Page images
PDF
EPUB

fours de cette ville les feuillets de la pragmatiquesanction, les fit traîner dans les boues, et envoya en France une bulle qui abolissait cette loi, qui n'est que l'abrégé des conciles de Constance et de Bâle, que Pie II avait approuvés, lorsqu'il était Æneas Silvius.

Le Parlement, mécontent de Louis XI, lui fit des remontrances sur la suppression de la pragmatique : il lui prouva qu'il n'avait pu abroger une loi qui tirait son autorité d'un concile écuménique; que depuis son établissement, les églises de France étaient pourvues de prélats vigilans et zélés pour la discipline; d'où il concluait que Louis XI était obligé de faire observer la pragmatique (1) dans son royaume (2).

(1) Libertés de l'Eglise gallicane, t. 1, Pragmatique-sanction, p. 37.

(2) « En suiuant lesdictes ordonnances anciennes et de« libérations dessus dictz, et aussi plusieurs notables décretz « faictz par l'Eglise vniuerselle aux sainctz concilles de << Constance et Basle conformes aux décretz anciens et aux << dictes ordonnances, le feu roy Charles septiesme, à qui «Dieu pardoint, le roy, lors dauphin, présent et plusieurs << de messeigneurs du sang et de la plus part des prélatz de <«< ce royaume et du Dauphiné et des vniuersitez, chapitres « et colleges, mesmes oys sur ce les ambassadeurs de nos<«< tre sainct Pere, et aussi les ambassadeurs du sainct con«< cile à tout qu'ilz voulurent dire, accepta les dictz décretz << anciens et modifications sur ce faictes par le roy et la« dicte Eglise de France, et manda les garder et obseruer « comme loy et ordonnance. Et fut faicte à Bourges, l'an << mil ccc XXXVIIJ. »

A Toulouse, le Parlement, par arrêt du mois d'avril 1462, vérifia les lettres qui supprimaient la pragmatique; mais il fit ajouter que c'était de trèsexprès commandement du roi, contenu dans ses lettres (1).

Louis X1, convaincu des raisons qu'on lui alléguait pour maintenir la pragmatique, n'insista pas sur la manière dont quelques parlemens firent enregistrer l'abrogation de cette loi; il consentit même en secret que Jean de Saint-Romain, son procureur-général au Parlement de Paris, s'opposât à l'enregistrement de ses lettres-patentes (2), et que l'université de cette

« Item, et que depuis ce temps le royaume, grace à Dieu, « a tousiours prospéré de bien en mieux, en grant gloire et « auctorité, craint et redouté de ses ennemis, et iceux en<< nemis expulsez des païs de Normandie et Guienne; a en « tous biens habondé iusque au temps présent, quod est nota « dignum : et encores fera se Dieu plaist.

[ocr errors]
[ocr errors]
[ocr errors]

Item, et laquelle loy ou ordonnance a esté gardée ius<< ques puis quatre ans, et ce par le temps de vingt-deux et vingt-trois ans a duré. Et ce pendant ont esté pourueuz « notables prélatz et autres gens de l'Eglise, qui ont ioy et «< vsé de leurs benefices paisiblement et sans inquietations, <«< et dont les aucuns par leur saincteté, post obitum suum « claruerunt miraculis; comme le feu éuesque Dangiers, Mi«chel l'archeuesque d'Arle, et autres plusieurs prélatz. » (Remontrances du Parlement au roy Loys onziesme, etc., art. 14, 16 et 17.) ( Edit. C. L.)

(1) Stylus Curice, p. 385, no 46. (2) Rég. du Parl., 1461.

1

ville en appelât au futur concile : mais ces faibles démarches d'un prince plus artificieux que ferme n'empêchèrent pas les abus de prévaloir; le clergé de France perdit le droit d'élire ses prélats, et le pape se vit l'unique dispensateur et le maître des bénéfices.

Geoffroi, qui avait rendu un si grand service au souverain pontife, attendait de lui de grandes récompenses ; il était déjà cardinal, abbé de Saint-Wast, de Saint-Denis et de Fécamp, Sachant que l'archevêché de Besançon et l'évêché d'Alby étaient vacans, il demanda au pape ces deux bénéfices. Pie, qui connaissait l'humeur altière de cet homme, lui dit que les canons défendaient de donner deux évêchés à une même personne, et qu'il pouvait opter. Le cardinal choisit Alby; mais offensé de n'avoir pu obtenir l'autre siége, il accusa le pape d'ingratitude, et revint en France. Cependant on crut à Rome, ou on voulut le faire croire, que la pragmatique était abolie : l'épitaphe de Pie II le suppose (1); mais les démarches de ses successeurs firent bien voir que les Français n'avaient pas encore abandonné cette loi.

Louis XI se repentit d'avoir été trop vîte. Pie II ne voulut point donner l'investiture du royaume de Naples aux princes de la maison d'Anjou, ni établir en France un légat français pour la distribution des

(1) In basilicâ D. Petri, ad altare S. Andreæ, cernitur Pii Il epitaphium, cujus hæc sunt verba: Pragmaticam in Galliâ abrogavit.

bénéfices: on était cependant convenu de ces deux articles; Louis XI s'était flatté de leur accomplissement de la part du pape, et, en conséquence, il avait supprimé la pragmatique; mais Pie II fit des vers en l'honneur du roi de France, et lui envoya une épée garnie de pierreries pour combattre les Mahométans. Le roi, mécontent de la cour de Rome, laissa agir les parlemens au sujet de l'observation de la pragmatique; néanmoins il ne se montra pas à découvert dans le rétablissement de cette loi, ne voulant point offenser la cour romaine, dont il pouvait avoir besoin: mais ayant appris que le pape donnait des grâces expectatives, qu'on vendait à Rome les bénéfices de France, et qu'on y portait l'argent du royaume pour en acheter, il défendit d'impétrer aucun bénéfice sans sa permission, et permit au procureur-général du Parlement d'appeler au futur concile des entreprises et des censures du pape.

Paul II, successeur de Pie II, mort en 1464, abrogea les expectatives, et fit entendre qu'il ne donnerait les bénéfices qu'à des sujets qui en seraient dignes: il disait souvent qu'un pape doit être un ange quand il fait des évéques; presque un Dieu quand il crée des cardinaux ; et que dans les autres actions de la vie, il faut lui pardonner d'étre un homme. Il parut avoir oublié cette maxime, lorsqu'il fit cardinal Jean Balue, ministre de Louis XI. Balue, fils d'un cordonnier de Verdun, s'éleva par ses intrigues aux premières prélatures: il fut évêque d'Evreux et d'Angers, abbé de Fécamp et de Saint-Thierry; le pape

Paul II le fit enfin cardinal, à la recommandation de Louis XI; tout se faisait à la cour par son ministère. Le pape, persuadé de son crédit, l'engagea à faire abolir derechef la pragmatique; Balue y réussit. Louis XI fit expédier les lettres qui confirmaient l'abolition de la pragmatique; Balue se chargea de les faire vérifier; il les présenta au Châtelet, qui les enregistra ; mais la difficulté consistait à les faire recevoir par le Parlement; cette cour ordonna que les lettres d'abolition seraient mises entre les mains de Saint-Romain, procureur-général.

Ce magistrat, après les avoir examinées, s'opposa à leur enregistrement. Il fit remarquer qu'en supprimant la pragmatique, on ôtait au clergé les élections, et aux ordinaires les collations des bénéfices; qu'on rétablissait les graces expectatives, les évocations en première instance en cour de Rome, et que par ce moyen on mettait le trouble et la confusion dans le royaume et dans l'Eglise :

Que la plupart des meilleurs sujets du roi ne manqueraient pas de se retirer à Rome, les uns pour y servir les cardinaux, et en obtenir des grâces; les autres, pour être officiers de la cour romaine, y poursuivre des procès et en attendre la décision, qui était toujours lente, et épuisait en frais les plaideurs : enfin, que les universités, la magistrature et le clergé du royaume seraient dépourvus de gens de mérite. Il insista sur les grandes dépenses que l'on serait obligé de faire, s'il fallait s'adresser à Rome pour les bénéfices, les dispenses, etc.; et pour rendre sensible le

« PreviousContinue »