Page images
PDF
EPUB

moyen de leur retraite, de leur solitude et du long séjour qu'ils allaient faire exprès en Angleterre, conservaient soigneusement le dépôt de leurs pères. Ces prêtres n'étaient pas moins ennemis des religions étrangères, qu'ils étaient jaloux de la leur. « Les peu<< ples qui habitent les Gaules, dit l'orateur romain, << n'ont ni les mœurs ni le naturel des autres hom<< mes; car tandis que ceux-ci ne prennent les armes «< que pour la défense de leur religion, et s'adressent <<< aux dieux pour avoir la paix, les Gaulois, au con<< traire, font la guerre à toutes les autres religions, « et veulent détruire les dieux immortels (1). » Les Gaulois donnaient à l'Étre-Suprême le nom d'Esus, qui signifie Dieu. J'ai trois preuves de cette

vérité.

[ocr errors]

1o Les Grecs avaient leur ZEYΣ; or, Zɛús est certainement Esus, et quant à la signification, et quant aux lettres et aux syllabes. Quant à la signification, puisqu'il signifie Dieu simplement. «Dieu, dit Aris<< tote, est appelé Zeus, mot qui fait à l'accusatif Ziva «<et Aix, deux différentes inflexions qui se répon<< dent, parce qu'elles servent à exprimer celui par qui « nous vivons (2). » Zeús était aussi Esus quant aux

(1) Quæ tantùm à cæterarum gentium more ac naturâ dissentiunt, quòd cæteræ pro religionibus suis bella suscipiunt, isto contrà omnium religiones: illa in bellis gerendis ab diis immortalibus pacem ac veniam petunt; istæ cum ipsis diis immortalibus bella gesserunt. (Cic., pro M. Fonteio.)

(2) Aristotel., de Mundo, l. 1, c. 7.

lettres et aux syllabes: on n'y trouve en effet d'autre différence que la transposition d'une lettre. Ce dérangement n'a pas même lieu dansatoa, qui dans sa terminaison féminine est l'aïca des Toscans et l'Esus des Gaulois. Les Grecs se servirent dans la suite d'aïca pour signifier le destin, quoique, selon Aristote, ce mot ne signifiât autre chose que Dieu, et sa manière de subsister toujours par soi-même: Afaav dé átí ovcay. C'est pourquoi l'auteur du grand Ethymologicon, dit «qu'aïa est cette divinité qui subsiste «< toujours, qui ne change point, qui est toujours égale « à elle-même, et qui pénètre également toutes cho<«<ses (1). » Je croirais volontiers que le verbe sum nous vient d'esus ou d'aiga; car on conjuguait autrefois esum, esumus, ensuite l'on a retranché l'e, d'où est resté sum.

[ocr errors]

2o Æsar, en langue étrusque, signifiait Dieu, comme nous l'apprend Suétone dans la vie d'Auguste, en parlant des signes qui précédèrent la mort de ce prince. « La foudre, dit cet historien, tomba et em<< porta le C du mot de Cæsar, qui était gravé sur «< un cartouche, qui servait de base à une statue de « cet empereur. On eut recours aux augures; ils ré<< pondirent que la lettre C qui était numérale et signi« fiait cent, ayant été effacée, dénotait qu'Auguste « n'avait plus que cent jours à vivre, après quoi il

(1) Παρᾶ τὸ κει ιση ειν μ ή μή μεταβολλαμένη πᾶσι γδ ἴσωσ

ἔπεισιν.

pour

raison: telle était la première tradition des hommes. L'apôtre disait aussi à l'Aréopage: « Dieu a fait naître « d'un seul toute la race des hommes, et il leur a « donné demeure toute la terre, ayant marqué <«<l'ordre des saisons, et les bornes de l'habitation << de chaque peuple, afin qu'ils cherchassent Dieu, «< comme en tâtonnant, quoiqu'il ne soit pas loin de «< nous. Car c'est en lui que nous avons la vie, le << mouvement et l'être, et selon que quelques-uns de << vos poètes ont dit : Nous sommes les enfans et la << race de Dieu (1). »

Mais, objecte-t-on, César dit clairement que les Gaulois prétendaient être descendus du dieu des ténèbres, puisqu'il observe que c'était à cause de cette origine terrestre et nocturne qu'ils comptaient par nuits, en sorte qu'à leur égard le jour était une dépendance de la nuit : Ob hanc causam spatia omnis temporis sic observant ut noctem dies subsequatur. On a peine à concevoir comment un semblable raisonnement est échappé à César; car rien n'est plus faux que la conséquence qu'il déduit de son principe. L'usage de compter le jour civil du coucher du soleil, et du temps auquel la lune éclaire l'horizon, était commun à tous les peuples qui employaient des mois purement lunaires, et les Gaulois étaient de ce nombre. On ne connaît presqu'aucune nation qui, dans les premiers temps, n'ait compté par des mois

(1) Act. 17, 26, 27, 28.

ce que les Gaulois étaient des guerriers entreprenans, il ne faut pas en conclure qu'ils eussent un dieu particulier qui présidait aux combats. C'est donc sans fondement qu'on a prétendu que l'Esus des Gaulois était le Mars des Romains. Que n'a-t-on dit que c'était le dieu des gourmands? On aurait pû faire dériver esus du supin esum.

Ζεύς.

Je ne crois pas davantage que les Gaulois honorassent un Dieu Dis, qui était le même que le Pluton des Romains. S'ils avaient un Dieu Dis, comme le prétend Jules - César, ce pouvait être chez eux une dénomination de l'Etre-Suprême, de même qu'Esus. Car As en grec signifie Dieu (1), aussi bien que Zrós. Ainsi tout ce qu'on peut conclure de ce que César nous apprend que les Gaulois se vantaient de tirer leur origine de Dis (2), c'est qu'ils regardaient Dieu comme l'auteur de leur nation, comme leur premier père et l'origine de leur être. Ils avaient certainement

(1) Ato a peut-être été pris du di ou deis des Celtes, qui signifie jour, lumière. C'est de là qu'est venu le dies des Latins. On a appelé Dieu As, quasi lucidus aut lucetius, le père de la lumière. Les anciens Latins disaient Dius pour Deus: c'est de là que les Espagnols disent Dios, et les Italiens Dio.

(2) Galli se omnes ah Dite patre prognatos prædicant, idque ab druidis proditum dicunt: ob eam causam spatia omnis temporis, non numero dierum, sed noctium finiunt, et dies natales et mensium et annorum initia sic observant, ut noctem dies subsequatur. (Cæs., de Bell. gall., 1. 6.)

raison: telle était la première tradition des hommes. L'apôtre disait aussi à l'Aréopage: «< Dieu a fait naître « d'un seul toute la race des hommes, et il leur a «< donné pour demeure toute la terre, ayant marqué <«<l'ordre des saisons, et les bornes de l'habitation « de chaque peuple, afin qu'ils cherchassent Dieu, «< comme en tâtonnant, quoiqu'il ne soit pas loin de <«< nous. Car c'est en lui que nous avons la vie, le <«< mouvement et l'être, et selon que quelques-uns de « vos poètes ont dit : Nous sommes les enfans et la « race de Dieu (1). »

les

Mais, objecte-t-on, César dit clairement que Gaulois prétendaient être descendus du dieu des ténèbres, puisqu'il observe que c'était à cause de cette origine terrestre et nocturne qu'ils comptaient par nuits, en sorte qu'à leur égard le jour était une dépendance de la nuit : Ob hanc causam spatia omnis temporis sic observant ut noctem dies subsequatur. On a peine à concevoir comment un semblable raisonnement est échappé à César; car rien n'est plus faux que la conséquence qu'il déduit de son principe. L'usage de compter le jour civil du coucher du soleil, et du temps auquel la lune éclaire l'horizon, était commun à tous les peuples qui employaient des mois purement lunaires, et les Gaulois étaient de ce nombre. On ne connaît presqu'aucune nation qui, dans les premiers temps, n'ait compté par des mois

(1) Act. 17, 26, 27, 28.

« PreviousContinue »