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préjudice qu'en ressentait déjà l'Etat, il fit l'énumération des sommes que Rome en avait tiré pendant trois années, sous le pontificat de Pie II. Deux centquarante mille écus furent envoyés pour les bulles des abbayes et des évêchés qui vaquèrent pendant ce temps. Les provisions des prieurés, des doyennés et des prévôtés coûtèrent cent mille écus; enfin, les autres grâces et les dispenses montèrent à deux millions d'écus. Jean de Saint Romain ajouta que Louis XI, comme souverain, était le protecteur des droits et des libertés de l'Eglise gallicane, et qu'il ne pouvait conserver ce titre qu'en ordonnant l'exécution de la matique. Telles furent les raisons du procureur-général pour s'opposer à l'enregistrement des lettres-patentes qui supprimaient cette loi (1).

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(1) Voici les dispositions les plus remarquables de ces remontrances, telles qu'elles ont été formulées dans les publications du temps:

Art. 61. Et non pas seulement estoient molestés les gens d'Eglise par citations en court de Romme, mais estoient les séculiers, comme fut le barbier de devant Saint-Denis de la Chatre, qui perdit son filz en court de Romme, par peste, et depuis fut le pere cité en court de Romme pro debitis filii, et aussi maistre Jean d'Argonges, avocat du roy.

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Art. 63. «< Item, et pour ce monstrer, il est vray que « parauant lesdictz décretz et constitutions (la pragmati« que ), à l'occasion de ce que les réseruations et graces

expectatiues auoient cours, et que les causes estoient traic«<tées en court de Romme, les subiectz du royaume en

grand nombre délaisserent le royaume, allerent en court

Le cardinal Balue, irrité de cette opposition, menaça Jean de Saint-Romain de l'indignation du roi et

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« de Romme, les vns seruir cardinaux, les autres officiers; « les aucuns sans seruir y despendirent la substance de leurs « parens pour obtenir aucune grace, et les autres en bien grand nombre pour vexer et trauailler ceux qui estoient << demourans par deça pour auoir leurs bénéfices; et telle«ment que tant par la fatigation et péril du chemin, que « par la peste qui est souuent à Romme, la plupart de ceux qui allerent décedoient, et ceux qui eschapoyent desdictz périlz tellement molestoyent par citations les anciens im« potens ou non puissans d'eux deffendre qui résidoyent sur « leurs bénéfices, que à cause desdictz molestez en abbrégeoient leurs iours, et mouroyent auant le commun cours « de nature. »

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« Aucune fois se trouuoyent dix ou douze acceptans un « bénéfice : et sur le débat qui s'en mouuoit, il conuenoit << retourner pour plaider à Romme; tousiours à la vexation « des subiectz du roy et à la dépopulation du royaume. >>

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Art. 68. - « Item, et si lesdictz décretz n'auoient lieu << encores s'en yroit par an plus d'vn million. Car à con« sidérer le grand nombre des éueschez, archeueschez, abbayes et autres bénéfices qui sont en ce royaume sans « nombre, fault et si conuient dire que infini argent s'en <«< iroit à Romme, tant pour les vaccans que autres taxes et

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impostz, graces expectatiues, proces, comme pour le « voyage d'aller ou enuoyer, séiourner; et mesmement qu'il n'y a si petit bénéfice qui ne chée soubz grace, et aussi << sur vne petite collation, et si voyons par expérience dix << ou douze bulles expediées, et n'y aura nul qui ayt de

de la privation de sa charge. Le roi me l'a donnée, repartit le magistrat, et je l'exercerai jusqu'à son bon plaisir; et quand son plaisir serait de me l'ôter, faire le pourrait; mais qu'il était du tout délibéré de tout perdre avant que de faire chose qui fût contre son âme, ni au dommage du royaume et de la chose publique d'icelui (1).

Le Parlement applaudit à la fermeté de Jean de Saint-Romain; mais Balue, qu'elle avait offensé, força le roi de lui ôter la procure-générale : quelque habile que fût ce prince, il se laissait gouverner par son ministre. Il n'osa faire paraître le chagrin que lui causait cette destitution; cependant il fit à Jean de Saint-Romain des libéralités si considérables, qu'elles le dédommagèrent beaucoup au-delà de ce qu'on pouvait estimer sa charge.

La disgrâce apparente de Saint-Romain mit Balue en liberté de suivre son entreprise; il se flattait qu'il serait alors aisé de disposer du Parlement, par la crainte d'encourir l'indignation du roi, s'il persistait à refuser l'enregistrement de la suppression de la pragmatique: mais les vues du ministre échouèrent contre le zèle constant de cette cour en faveur de la pragmatique,

« quoy, qui ne se mette en auant pour cuider auancer son «< filz ou son parent, et souuent perdront leur parent et leur " argent. » (Edit. C. L.) (1) Tome 1 des Libertés de l'Eglise gallicane, Pragmatique-sanction, p. 39.

et l'Université en corps lui signifia un acte d'appel au futur concile.

La conduite du ministre et le mouvement qui paraissait parmi les ennemis de la pragmatique, firent appréhender que le roi n'eût quelque nouveau motif pour se déclarer contre cette ordonnance. Ce prince, informé que son frère, le duc de Berry, voulait épouser la fille du duc de Bourgogne, prit des mesures pour faire échouer ce mariage: il fallait une dispense; Louis XI promit au pape d'abolir entièrement la pragmatique, si Sa Sainteté la refusait. Cette affaire traîna en longueur; le roi en fut ennuyé, et prit la résolution de se réconcilier de bonne foi avec le prince son frère : il communiqua son dessein au cardinal Balue; son exécution fit peur au ministre : elle aurait fait tomber son crédit, parce qu'on aurait connu sa perfidie, qui avait entretenu la discorde entre ces deux princes.

Il craignait que la nature ne se fît entendre aux deux frères dans leur entrevue; il connaissait d'ailleurs le roi pour un esprit artificieux, capable de persuader le duc, que l'on surprenait facilement. Le cardinal écrivit au duc de Berry par un homme à qui il se fiait, que le roi voulait le tromper, et qu'il lui of frait la Guyenne en apanage, afin de l'éloigner des ducs de Bourgogne et de Bretagne, ses amis, les seuls qui pussent le soutenir contre les injustices de Louis XI. La lettre fut interceptée, et envoyée au roi; elle découvrait la perfidie du cardinal: le roi résolut d'en faire justice; mais il dissimula jusqu'à ce qu'il eût vu

son frère, et qu'il lui eût montré la lettre de Balue. Les deux frères plaignirent leur sort, et s'embrassèrent de bonne foi.

Le roi fit ensuite arrêter le cardinal, et demanda au pape des commissaires pour faire son procès. Le pape voulait soutenir le privilége que prétendaient avoir les cardinaux, de n'être jugés que par leurs confrères : il offrit, après bien du temps, de nommer des commissaires pour instruire le procès, qui ensuite serait jugé à Rome, en plein consistoire; mais le roi ne s'accommodait ni des expédiens ni des longueurs de la cour romaine; il envoya le cardinal Balue dans le château de Montbazon, et ensuite dans celui de Loche.

Le pape se plaignit au roi de l'affront qu'il faisait au sacré collége, en faisant enfermer un de ses membres avant qu'on lui eût fait son procès. Le roi répondit que Balue était un traître, qui méritait la mort; que son caractère et sa dignité de cardinal ne le mettaient point à couvert de la justice de son souverain; qu'il ne pouvait lui rendre la liberté sans exposer la France à de nouveaux troubles, et qu'il avait cru lui faire grâce en ne le condamnant qu'à une prison perpétuelle. Le cardinal Julien de la Rouere, légat en France, obtint enfin l'élargissement de Balue, qui se retira à Rome, où il mourut évêque d'Albane. La perfidie de Balue et les instances que fit le le rétablissement de ce cardinal, ouvrirent les yeux de Louis XI sur ce qu'il avait fait contre la pragmatique; il se repentit de l'avoir supprimée, et con

pour

pape

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