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Le meurtre d'un étranger était puni beaucoup plus sévèrement que celui d'un citoyen. Il en coûtait la le premier de ces crimes, au lieu que celui qui avait commis le second en était quitte pour un bannissement (1).

pour

C'est à ces sentimens d'honneur et de vertu qu'il faut attribuer la fidélité dont les Gaulois se sont toujours piqués à remplir leurs engagemens et à tenir leurs promesses. On connaît la condition des anciens Soldurii. Ils s'affectionnaient aux grands seigneurs, et faisaient vou de vivre et de mourir avec eux; il n'y avait point d'exemple qu'ils eussent jamais survécu à ceux avec lesquels ils avaient contracté cette sorte d'engagement.

Il faut cependant convenir que les druides, qui avaient, à certains égards, donné aux Gaulois de bons principes de morale, avaient peu songé à les prémunir contre les abus de la violence, que sans cesse on leur prêchait sous le nom de bravoure et de courage: il semblait que la justice ne fût nécessaire que de Gaulois à Gaulois, et que tout leur était permis vis-àvis des autres peuples. Lorsque les ambassadeurs ro

viam esse Herculeam dictam, per quam si Græcus aut indigena iter faciat, observatur ab incolis ne ullâ injuriá efficiatur; mulctam enim pendunt illi apud quos viator damnum passus est. (Arist., de Mir. Aud., t. 1, p. 706.)

(1) Graviorem pœnam apud Celtas luit, qui peregrinum quàm qui civem interemit; ille enim morte mulctatur, hic exilio. (Nicol. Damasc, ap. Stob., Serm. 165, p. 470. )

mains représentèrent à nos anciens Gaulois que les Clusiens, qu'ils attaquaient, ne leur faisaient aucun mal: « Y a-t-il d'autre raison d'attaquer un pays, ré« pondit Bremius, chef de ce peuple belliqueux, que « de voir occupé par d'autres un terrain qu'on trouve « à sa bienséance? Tout n'appartient-il pas aux plus « forts? Nous portons notre droit à la pointe de nos épées (1). »

Les vertus proprés aux femmes, dans les différens états, n'étaient pas certainement oubliées par les druides et par les druidesses. Nous avons plusieurs preuves historiques de l'attachement des dames gauloises à leurs devoirs. Il suffira de rappeler ici la célèbre Epponina, qui donna l'exemple d'un amour et d'une fidélité conjugale éprouvée par les plus grands malheurs, et soutenue avec une constance vraiment héroïque. Le mot de la fameuse Chiomara, Galate, à son mari, en lui présentant la tête du centurion romain qui l'avait violée, paraît avoir été un principe adopté par toutes les femmes de cette nation (2).

(1) Se in armis jus ferre, et omnia fortium virorum esse respondens. ( Tit. Liv,, Decad. 1, liv. 5.) Quelle brutale réponse! Elle est cependant préférable aux manifestes que la plupart des princes publient pour justifier les guerres injustes qu'ils entreprennent.

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(2) « Lorsque les Romains, sous la conduite de Cneus Scipion, défirent les Galates, habitans en l'Asie, il advint « que Chiomara, femme d'Ortiagonte, fut prise prisonnière << de guerre avec les autres femmes des Galates. Le capi

La polygamie n'a jamais été connue des Gaulois; on le prouve par ce que César rapporte (1) de leurs conventions matrimoniales, dans lesquelles on voit des vestiges évidens de la communauté de biens qui est en vigueur entre les personnes mariées parmi nous, et qui suppose nécessairement que les Gaulois n'avaient qu'une seule femme; communauté, au

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<«<taine qui la prit usa de son aventure en soudard, et la « viola. Or, s'il était homme sujet à son plaisir, autant ou plus l'était-il à son profit, et lors fut attrapé par son ava<«< rice; car lui étant promise une grosse somme d'argent pour « délivrer cette femme, il la conduisit au lieu qui lui fut désigné pour la rendre et mettre en liberté : c'était sur le bord « d'une rivière, que les Galates passèrent, lui comptèrent « son argent, et reprirent Chiomara; mais elle fit signe « de l'œil à l'un de ses gens qu'il tuât ce capitaine romain, << ainsi comme il prenait congé d'elle et la caressait; ce que « l'autre fit, et d'un coup d'épée lui avala la tête: elle la releva, et, l'enveloppant au devant de sa robe, tira son che<< min et s'en alla. Arrivée qu'elle fut au logis de son mari, <«< elle lui jetta cette tête à ses pieds; de quoi il s'étonna et <« lui dit : Ma femme, il faut garder la foi. Ce fait – mon, ré«<pondit - elle; mais aussi faut-il qu'il n'y ait qu'un seul <«< homme vivant qui ait eu ma compagnie.» (Plutarq., des Vertueux faits des femmes, traduct. d'Amyot.)

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(1) Viri quantas pecunias ab uxoribus dotis nomine acceperunt, tantas ex suis bonis, æstimatione factâ, cum dotibus communicant. Hujus omnis pecunia conjunctim ratio habetur, fructusque servantur. Uter eorum vitá superarit, ad eum pars utriusque cum fructibus superiorum temporum pervenit. (Cæsar, de Bell. Gall., lib. 6.)

reste, dont on ne voit point de traces chez les autres peuples anciens.

Il paraît aussi que la virginité était en honneur parmi nos ancêtres, du moins à certains égards. Neuf filles, qui gardaient une virginité perpétuelle, rendaient des espèces d'oracles dans la petite île de Sain, vis-à-vis la côte de Quimpercorentin (1).

TROISIÈME PARTIE.

Des dieux honorés par les Gaulois, et des sacrifices humains.

César parle de six divinités adorées par les Gaulois; les voici selon l'ordre dans lequel il les nomme : Mercure, Apollon, Mars, Jupiter, Minerve et Dis. Commençons par ôter Minerve, qui est certainement empruntée des Grecs de Marseille (2): reste donc cinq divinités qu'on croit propres aux Gaulois. On pré

(1) Mela rapporte bonnement que ces vierges de l'île de Sain se transformaient en toutes sortes de bêtes: Seque in quæ velint animalia vertere, etc. (Lib. 3, cap. 6.) Ne se seraient-elles pas masquées en bêtes, et la renommée, qui altère ordinairement les faits, n'aurait-elle pas prétendu qu'elles se transformaient réellement en animaux? Il pourrait être aussi que ces sages vierges en imposassent au peuple, afin de s'attribuer plus de crédit.

(2) On sait que Minerve était le dieu tutélaire des Grecs et des Romains.

tend que le dieu que César nomme Mercure, est leur Teutatès, qu'Apollon est leur Belenus. Les uns disent que Mars est leur Esus; d'autres, que c'est Taranis ou Camulus. Selon quelques-uns, Jupiter est leur Taranis, et, selon d'autres, Jupiter fut substitué à Esus. Dis est leur Pluton; il y a des auteurs qui veulent qu'il soit le même que Teutatès.

L'identité prétendue des dieux gaulois avec ceux des Romains, n'est fondée que sur des raisonnemens et sur des conjectures de nos critiques modernes, qui n'auront jamais un grand degré de certitude. En effet, dans toutes les religions polythéistes, le nom d'une divinité ne réveillait pas seulement l'idée de ses attributs, et du département qui lui était échu en partage; il rappelait encore l'histoire de sa naissance et de ses aventures. Or, ces légendes ne pouvaient être les mêmes, chez les nations barbares, que chez les Grecs et les Romains; elles n'étaient jamais qu'un amas des productions fantastiques de l'imagination des poëtes et du fanatisme des prêtres. Dans chaque religion, elles étaient fondées sur les coutumes, les opinions, le tempérament des diverses nations, et sur la nature du pays.

Taranis (1) pouvait avoir, chez les Gaulois, un dé

(1) Taranis est nommé Taranucus sur une inscription, de taran, tonnerre, foudre; racine, taro, taraou et torry, frapper, briser. De là on conclut que Taranis est Jupiter. D'autres soupçonnent que ce pouvait être le Mars des Gaulois,

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