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qu'elle conserve aux papes toute l'autorité que les canons des conciles leur ont donnée; qu'au reste, le Parlement de Paris, composé de cent personnes d'un mérite distingué, des pairs de France ecclésiastiques et laïcs, de plusieurs évêques habiles dans le droit canon, n'était pas capable d'attenter à l'autorité du saint Siége, et qu'il conservait toujours la réputation de justice qu'il s'était acquise dans les siècles passés, lorsque les princes étrangers venaient soumettre leurs différends à son arbitrage: il ajouta que le roi, pour montrer au pape qu'il voulait avoir égard aux raisons qui lui avaient été représentées de sa part, ferait encore assembler les prélats de son royaume pour pren. dre leur conseil sur une affaire si importante; que le roi avait juste sujet de se plaindre du pape, qui avait donné l'investiture du royaume de Naples à Ferdinand, fils naturel d'Alphonse, roi d'Aragon, au préjudice de la maison d'Anjou; et que pendant que les Turcs s'emparaient de l'empire de Trébisonde, du Péloponèse et de plusieurs îles de l'Archipel, le pontife

<< sur les dictz decretz faictz es sainctz concilles, où presi-« doit le pape ou son legat pour luy qui fut lors, a esté et est repputée grand chose, attendu que les roys qui ont esté le «< tems passé n'eurent onques, ne n'auoient eu aucunes loix << ou ordonnances faictes en semblables matieres qui eussent « ou ayent prins auctorité de l'Eglise vniuerselle, que celle qui fut faicte dernierement à Bourges l'an mil 438, quod «est valde notandum. » (Remontrances du Parlement au roi Louis XI.) (Edit. C. L.)

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employait les forces de l'Etat ecclésiastique en faveur de Ferdinand.

Le pape, mécontent des ambassadeurs de France, menaça tout de nouveau d'interdire le royaume. Il défendit d'appeler au futur concile des mandats apostoliques; ce qui était alors assez ordinaire. Les princes, qui n'étaient pas contens des constitutions apostoliques, croyaient par-là se mettre à couvert des excommunications. Les pauvres, dit le pape dans sa bulle, sont opprimés par les puissans; les crimes demeurent impunis; on nourrit la révolte contre le premier siége; la discipline ecclésiastique est ren

versée.

Cependant le roi, informé par ses ambassadeurs des intentions du pape, assembla les princes, les évêques et les plus habiles jurisconsultes de son royaume : il déclara, par la bouche de Jean Dauvet, son procureur-général, que si le pape se portait à cette extrémité, que d'interdire la France, il en appellerait au premier concile général, qui serait assemblé dans une ville où les délibérations seraient libres. Il protesta en même temps qu'il conserverait toujours la révérence et l'obéissance dues au saint Siége, suivant les canons des conciles généraux et les écrits des saints' Pères; il écrivit au pape une lettre fort respectueuse, comme d'un fils à son père, lui représentant que la puissance d'en haut lui est donnée pour édifier, et non pour détruire, et qu'il doit éviter des extrémités qui causeraient un grand scandale.

Le pape fit réponse au roi : « Les évêques, y

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«< disait-il, se sont imaginé avoir acquis une entière « liberté, en admettant la pragmatique; cependant « leur autorité est si diminuée, qu'ils sont contraints << de plaider dans les parlemens, de pourvoir aux bé«<néfices selon la volonté du roi, et d'absoudre les «< excommuniés sans aucune satisfaction (1). Il ajouta «< que les porteurs des bulles contraires à quelques ar«<ticles de la pragmatique étaient traités comme des «< criminels de lèse-majesté; que le Parlement s'arrogeait toutes causes épiscopales; celles des hérésies, << des mariages, des crimes des clercs, etc.; que cette « cour ne faisait aucune difficulté de saisir les biens << du clergé, et que les évêques étaient forcés, par l'em<< prisonnement de leurs personnes, de se soumettre << aux jugemens des magistrats laïcs. >>

Dauvet, procureur-général, protesta contre le contenu de cette lettre, contre tout ce qu'avait dit le pape dans l'assemblée de Mantoue, et ce qu'il pourrait faire dans la suite il appela au jugement du concile universel, et sa fermeté rassura Charles VII. En même temps, pour constater son appel, il demanda des apôtres ou lettres appellatoires à l'abbé de Braine, ordre des Prémontrés, dans le diocèse de Soissons, et au prieur conventuel de Saint-Sauveur de Brai-sur-Seine, au diocèse de Sens. Ces lettres sont rapportées dans l'acte d'appel passé à Paris, le 10 février 1460, dans la grand'salle du palais, en présence de deux notaires et de plusieurs témoins.

(1) Pü epistola 372.

Au sujet du procédé du pape contre la France, Charles VII demanda à Dauvet : Qu'est donc devenue la justice? est-elle morte à Rome? partit Dauvet, elle s'est réfugiée en France trouver un confesseur.

Sire, re

pour y

Après la mort de Charles VII, le pape crut que Louis XI, qui pensait autrement que son père, révoquerait aisément la pragmatique : il en fut tout-à-fait persuadé, lorsqu'il apprit ce qui s'était passé aux obsèques de Charles VII. Avant la messe, le nonce-évêque de Terni prononça une absolution pour lever l'excommunication qu'il prétendait avoir été encourue par Charles VII, comme auteur de la pragmatique. Cette entreprisc injurieuse à la mémoire d'un si grand prince, ne fut ni condamnée ni même relevée par Louis XI. Ce nouveau roi, qui commençait à blâmer le gouvernement de son père, était fort indifférent sur sa mémoire et sur sa réputation.

Pie II fut informé des dispositions de Louis; cependant il ne s'adressa pas directement à lui pour faire casser la pragmatique : il gagna Joffredi ou Jean Geoffroi, évêque d'Arras, qui avait toute la confiance du roi. L'évêque dit à Louis XI que pour devenir le plus puissant roi de l'Europe, il fallait vivre en bonne intelligence avec le pape, et que le moyen d'y parvenir était de sacrifier la pragmatique, ordonnance, disait-il, née pendant le schisme, et qui renversait toute la hiérarchie de l'Eglise.

Le roi ayant écouté Geoffroi, fit dresser une déclaration qui abrogea la pragmatique; mais à deux con

ditions l'une que le pape assisterait la maison d'Anjou dans la conquête du royaume de Naples; et l'autre, qu'il établirait un légat français pour la nomination des bénéfices. L'évêque d'Arras partit pour Rome ayant appris en chemin que le pape l'avait fait cardinal, il fut si transporté de joie et de reconnaissance, qu'en arrivant à Rome, il montra la déclaration du roi, sans exiger de conditions. Le pape envoya à Louis XI des bulles de remerciement, où il le compare à Constantin, à Théodose et à Charlemagne, qui s'étaient rendus illustres par leur attachement au saint Siége. Vous vous montrez, lui ditil, un grand roi, en gouvernant par vous-même.

Le roi, touché de ces belles paroles, fit publier, contre l'avis de son conseil, une déclaration qui supprimait la pragmatique; il dit qu'elle avait été faite par des prélats inférieurs, dans un temps de division et de schisme; qu'en diminuant l'autorité du pape, elle donnait lieu aux désordres et à la licence; qu'elle rompait l'unité qui doit être entre tous les royaumes chrétiens; qu'elle offensait l'Eglise romaine, mère de toutes les Eglises, d'où découlent toutes les lois sacrées, et que par ces raisons, qui devaient pénétrer le cœur d'un roi très-chrétien, il défendait de la suivre dans son royaume; il ordonnait qu'à l'avenir les papes y auraient la même autorité qu'ils y avaient eue dans les siècles précédens.

On fit à Rome des feux de joie pour un avantage qu'on n'eût jamais osé espérer : le pape en fut si transporté, qu'il fit déchirer publiquement dans les carre

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