture des accusés.

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Cependant le cardinal de Tournon, archevêque de Lyon, ennemi déclaré des religionnaires, entreprit de faire établir dans toute la France l'inquisition : il craignit pour son diocèse, voisin de Genève; il fit venir de Rome Mathieu Orry, avec la commission d'inquisiteur-général au royaume de France et dans toutes les Gaules.

Orry établit son tribunal à Lyon; il se transporta à Vienne pour y faire le procès à Servet, arrêté dans la prison du palais Delphinal. Servet eut l'adresse de se sauver; Orry continua d'instruire son procès avec le vi-bailli; celui-ci prononça une sentence qui condamnait Servet à être brûlé avec ses ouvrages, ce qui fut exécuté en effigie.

Servet s'était réfugié dans le royaume de Naples; il en sortit pour venir à Genève, où il séjourna quelque temps. Calvin le fit arrêter; les juges des causes criminelles instruisirent son procès, et le condamnèrent à être brûlé vif. Servet expira au milieu des flammes, sans avoir prononcé une seule parole, ce qui arriva en 1555.

Orry, malgré les règles sévères de son emploi, était

de bonne composition lorsqu'on lui faisait des présens : il traita avec modération ceux de Sancerre, qui lui avaient envoyé du meilleur vin de leur crû.

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Le tribunal d'Orry avait passé pour très-modéré, en comparaison de celui que le cardinal de Lorraine voulait établir à Paris. Ce prélat, alarmé du progrès des calvinistes, proposa son dessein à Henri II; et pour le lui faire agréer, il se plaignit de la négligence de plusieurs évêques à rechercher et à punir les religionnaires : mais le roi, tout irrité qu'il était contre eux, ne jugea pas à propos d'introduire l'inquisition dans la ville capitale, ni même dans d'autres provin ces; il craignit que cette juridiction ne nuisît à celle des évêques, et que les inquisiteurs ne prissent trop à la lettre les lois pénales, ce qui rendrait les catholiques odieux, et augmenterait les maux de la France.

Cependant le cardinal de Lorraine parvint, par ses importunités, à déterminer le Parlement à enjoindre à quelques évêques de donner des lettres de vicariat à des conseillers clercs, pour faire le procès aux novateurs. Henri II leur donna pour adjoints quelques docteurs : Demochares ou de Mouchi, de la faculté de théologie, exerça sa commission avec tant de rigueur, qu'on le nomma l'inquisiteur; ses espions furent appelés, de son nom, les mouchars d'eux sont venues les mouches de la police.

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Mais ces mesures ne parurent pas suffisantes au cardinal de Lorraine pour réprimer les calvinistes ; voulait établir en France une inquisition sur le modèle de celle de Rome, ou de celle qui était érigée

depuis peu en Portugal: on y aurait observé les mêmes procédures, et décerné les mêmes peines. Le pape, sur les pressantes sollicitations de ce cardinal, établit en France un inquisiteur-général; le roi lui accorda des lettres patentes, qui furént vérifiées, à condition que, pour le délit commun, il communiquerait les procédures aux juges diocésains; et pour le cas privilégié, aux juges laïcs. L'arrêt est du 14 janvier 1550, vieux style (1561).

Le Parlement s'opposa avec plus de vigueur encore à l'édit donné, cinq ans après, contre les relaps. La Cour délibéra sur cette ordonnance, depuis l'onzième de septembre 1555, jusqu'au 23 du même mois; elle fit des remontrances qui furent présentées au roi. Ce prince, convaincu par les raisons de son Parlement, ne fit plus d'instances pour faire vérifier son édit; il chargea même cette Cour de recevoir le serment des juges délégués par les cardinaux - inquisiteurs, dont l'autorité alla toujours en diminuant en France.

Après la mort de Henri II, le cardinal de Lorraine fit de nouveaux efforts pour rétablir et même augmenter le pouvoir des inquisiteurs; mais le chancelier représenta à François Il que l'inquisition pouvait être utile dans les pays où l'hérésie ne commençait que de naître; qu'en Espagne, Philippe II l'avait détruite par le supplice de quarante-huit personnes; mais qu'il y avait en France des millions de religionnaires, et qu'on hasarderait de renverser l'Etat, si l'on usait d'une extrême sévérité.

Comme on ne pouvait accommoder le droit des inquisiteurs avec la juridiction des évêques, le chancelier de l'Hôpital dressa l'édit de Romorantin, où François II ordonna «que le crime d'hérésie n'appartien«dra qu'aux seuls prélats et à leurs officiers, à l'ex<«<clusion de tout autre juge, à condition qu'ils rési<< deront et instruiront assiduement. >>

Le Parlement, à qui on ôtait la connaissance des suites extérieures du crime d'hérésie, refusa d'enregistrer cet édit; le roi en donna un autre, qui est regardé comme la seconde partie du premier. Il y ordonne «que ceux qui tiendront des assemblées illici<< tes, qui prêcheront sans la permission des évêques,

qui feront des libelles en faveur des nouvelles opi« nions, et ceux qui les imprimeront, soient jugés par « les juges séculiers, et punis selon la rigueur des lois, <«< comme criminels de lèze - majesté divine et hu« maine (1). »

Depuis ce temps, on ne parla plus à la Cour d'établir en France l'inquisition (2): on laissa encore ce

(1) Traité hist. des édits, t. 3, p. 144.

(2) En France, nous croyons que pour la poursuite des crimes ecclésiastiques, les évêques et leurs officiaux suffisent, sans recevoir ces commissions extraordinaires qui par la suite deviennent des tribunaux réglés. Il est à craindre que ceux qui exercent ainsi une juridiction empruntée ne soient tentés de faire valoir leur autorité, et de grossir les fautes · ou les soupçons pour avoir de l'occupation (*): car il est

(*) Les inquisiteurs s'attribuaient même une partie de la succession

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