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faits qui peuvent servir de base à une demande de divorce ou en séparation de corps ou de biens, l'interruption de la prescription par l'exercice d'une servitude, etc.

382. En ce qui concerne la valeur, il faut prendre en considération la valeur de la chose qui forme l'objet de l'acte juridique contesté, quelle que soit d'ailleurs la somme demandée (art. 1343 et 1344).

383. Pour déterminer la valeur de la chose, il faut tenir compte non-seulement du principal, mais aussi des prestations accessoires. Ainsi, la règle qui précède s'applique au cas où l'action contient, outre la demande du capital, une demande d'intérêts qui, réunis au capital, excèdent la somme de 150 francs. (Art. 1342.) Toutefois, si les intérêts n'étaient échus qu'après la demande, ils ne devraient pas être réunis au capital pour décider si la preuve testimoniale serait recevable ou non.

Pour décider si la preuve testimoniale est admissible ou non, il faut tenir compte des conséquences juridiques que la partie qui allègue le fait veut en tirer. Ainsi, par exemple, le débiteur peut prouver par témoins un payement partiel de moins de 150 francs, à l'effet d'établir sa libération partielle; mais le créancier ne pourrait pas prouver par témoins un payement partiel de moins de 150 francs, comme un fait interruptif de la prescription d'une créance, ou comme fait confirmatif d'une obligation aunulable (v. n° 370) dont le montant excède 150 francs.

584. La loi veut qu'il soit passé acte de toutes choses excédant la somme ou valeur de 150 francs. La preuve testimoniale n'est donc pas admissible toutes les fois qu'au moment de la conclusion de la convention, la chose qui en était l'objet excédait cette valeur. De là il suit :

1° Que celui qui a formé une demande excédant 150 francs, ne peut plus être admis à la preuve testimoniale, mème en restreignant sa demande primitive. (Art. 1343.) Car, il y a eu originairement contravention à la règle qui prescrit de passer acte, et dès lors aucune partie de l'obligation n'est plus susceptible de la preuve par témoins;

2o Que la preuve testimoniale, sur la demande d'une somme même moindre de 150 francs, ne peut être admise lorsque cette somme est déclarée ètre le restant ou faire partie d'une créance plus forte qui n'est point prouvée par écrit (art. 1344);

3° Que, si la demande a été formée pour une somme de 150 francs seulement, et qu'il résulte des dépositions mêmes des témoins que

l'obligation originaire était plus forte, la demande doit être rejetée comme n'étant pas justifiée. Car, la preuve qui en aurait été faite dans ce cas, serait contraire à la loi et devrait être considérée comme non avenue. Toullier, t. IX, no 45, 46. Toutefois, cette question est controversée. Mais si l'on admet l'opinion, qui déclare que dans ce cas la preuve testimoniale serait valable, soit pour la totalité de la somme, soit seulement jusqu'à concurrence de 150 francs, le demandeur pourrait toujours éluder la règle de l'art. 1344. Car, il est évident qu'en présence d'une demande de 150 francs seulement, le défendeur ne peut pas repousser la preuve par témoins en disant que la dette est plus forte; ce serait faire un aveu qui entraînerait sa condamnation. Le fait, que l'obligation originaire est plus forte ne pourra donc résulter que des dépositions des témoins, et, si le juge devait l'admettre, le demandeur aurait atteint son but, contrairement à la loi.

385. Si dans la même instance une partie fait plusieurs demandes dont il n'y ait point de titre par écrit, et que, jointes ensemble, elles excèdent la somme de 150 francs, la preuve par témoins n'en peut être admise, encore que la partie allègue que ces créances proviennent de différentes causes et qu'elles se sont formées en différents temps. (Art. 1345.) Cette disposition, qui est la reproduction de l'art. 5 du tit. XX de l'Ordonnance de 1667, a pour but d'empêcher qu'on n'élude la règle de l'art. 1341. Elle se justifie par le motif, que les témoins ne méritent pas plus de foi sur la cause ou sur l'époque de la dette, que sur l'existence même de la dette. Exposé de motifs, n° 209 (Locré, XII, 406). D'ailleurs, lorsque plusieurs créances réunies sont sur le point de former une somme excédant 150 francs, le créancier doit s'imputer de ne pas s'être procuré un titre écrit.

386. La règle qui précède n'est pas applicable, lorsque les créances, dont la réunion excède la somme de 150 francs, procèdent par succession, donation ou autrement, de personnes différentes; par exemple si quelqu'un demande 250 francs, savoir 130 francs du chef d'une vente et 100 francs du chef d'un prêt, que son père, dont il est l'héritier, a fait au défendeur. (Art. 1345.)

Il faut comprendre aussi sous l'exception de la règle le cas où une personne, étant devenue créancière ou débitrice du chef d'une autre personne, le deviendrait ensuite pour son propre compte. L'art. 1345 ne distingue pas. Par exemple je suis, en qualité d'héritier de mon père, créancier de A d'une somme de 100 francs; je lui prête encore 100 francs; je puis prouver les deux créances par témoins.

Dans l'application de l'art. 1345 il ne faut pas tenir compte des créances dont la loi admet la preuve testimoniale en vertu des articles 1547 et 1348. V. infra, nos 391-594.

387.- Toutes les demandes, à quelque titre que ce soit, qui ne seront pas entièrement justifiées par écrit, seront formées par un même exploit, après lequel les autres demandes dont il n'y aura point de preuves par écrit ne seront pas reçues. (Art. 1346.)

Cette disposition est la sanction de l'art. 1345. Elle a aussi pour but d'empêcher la multiplicité des procès, et est applicable dans le cas où les différentes sommes réunies n'excèdent pas 150 francs, ainsi que lorsque les diverses créances procéderaient de différentes personnes, et qu'elles se trouveraient réunies dans la même personne au moment où la première action est intentée, sauf à prouver alors par témoins celles qui n'excéderaient pas 150 francs. V. supra, no 381.

Mais la règle de l'art. 1546 ne comprend pas les créances qui ne sont pas encore échues au moment où la première action est formée. 588. Deuxième règle: « Il n'est reçu aucune preuve par témoins contre et outre le contenu aux actes, ni sur ce qui serait allégué avoir été dit avant, lors ou depuis les actes, encore qu'il s'agisse d'une somme ou valeur moindre de 150 francs.» (Art. 1341.) Ce principe, qui se trouve dans le droit romain, L. 1, C., de Testibus, 4, 20, et qui avait été repoussé par l'ancienne jurisprudence, a été rétabli par l'Ordonnance de Moulins de 1566. Un acte rédigé dans le but de constater une convention, et dans lequel les parties sont censées avoir écrit toute leur volonté relativement à cette convention, mérite plus de confiance que les souvenirs incertains des témoins. Puisque les parties ont fait par écrit leur première convention, la loi présume qu'elles auraient aussi écrit les modifications. La convention qui modifie la première doit donc aussi être écrite.

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389. Les faits qui ne sont pas susceptibles d'être prouvés par témoins, sont ceux qui seraient contraires au contenu d'un acte, ou qui apporteraient des changements, modifications ou additions au contenu de l'acte. Mais on peut prouver par témoins, dans les limites de la première règle de l'art. 1341, des faits juridiques d'exécution ou d'extinction des obligations créées par un acte écrit.

La preuve testimoniale contre ou outre le contenu d'un acte est encore admissible :

1° Lorsque la partie à laquelle cet acte est opposé l'attaque pour cause de violence, dol ou erreur;

2o Lorsque cet acte est attaqué pour fraude ou simulation par un tiers qui n'y a pas été partie.

III.

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390. Les deux règles de l'art. 1341 cessent d'être applicables: 1° en matière commerciale (voy. le code de commerce); 2o lorsqu'il existe un commencement de preuve par écrit (art. 1347); 3o lorsqu'il a été impossible au créancier de se procurer une preuve littérale; 4o lorsque le créancier a perdu son titre (art. 1548). Ici il ne sera traité que des trois dernières exceptions.

591.

A. Du commencement de preuve par écrit.

On appelle ainsi tout acte par écrit qui est émané de celui contre lequel la demande est formée, ou de celui qu'il représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué. (Art. 1347, al. 2.) La notion du commencement de preuve par écrit est plus large que la définition du texte. On appelle ainsi tout écrit émané de la personne à laquelle on l'oppose, ou de celui qu'elle représente ou de celui qui la représente, et qui rend vraisemblable le fait allégué.

Tout écrit quelconque peut être considéré comme commencement de preuve par écrit, pourvu que celui auquel on l'oppose en soit l'auteur, et qu'il soit établi, soit par l'écriture mème ou par la signature, que l'écrit est réellement l'œuvre de cette personne. Il suffit que l'écrit émane de cette personne, quand même il ne serait pas signé, ou que l'écrit soit signé de cette personne, quand même il émanerait d'une autre. Si l'écriture est méconnue par celui auquel on l'oppose, il peut y avoir lieu à une vérification d'écriture, à moins que l'acte ne soit authentique sans signature, par exemple un interrogatoire sur faits et articles.

392. La définition que le code fait du commencement de preuve par écrit est restrictive, en ce sens qu'un écrit qui n'émane pas de la personne à laquelle on l'oppose, ou de celui qu'elle représente ou par lequel elle est représentée, ne peut pas valoir comme tel. Zachariæ, § 764, note 29.

La question de savoir si l'écrit doit être légalement considéré comme émanant de la personne à laquelle on l'oppose, est une question de droit ; celle de savoir si le fait allégué est vraisemblable, est une question de fait.

B. De l'impossibilité de se procurer une preuve littérale.

-

393. Les règles prohibitives de la preuve testimoniale reçoivent encore exception, toutes les fois qu'il n'a pas été possible au créancier de se procurer une preuve littérale de l'obligation qui a été contractée envers lui. (Art. 1348, al. 1.)

Le principe général se trouve énoncé dans cette disposition. Le juge du fond apprécie souverainement si cette impossibilité a existé ou

non.

Cette disposition s'applique :

1° Aux obligations qui naissent des quasi-contrats et des délits ou quasi-délits. (Art. 1348, no 1.)

Toutefois, elle ne s'applique pas à l'obligation résultant de la réception de l'indu (art. 1376 et suiv.), parce que celui qui a fait le payement a pu se procurer une preuve littérale en demandant quittance. Mais s'il avait, par erreur, payé une dette d'autrui, il pourrait prouver par témoins, contre le véritable débiteur, l'existence de cette dette, si le créancier en avait supprimé le titre par suite du payement (art. 1377).

On ne pourrait pas non plus prouver par témoins un délit consistant dans la violation d'un contrat, par exemple l'abus d'un dépôt, lorsque l'existence même de ce contrat devait être prouvée et n'a pas été prouvée par écrit.

2o La disposition de l'art. 1348, al. 1, s'applique aux dépôts nécessaires faits en cas d'incendie, ruine, tumulte ou naufrage, et à ceux faits par les voyageurs en logeant dans une hôtellerie, le tout suivant la qualité des personnes et les circonstances du fait. (Art. 1348, no 2.) Cette exception ne s'applique pas à la remise des objets faits aux voituriers; car, c'est là un contrat de louage d'ouvrage, qui peut se prouver par écrit.

3° Aux obligations contractées en cas d'accidents imprévus, où l'on ne pourrait pas avoir fait des actes par écrit. (Art. 1348, no 3.) La faculté, laissée aux juges, d'apprécier la qualité des personnes et les circonstances du fait ne se restreint pas aux cas prévus sous le n° 2 ci-dessus: elle a lieu dans tous ces cas ci-dessus énumérés.

L'article 1348 n'est pas restrictif. Les cas énumérés sous les no 1, 2 et 3 ne sont que des exemples.

L'erreur, la violence, le dol, la simulation et toute fraude à la loi peuvent toujours être prouvés par témoins. (Art. 1353.)

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