Page images
PDF
EPUB

nales, et qu'ils défendirent les sacrifices humains dans les Gaules: Sustulit druidas eorum, et hoc genus vatum medicorumque (1)........ non satis æstimari potest quantùm Romanis debeatur qui SUSTULERE MONSTRA in quibus hominem occidere religiosissimum

erat......

Au reste,

il n'est pas facile de se persuader que les Gaulois aient renoncé tout d'un coup à leurs principes cruels d'une religion inhumaine; et s'ils n'y ont pas renoncé, ils ont dû être portés à en pratiquer les cérémonies en secret, quand ils le pouvaient faire avec sûreté. Ceux qui ne pouvant plus sacrifier d'hommes publiquement, versaient encore quelques gouttes de sang humain sur les autels à la vue des Romains, selon que nous l'apprend Pomponius Mela, ceux-là étaient sans doute très-disposés à égorger les victimes mêmes, quand on n'éclairait pas leur conduite. Qui pouvait empêcher un grand seigneur gaulois, établi dans une province écartée, de sacrifier quelqu'un de ses esclaves, sur lesquels on exerçait alors un pouvoir absolu? Il n'y eut sans doute qu'une religion contraire qui put effacer ces impressions enracinées; et avant qu'elles fussent éteintes, il a dû y avoir dans les Gaules un temps où les anciens habitans du pays étaient idolâtres, à la romaine extérieurement, et à la gauloise intérieu

(1) Les druides fouillaient dans les entrailles des victimes humaines pour y trouver le présage de l'avenir. Homines sacris devoti gladio tergum ferientes ex ejus palpitatione ariolabantur. (Strab., liv. 4. Voy. aussi Diodore de Sic., liv. 9, ch. 9.)

rement et secrètement; c'est ce que prouve un passage de Tertullien, qui dit en parlant aux Romains : « On pratique encore à présent en secret les sacrifices d'enfans en Afrique. Les chrétiens ne sont pas les seuls qui vous méprisent; on sacrifie des hommes faits à Mercure dans les Gaules (1). »

Ainsi je crois pouvoir avancer qu'il n'y a eu aucune persécution religieuse exercée dans les Gaules contre la religion du pays, et que les druides n'ont pas cessé d'être les ministres du culte gaulois. On ignore absolument le détail des changemens qui arrivèrent dans l'ordre des druides sous le gouvernement des Romains. On ne sait s'ils continuèrent de former un seul corps, et s'ils conservèrent leur chef. On ne sait pas non plus si les druides de chaque cité formaient des corps différens, et quelle espèce de subordination subsistait parmi eux: on ne trouve rien sur cela dans les anciens. On ne pourrait donc proposer sur tout cela que des conjectures absolument destituées de preuves, et il vaut mieux avouer de bonne foi notre ignorance.

Tout ce que nous savons, c'est que l'ordre des druides

subsista dans les Gaules jusqu'à l'entière destruction de l'idolâtrie, et qu'ils avaient la confiance des peuples. Réduits aux seules fonctions civiles, ils avaient rare

(1) Sed et nunc in occulto perseverat hoc sacrum facinus: non soli vos contemnunt christiani, nec ullum scelus in perpetuum eradicatur, aut mores suos aliquis Deus mutat... Major ætas apud Gallos Mercurio prosecatur. (Tertull., Apolog., c. 9.)

ment part aux évènemens généraux, et l'histoire a eu par conséquent fort peu d'occasions d'en parler.

Le christianisme a rendu le nom de druides aussi odieux qu'il avait été jusqu'alors respectable: on ne le donne plus, dans les langues gauloise et irlandaise, qu'aux magiciens et aux sorciers. On le trouve pris en ce sens dans les monumens anglo-saxons du sixième siècle (1).

SECONDE PARTIE.

De la religion et de la morale des anciens Gaulois.

Après avoir exposé ce qui concerne le gouvernement religieux des anciens Gaulois', il serait à souhaiter que nous eussions plus de connaissance de leurs dogmes que nous n'en avons. Malheureusement il ne nous reste d'autres lumières sur la religion de nos premiers pères que ce qu'en ont écrit des auteurs qui n'étaient guère en état de se former une juste idée des mystères gaulois (2).

(1) On dit proverbialement : C'est un vieux druide, il pourra nous donner de bonnes instructions. On dit encore, à peu près dans ce dernier sens : C'est un vieux routier.

(2) Je dis que la religion des Gaulois consistait dans de véritables mystères, parce que c'était une loi fondamentale de leur république de ne point révéler aux étrangers les principes de leur système religieux. Les druides les cachaient à leur propre nation, et les enveloppaient sous des fables, sur lesquelles ils fondaient des pratiques puériles, superstitieuses ou même barbares.

Nous en avons un exemple bien sensible dans la manière dont presque tous les anciens ont parlé des Juifs. La religion de Moïse, très-simple et même trèsphilosophique, ne proposait aucun dogme difficile à concilier avec la raison. Les Juifs étaient répandus par tout l'univers connu; ils avaient des synagogues dans presque toutes les villes considérables de l'Asie mineure, de la Grèce et de la Syrie; ils étaient même en grand nombre à Rome; les livres de leur loi étaient traduits dans une langue entendue de tout le monde. Nous voyons cependant qu'on avait une idée absolument fausse de leur religion. Il suffit de se rappeler ce qu'en ont dit Strabon, Diodore, Tacite, Plutarque, etc., pour se convaincre que malgré la facilité qu'on avait d'approfondir le système religieux des Juifs, les écrivains les plus habiles et les plus curieux avaient négligé de s'en instruire. Il en est de même de la doctrine des chrétiens. Les disciples de Jesus-Christ étaient répandus par tout l'univers; ils cherchaient avec ardeur à se faire des prosélytes, et les livres qui contenaient leurs dogmes étaient connus de tout le monde. Malgré cela, les païens n'en avaient absolument aucune connaissance.

On doit juger par-là du degré de créance que méritent César, Diodore, Strabon, Pomponius Mela, Lucain, etc., lorsqu'ils parlent d'une religion dont les druides gaulois ne découvraient le fond qu'à ceux de leur ordre. Jules-César mérite sans doute beaucoup de foi quand il parle de l'ordre politique des Gaules, où il avait demeuré près de dix ans, mais il lui était im4

I. 10 LIV.

possible de pénétrer des mystères qu'on ne cherchait pas à lui faire connaître. Les autres écrivains n'en ont guère parlé que par occasion, presque toujours d'une manière peu détaillée, souvent même sans les connaître autrement que par les rapports vagues et peu exacts de gens qui n'avaient eu qu'un commerce passager avec les Gaulois, qui n'avaient consulté que des personnes qui ne voulaient pas les instruire, ou qui n'étaient pas elles-mêmes au fait du vrai système de leur propre religion.

Il y a, au reste, une réflexion générale à faire sur tout ce que les Grecs et les Romains ont dit des religions étrangères; ils voulaient que ces religions fussent au fond la même que la leur; c'était en particulier une maxime fondamentale de la théologie des Romains, et ils regardaient l'opinion contraire comme une absurdité. En effet, dans le préjugé que leurs dieux existaient réellement, ils devaient penser que ceux des peuples barbares ne différaient des leurs que par les noms que chaque nation leur donnait. Ils n'ont donc pas manqué de le croire et de l'écrire. Quelques-uns de nos écrivains modernes ont suivi le préjugé des Romains, en dérivant des Juifs les cérémonies et les superstitions qui étaient en usage chez les Gaulois (1).

Tout cela n'empêche pas néanmoins qu'on ne puisse

(1) C'est sur ce principe que l'empereur Julien a dit que le Dieu des Juifs et des Chrétiens était un Dieu véritable, quoiqu'il ne fût pas honoré par les Juifs et par les Chrétiens comme il devait l'être.

« PreviousContinue »