Page images
PDF
EPUB

.

Bordeaux, et eurent bientôt après un cimetière particulier. Enfin, au mois de juin 1723, de nouvelles lettres - patentes données à Meudon les confirmèrent dans leurs priviléges; et ce fut alors que, pour la première fois, ils furent reconnus légalement pour être de la religion juive, et que la qualification de Juifs leur fut officiellement donnée. Ils payèrent, pour ces lettres, un droit de joyeux avènement de 110,000 liv. Louis XVI confirma leurs priviléges par des lettrespatentes de 1776, dont les termes sont très-honorables pour eux.

On vient de dire que les Portugais établis à Bordeaux ne furent publiquement reconnus pour Juifs qu'en 1723 cinq ans après, un arrêt du conseil défendit aux supérieurs de couvens et communautés religieuses de recevoir, sous prétexte de religion, les enfans de ces Juifs avant l'âge de douze ans.

Il existait aussi, avant la révolution, quelques Juifs portugais à Paris et à Marseille.

Les Juifs établis en France se distinguent en trois races : les Portugais, dont il vient d'être question; les Avignonais et les Allemands. Les Juifs avignonais sont, selon toute apparence, comme les femmes, originaires d'Espagne et de Portugal. Il s'en trouvait beaucoup dans le Midi; mais le nombre en était fort petit dans les autres provinces. Ceux du Comtat venaissin étaient obligés de porter un chapeau jaune - orangé, et les femmes un ruban de la même couleur sur leur coiffe. Ils vivaient suivant leurs lois et coutumes; ils nommaient des personnes pour les administrer et pour

faire, sous l'approbation de la police locale, les règlemens nécessaires pour le maintien de leur police intérieure. Ces personnes étaient appelées baylens.

Quant aux Juifs allemands, ils étaient établis dans l'Alsace, la Lorraine et les Trois-Evêchés, long-temps avant que ces provinces fissent partie du royaume de France. A Metz surtout il y en a eu depuis les temps les plus reculés; mais ils y furent souvent inquiétés et persécutés. Enfin, le 6 août 1567, le maréchal de la Vieuville, gouverneur de cette ville, permit à quatre familles de s'y établir, moyennant une somme de 200 écus comptant, et une redevance annuelle de 200 francs messins. Le duc d'Epernon renouvela, en faveur de leurs descendans, cette permission de séjour l'an 1603; et le roi Henri IV, par deux déclarations, l'une de cette même année et l'autre de 1605, les autorisa définitivement à se fixer à Metz : ils avaient pour lors une synagogue. Louis XIII, Louis XIV et Louis XV confirmèrent, à diverses reprises, leurs priviléges ils payaient au roi un droit d'habitation et de protection dont, à l'époque de la révolution, le duc de Brancas jouissait par concession spéciale. Cette redevance était de 20,000 liv. par an; plus, 450 liv. à l'hôpital de Saint Nicolas de Metz, 175 liv. à la ville, et 200 liv. au vicaire de la paroisse.

y

Régis intérieurement par des règlemens particuliers, ils étaient tenus de porter un costume distinctif: c'était un chapeau sans forme, un petit manteau noir, un rabat blanc et une longue barbe. Ils ne pouvaient posséder d'autres immeubles que les maisons

qu'ils habitaient. Les filles ou veuves juives de Metz et du pays Messin ne pouvaient se marier à des Israé. lites étrangers. Ils ne pouvaient entrer dans les communautés d'arts et métiers. Les professions qu'il leur était permis d'exercer étaient celles de brocanteurs, fripiers, prêteurs sur gages, marchands de chevaux et de bestiaux, etc. Ils pouvaient cependant faire le commerce de marchandises neuves venant de l'étranger, mais sans tenir boutique ouverte.

Louis XIV accorda, dans l'année 1681, aux Juifs d'Alsace, tous les priviléges dont jouissaient ceux de Metz; mais en 1784 ils en recurent de beaucoup plus étendus. Il leur fut permis de se livrer à toute sorte de commerce en gros et en détail. Ils jugèrent les contestations civiles qu'ils avaient entre eux, avec droit d'appel aux tribunaux ordinaires; les sentences des grands rabbins devenaient exécutoires en vertu d'un exequatur ou pareatis délivré par le juge ordinaire. Dans la même année 1784, ils furent affranchis de divers péages corporels qu'ils devaient à l'évêque de Strasbourg et à la noblesse immédiate de l'Alsace. Ils restèrent néanmoins soumis à une foule de difficultés et de distinctions: ainsi, ils ne purent ni témoigner en justice criminelle contre les chrétiens, ni se marier sans le consentement du gouvernement, ni tenir des cabarets, ni loger dans la même maison que des chrétiens. On remarquera que, dans l'année 1775, une exception spéciale et fort honorable fut faite en faveur de la famille Cerf-Berr, qui obtint, la première, le droit de demeurer dans la ville de Strasbourg, fut

pleinement naturalisée, et autorisée à acquérir des immeubles.

Nous ferons observer, enfin, qu'avant la révolution les Juifs n'avaient d'existence légale que dans les provinces du Midi dont nous avons parlé, dans l'Alsace, la Lorraine et les Trois-Evêchés: à Paris, ils n'étaient que tolérés, demeurant sous l'inspection de la police, et obligés de faire renouveler tous les trois mois la permission de séjour qui leur était accordée.

27

I. 10e LIV.

[ocr errors][ocr errors][merged small][merged small]

DEPUIS LES PREMIERS TEMPS DE LA MONARCHIE,
JUSQU'AU DIX-HUITIÈME SIÈCLE (1).

Toute religion se compose de deux parties également obligatoires, la croyance intérieure et le culte visible. C'est en vain que des philosophes ont prétendu que la religion pouvait être toute de sentiment, sans se manifester par aucun acte extérieur. En supposant même que, par une adoration tacite, l'homme pût accomplir tous ses devoirs envers Dieu, il ne remplirait point ceux qui lui sont imposés envers ses semblables. L'homme vertueux doit aux autres le tribut de son exemple; et l'être matériel ne pouvant juger que de ce qui frappe les sens, une religion que n'accompagne aucun culte sensible est, à l'égard des autres hommes, comme si elle n'existait point.

Or, le culte extérieur se composant d'une suite d'actes, et les hommes qui vivent en société devant

(1) Extrait du Traité de La Marre et de la Collection des Ordonnances de France, par l'édit. J.-C.

« PreviousContinue »