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partagée en deux partis : les parlemens, contraires à ce traité, défendaient la pragmatique - sanction avec d'autant plus d'ardeur, qu'ils croyaient que la conservation des mœurs et du bon ordre en dépendait; les autres, qui regardaient l'observation de la pragmatique ou du concordat comme des choses indifférentes, voulaient qu'on se soumît à la volonté du roi.

Le chancelier représentait que, selon l'exigence des temps et du bien public, le salut de l'Etat devait être la première de toutes les lois; que toutes ont été faites dans la vue de le prouver; et qu'une loi cesse de l'être, lorsqu'elle devient préjudiciable au bien public. Il ajoutait que la pragmatique n'était qu'une constitution humaine, qui avait été abrogée parce que les besoins de l'Eglise et du royaume le demandaient; qu'on lui avait substitué le concordat, qui pourrait un jour être supprimé si la conjoncture des temps et le bon ordre l'exigeaient; que c'était aujourd'hui la règle qu'il fallait suivre dans la distribution des bénéfices, si l'on voulait arrêter les maux dont le était menacé. Ce fut en effet celle que royaume suivit le grand-conseil, qui cependant n'a point enregistré le concordat; et le Parlement a continué de faire valoir la pragmatique dans sa jurisprudence sur les bénéfices. Quelques exemples rendront sensible cette opposition.

Tristan Sallazard, archevêque de Sens, étant mort l'onzième de février 1518, le roi fit défense au chapitre de procéder à l'élection d'un successeur; il nomma à ce siége Etienne Poncher, évêque de Paris.

L'autorité du prince embarrassa les chanoines ils étaient sûrs que leur droit d'élire serait soutenu par le Parlement; néanmoins, pour ne pas offenser le roi, et en même temps conserver leur prérogative, ils élurent Etienne Ponchet, qui prit possession au mois de juillet 1519.

Le chapitre d'Alby ne fut pas si politique; il procéda à l'élection d'un nouvel évêque, pour remplacer celui qui venait de mourir. Le roi nomma à ce siége suivant le concordat; celui que le prince avait nommé obtint des bulles du pape; cette affaire fut portée au parlement de Toulouse, et ensuite évoquée à celui de Paris. Le roi manda le président et le rapporteur, et leur enjoignit de juger suivant le concordat; le Parlement néanmoins suivit la pragmatique; son arrêt fut favorable au sujet élu, ce dont le roi fut très-offensé.

Ce prince fut moins choqué de la décision du pape touchant celui qui devait occuper le siége de Bourges: le chapitre élut de Beuil, et le roi nomma Petit, son confesseur. Petit appela de l'élection au saint Siége; le procès y dura dix-huit mois. Léon X confirma l'élection de de Beuil, attendu le privilége de l'élire, que Rome ne contesta pas alors au chapitre de Bourges.

Beuil étant mort le 15 de mars 1524, les chanoines furent partagés sur l'élection de son successeur : les uns élurent de Breuil, les autres François de Tournon. Clément VII, auquel ce différend fut porté, jugea en faveur de Tournon, depuis cardinal: ce par

tage entre les chanoines fit tort à leur droit d'élection; le roi nomma les évêques successeurs du cardinal de Tournon, et n'eut aucun égard aux protestations du chapitre de Bourges.

Dans les affaires de particulier à particulier, les protestations servent quelquefois à conserver le droit en son entier; mais elles semblent inutiles en matière de gouvernement et de politique, surtout lorsqu'on ne les fait qu'après que les choses sont consommées : ceux qui sont les plus forts mesurent toujours leur droit sur leur autorité; ainsi pensait le grand Cosme, duc de Florence (1).

François Ier ayant dessein de passer les Alpes pour faire la guerre à l'empereur, déclara la princesse sa mère régente du royaume, et le chancelier du Prat principal ministre. La prise du roi, à la bataille de Pavie, jeta la consternation dans toute la France. Le Parlement, pour soulager la régente, eut beaucoup de part au gouvernement : la princesse lui communiquait les affaires importantes. On remarque dans les registres de cette Cour que la régente, après avoir entendu les plaintes de la compagnie au sujet du conconcordat, dit aux députés : qu'elle faisait conscience de faire exécuter le concordat; qu'elle craignait que l'abolition de la pragmatique ne fût cause de la ruine de l'Eglise gallicane; qu'elle l'était du malheur arrivé au roi son fils. Dès que le roi sera délivré, ajouta-t-elle, j'agirai pour faire révoquer le

(1) Ammir., disc. 1 sur Tacite.

concordat, et rétablir le clergé dans ses prérogatives (1).

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Le jour de la prise du roi, 1524 (1525), mourut Et. Poncher, archevêque de Sens. La régente fit défendre au chapitre de procéder à une élection. Les chanoines n'eurent aucun égard pour cette défense; ils élurent Jean Sallazard, neveu de Tristan. La régente fit saisir les revenus des chanoines, et nomma le chancelier du Prat. Le chapitre appela au Parlement de cette saisie et de la nomination. Arrêt d'appointé au conseil, et cependant main-levée de la saisie. Les chanoines présentèrent à la Cour un relief d'appel de l'assignation qui leur avait été donnée à la requête du procureur-général du grand-conseil, appelant comme d'abus de l'élection de Sallazard. La Cour répondit à la requête du chapitre : Vadant ad regem. Cette réponse parut d'autant plus surprenante, que le chancelier du Prat, nommé par la régente à l'archevêché de Sens, était chef du conseil, par conséquent juge et partie en même temps. La régente, pressée par le Parlement de répondre à ses remontrances, dit qu'on ne pouvait contrevenir au concordat, et encore moins l'abroger sans faire injure au roi; mais que le clergé serait rétabli dans toutes ses prérogatives, dès le que roi aurait recouvré sa liberté.

La nomination du chancelier du Prat à l'abbaye de Saint-Benoît-sur-Loire, fut un second sujet de

1

(1) Fol. 411. Reg. du conseil, commençant à la SaintMartin 1524.

trouble entre la régente et le Parlement. Les moines voulurent procéder à l'élection, prétendant qu'ils avaient ce droit, et que, d'ailleurs, l'abbaye ne pouvait être donnée qu'à un régulier; qu'ainsi la nomination du chancelier était nulle. Poncher, évêque de Paris, soutenait secrètement les religieux; il travaillait à se faire élire : le désordre qui troublait l'abbaye obligea le Parlement d'y envoyer des commissaires, Hennequin et Disque, conseillers. Le chancelier avait évoqué cette affaire au grand-conseil; les commissaires, malgré cette évocation, dressèrent un procès-verbal de tout ce qui s'était passé dans l'abbaye, et revinrent à Paris pour en faire leur rapport au Parle

ment.

Le président de Selve, et Verins, conseiller, qui étaient auprès de la régente, l'informèrent des troubles de l'abbaye de Saint-Benoît : la princesse en parut touchée; mais le chancelier fit agir le grand-conseil contre les commissaires; ils y furent ajournés. La régente, craignant les suites de cette affaire, écrivit au Parlement qu'elle était fâchée de l'avoir commis avec le grand-conseil; et que, pour terminer ce différend, elle l'avait évoqué à elle-même. Les lettres d'évocation furent envoyées à la Cour, on en fit lecture; et Lizet, avocat du roi, après avoir exposé les conséquences de cette conduite, conclut à faire des remontrances à Madame, à défendre aux parties de poursuivre ailleurs qu'au Parlement, et de comparoir au grand - conseil, sous peine de perdre leur cause et de cent marcs d'or. Le Parlement rendit un arrêt

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