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« Le Parlement déclara, par un arrêt, que la pu«blication du concordat était contraire aux conciles « de l'Eglise universelle et aux libertés de l'Eglise << gallicane. >>

« Je ne parlerai point, continua l'ambassadeur, « de ce qui se fit dans la suite (c'est-à-dire des «moyens qui furent employés); Sa Sainteté pourra << l'apprendre des actes de la Cour de Parlement, que «< j'ai apportés, et des appels que l'Eglise gallicane, « le procureur-général du roi et l'Université de Paris << ont interjetés avec justice de l'abrogation de la prag<«< matique, dont je suis en état de produire les actes << en bonne forme. »

Le pape vit bien que le roi était mécontent, et qu'il ne l'était que parce qu'on lui contestait la nomination aux grands bénéfices de Provence, de Bretagne et du Dauphiné. Paul III l'avait disputée à François Ier (1). Pie IV eut beaucoup de peine à en convenir : enfin, il envoya deux bulles (2) à Charles IX, qui supprimaient le privilége d'élire, dont plusieurs chapitres et abbayes prétendaient être en possession, et laissaient au roi le pouvoir de nommer aux prélatures du Dauphiné, de Provence et de Bretagne. Le pape ajouta que ses prédécesseurs avaient permis la

(1) Mémoire de M. Brulart, procureur-général, en 1548; t. i des Lib., etc.

(2) M. de Peirac a communiqué les originaux de ces deux bulles à M. Dupuy; elles sont de 1564.

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même chose aux rois de France depuis la Pragmatique-sanction.

Le roi, content de la conduite du pape, ne parla plus de rétablir les élections; il oublia la pragmatique, et suivit le concordat dans la nomination aux bénéfices. En 1568, mourut M. Viole, évêque de Paris. Le lieutenant civil, le prévôt des marchands et les échevins sommèrent les chanoines de la cathédrale de procéder à l'élection; mais Charles IX les prévint: il nomma Pierre de Goudy, qui était évêque de Langres.

Aux Etats de Blois, en 1576, les chapitres demandèrent le rétablissement des élections; ils remontrèrent que c'était l'unique moyen de donner de bons évêques à l'Eglise. Sur cette demande, on mit en question si les élections étaient de droit divin. Plusieurs députés tinrent l'affirmative (1); mais de Saintes, évêque d'Evreux, soutint le contraire; ce qui donna lieu au prévôt de Toulouse de citer une épître préliminaire dont de Saintes était l'auteur, et où il disait que tous les maux de l'Eglise gallicane venaient de la suppression des élections. Monsieur, ajouta-t-il, parlant à de Saintes, je vous condamne par votre propre bouche, c'est-à-dire par vos écrits.

Depuis plusieurs années, Pierre Danès voulait se démettre de son évêché de Lavaur en faveur du savant Genebrard. Henri III promit son consentement (2);

(1) Mémoires de Taix, doyen de l'église de Troyes. (2) Genebrard fut depuis archevêque d'Aix : quoique

mais le secrétaire d'Etat trouva moyen de faire traîner cette affaire en longueur. Pierre Danès, ennuyé de cette conduite, pria les Etats- généraux de l'aider de leur crédit auprès du roi. La noblesse seconda son dessein; mais le tiers-état s'en excusa, parce qu'on travaillait dans l'assemblée à rétablir les élections. En effet, il y eut un projet dressé, mais qui est demeuré projet.

Le clergé de France, en 1579, renouvela son zèle pour le rétablissement de la pragmatique; il fit à Henri III des remontrances contre le concordat. En voici la teneur : « Nous ne pensons faillir, sire, quand «<nous disons qu'il eût été très-utile au pape et aux << rois de France que le concordat n'eût jamais été << fait; car, depuis, l'Eglise de France a décliné, les « hérésies à l'instant ont pris leur commencement, et << se sont accrues comme nous les voyons. L'état de l'Eglise, durant que les élections étaient en vigueur, «< comparé à celui qui a suivi vos nominations, montre <«<assez combien il importait à l'Eglise que le droit « des élections demeurât en son entier : aussi notre << Parlement prévoyait bien la grande plaie que ·le

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grand ligueur, il soutenait les élections des évêques et des abbés. En 1593, il fit un Traité de jure sacrarum electionum et earum necessitate ad Ecclesia gallicana redintegrationem : iĮ s'efforce d'y montrer qu'il faut rétablir les élections conformément à la pragmatique. L'auteur de cet ouvrage dit plusieurs choses désavantageuses aux rois Louis IX, François Ier et Henri III.

clergé de France et votre royaume recevraient, quand il ne voulut jamais approuver l'abrogation de & la Pragmatique-sanction, laquelle il a jugé être con<< servatrice du droit commun, et un très-fort obstacle <«< contre tous les abus qui depuis y sont entrés. »>

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En 1585, le clergé fit un effort pour faire supprimer le concordat; il dit dans ses remontrances adressées à Henri III: Le roi François Ier étant près de mourir, déclara à son fils Henri II qu'il n'avait rien dont il tint sa conscience si chargée, que de ce qu'ayant ôté les élections, il s'était chargé de la nomination aux églises et aux monastères (1).

(1) I. Le concordat a si peu été regardé comme une loi perpétuelle et irrévocable, qu'il n'a jamais été exécuté dans sa totalité : il est certain que les papes et les rois de France n'ont pas tardé à déroger à plusieurs articles de ce traité.

II. Les atteintes données à la pragmatique ont causé des troubles et des scandales dans l'Eglise et dans l'Etat. Louis XI, qui voulait abolir la pragmatique, donna indifféremment dés évêchés à des hommes sans naissance et sans vertu il éleva sur les siéges d'Arras et d'Alby le cordelier Jofredi, franc-comtois, fils d'un paysan, un des plus méchans hommes de son siècle. Balue, fils d'un tailleur, d'autres disent d'un meunier de Saintonge, ignorant, sans probité et sans foi, obtint de Louis XI les évêchés d'Evreux et d'Angers. François Ier fit moins de fautes dans le choix des personnes qu'il nomma aux bénéfices: s'il se tint en garde contre les roturiers qui recherchaient avec passion les prélatures, et si parmi ces derniers il ne donna des prélatures qu'à ceux que

Cependant, plusieurs écrivains ont entrepris la défense des nominations aux bénéfices accordées au roi par le concordat; quelques auteurs, parmi eux, ont réduit ce droit à un simple patronage, tel que le roi l'exerce pour d'autres bénéfices dont il a toujours eu la nomination. Un patron laïc qui présente à des bénéfices, disent-ils, n'usurpe point l'autorité spirituelle: l'évêque donne seul l'institution ecclésiastique, comme pape la donne sur le brevet et la nomination des les évêchés et les abbayes.

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D'autres ajoutent que le roi nomme non seulement à ces bénéfices comme patron, mais encore comme magistrat politique, protecteur de l'Eglise et fondateur. Il est, disent-ils, de l'intérêt du clergé que les évêques soient agréables au roi, afin d'être appuyés de sa protection; leur nomination intéresse l'Etat, où les prélats tiennent un rang considérable; ils sont ducs, comtes, seigneurs hauts-justiciers, feudataires, et quelques-uns pairs du royaume : ainsi, le souverain doit s'assurer de leur fidélité et de leur capacité. Mais l'élection exclut-elle ou affaiblit-elle les devoirs des prélats envers le souverain?

leurs vertus et leurs talens élevaient beaucoup au-dessus de leur naissance, il n'opposa pas la même digue à l'ambition de la noblesse.

François Ier demandait un jour au président de Selve, s'il connaissait les dispositions de ceux qu'il avait nommés aux bénéfices: J'en sais une, répondit ce magistrat, ils regardent la qualité d'évêque comme la plus éminente, et celle d'abbé comme la plus commode. (Edit.)

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