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Les députés se rendirent à Amboise, où était le roi; ils attendirent plus d'un mois sans avoir audience: enfin, le grand-maître de Montmorenci les présenta à Sa Majesté, qui, après avoir vu leurs remontrances, dit que son chancelier avait satisfait à toutes leurs raisons; et il ajouta, avec quelque émotion, « qu'il << n'y avait qu'un roi en France...; que le Parlement << ne devait se mêler que de la justice; qu'il voulait << que le concordat fût publié ; que si l'on poussait sa << patience à bout, il ferait suivre son Parlement comme << le grand-conseil, et qu'il ne mettrait plus des gens d'Eglise dans la magistrature: ils parlent, ils se «< conduisent comme s'ils n'étaient pas mes sujets, « et comme si je n'osais leur faire faire leur procès << et les condamner à perdre la tête (1). »

Les députés représentèrent à Sa Majesté que l'établissement du Parlement était contraire à cette résolution; le prince répliqua : Mes prédécesseurs l'ont ainsi ordonné; je suis roi, je puis disposer à ma volonté de mon Parlement; allez, et partez demain de grand matin.

Le monarque, offensé de trouver dans le Parlement une opposition si constante à ses ordres, chargea la Trémouille de lui dire qu'il voulait qu'on enregistrât le concordat sans opiner davantage...; qu'en partant le roi lui avait répété, plus de dix fois en un quart d'heure, que pour la moitié de son royaume,

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(1) Tome 1 des Libertés de l'Eglise gallicane, Pragmatiquesanction, p. 49.

il ne manquerait pas de parole au pape; et que si le Parlement n'obéissait, il trouverait le moyen de l'en faire repentir.

La Trémouille, par de semblables discours, intimida plusieurs magistrats; il en gagna quelques-uns, sous prétexte que le roi ne voulait point toucher aux libertés de l'Eglise gallicane, et que, dans le concordat, il ne s'agissait que d'une affaire purement politique. Il leur fit peur de la puissance et du ressentiment du prince, et leur insinua qu'une résistance trop opiniâtre n'était pas éloignée d'une rébellion et du crime de lèse - majesté. Jacques Olivier, premier président, répondit que la Cour en délibérerait, et qu'elle chercherait les moyens de contenter le roi.

Lelièvre, avocat du roi, représenta que le concordat était un traité fait entre le roi et le pape seulement, sur les droits du clergé; comme on ne pouvait déroger à ces droits, l'enregistrement du concordat ne tirait point à conséquence; que le clergé, d'ailleurs, ne serait ni appelé ni entendu; que les inconvéniens qui en arriveraient seraient faciles à réparer, et qu'un acte d'appel remédierait à ce que l'on pouvait appréhender.

Les gens du roi requirent que, si la Cour si la Cour procédait à l'enregistrement du concordat, ce fût avec ces modifications: Qu'elle le vérifiait par le commandement exprès du roi plusieurs fois réitéré; qu'elle n'entendait pas approuver la révocation de la pragmatique; que, dans les jugemens des procès, elle suivrait toujours cette loi établie par Charles VII;

qu'elle persisterait dans l'appel que le procureurgénéral avait interjeté du jugement rendu par l'assemblée de Latran contre la pragmatique; qu'elle renouvellerait son appel ad papam meliùs consultum et futurum concilium generale legitimè congregandum, et ad illum vel ad illos ad quem seu quos petendo apostolos instantissimè à l'évêque de Langres, pair de France, présent en la Cour, quos quidem apostolos dictus episcopus Lingonensis ad honorem Dei omnipotentis, prò Ecclesiæ gallicanæ, regni et reipublicæ præsidio et conservatione concessit reverentiales, et quales de jure, prò remedio opportuno secundùm temporis necessitatem, concedere potest et debet.

Le 21° de mars, le recteur de l'Université, accompagné de ses suppôts et de trois avocats qui formaient son conseil, présenta une requête à la Cour, tendante à faire recevoir ses oppositions à l'enregistrement du concordat. Le lendemain, le doyen et plusieurs chanoines de l'Eglise de Paris se rendirent au Parlement; ils protestèrent contre tout ce qui étant fait en faveur du concordat, serait préjudiciable à l'Eglise.

le

Le 24 de mars, le concordat fut publié par Parlement, en présence du seigneur de la Trémouille, mais avec les modifications que j'ai rapportées plus haut: cependant le recteur fit afficher une défense aux libraires d'imprimer le concordat, sur peine d'être retranchés de l'Université. Il publia ensuite un acte d'appel du pape mal conseillé au futur concile légitime. Cet acte fut reçu par le doyen de l'Eglise de

appuyés de cette démarche, déclamèrent contre le roi et le chancelier du Prat.

François I", surpris et fâché de ces discours, écrivit au Parlement d'en punir les auteurs. On en fit la recherche, et on ne trouva point les coupables; mais les prédicateurs cessèrent leurs invectives. Le roi rejeta sur l'Université une partie de ces désordres; il écrivit au recteur et à ses suppôts en prince qui a droit de commander et qui sait se faire obéir; il leur demanda qui les avait chargés du soin du gouvernement, pour vouloir se mêler de censurer sa conduite et celle de ses ministres; il menaça de punir les docteurs qui prêcheraient contre le gouvernement : il dit ensuite, pour les gagner, que le concordat avait sauvé ses sujets des maux dont ils étaient menacés par les ennemis de la France, et les assura qu'il travaillait à modifier avec le pape les articles qui pouvaient faire de la peine. En effet, Léon X, dans un rescrit, se contenta de l'annate des bénéfices consistoriaux à la nomination du roi, et déclara qu'en demandant des provisions pour les autres bénéfices, on ne serait point obligé d'exprimer leur juste valeur (1).

(1) On remarque néanmoins dans les suppliques que, par cette clause cujus fructus et reditus annui non excedunt vigenti quatuor ducatos auri de camerá secundùm estimationem communem, les Français ne prétendent point exposer la valeur des bénéfices qu'ils demandent : c'est une clause de supplique, soit que les revenus du bénéfice excèdent mille ducats, ou I. 10° LIV.

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Le roi envoya ce rescrit au Parlement pour y être enregistré; il fut imprimé à la suite du concordat.

La lettre de François Ier fut suivie d'un édit daté d'Amboise, le 25 d'avril 1518. Ce prince y défendait au recteur et aux suppôts de l'Université de s'assembler pour des choses qui concernent le gouvernement et la police du royaume, sur peine d'être privés de leurs priviléges; ce qui leur fut aussi défendu par le

Parlement.

Quant à l'exécution du concordat, la France était

qu'ils soient au-dessous de vingt-quatre. (Tome 6 des nouveaux Mémoires du clergé, col. 1007, 1008.)

Voici l'origine de ce style, qui ne signifie rien suivant les Français. Jean XXII et ses successeurs exigèrent l'annate des bénéfices dont le revenu annuel excédait vingt-quatre ducats. La pragmatique-sanction fit, en France, cesser cet abus. Les successeurs de Léon X entreprirent de le faire revivre; mais le roi et le clergé de France s'y opposèrent: cependant, pour ne pas tout à fait contredire Rome, et pour faciliter les expéditions des bénéfices, on crut pouvoir admettre la clause cujus reditus annui non excedunt viginti quatuor ducatos auri, sans néanmoins s'engager à payer l'annate des bénéfices dont le revenu excéderait vingt-quatre ducats. Cet usage des Français est connu à Rome, leur supplique pour tous les bénéfices qui ne sont pas consistoriaux, porte que le revenu ne passe point vingt-quatre ducats; les officiers pape l'admettent même dans des provisions sur une résignation en faveur, quoique le résignant se réserve une pension de mille ducats sur le bénéfice résigné. La cure de Saint-Eustache de Paris a été résignée avec la réserve d'une pension de six mille livres.

du

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