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ble. C'est pour ce motif qu'un enfant en bas àge, n'ayant encore aucune volonté, et un individu en état d'aliénation mentale complète ne sont pas responsables du dommage qu'ils ont causé par leurs faits; de semblables faits doivent être considérés comme des malheurs, qui ne sont imputables à personne. Mais l'interdit, qui a agi dans un moment lucide, est responsable du dommage résulté de son fait. Il en est de mème du mineur. (Art. 1310.) L'ivresse n'est pas un motif d'excuse; car le dommage que l'homme ivre a fait, est le résultat d'un casus culpa determinatus, c'est-à-dire d'un cas fortuit amené par sa faute précédente; il y a faute à s'enivrer au point de n'ètre plus maître de ses actions. (V. no 61.)

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476. Pour la décision de la question de savoir si l'auteur d'un fait illicite est tenu de réparer le dommage qui en est résulté, il n'importe que le dommage ait été causé avec intention (dol), ou par une simple faute, négligence ou imprudence, bien que ces circonstances puissent influer sur le montant de la réparation (V. art. 1149-1151, et supra, no 76). Quelque légère que puisse être la faute, si elle avait pu être évitée, elle oblige celui qui l'a commise à réparer le dommage dont elle est la cause (In lege Aquilia et levissima culpa venit).

La preuve du fait dommageable incombe au demandeur en réparation. (Art. 1315.) C'est au défendeur, qui veut s'affranchir de la responsabilité, à prouver, ou que le fait était licite, ou qu'il ne peut pas lui être imputé.

477. Chacun est toujours responsable de son propre fait; mais quelquefois on est aussi tenu de répondre du fait d'autrui ou du dommage causé par une chose dont on est propriétaire.

11.

DE LA RESPONSABILITÉ A RAISON DE SON FAIT PERSONNEL.

(Art. 1382, 1383.)

A. Règles générales.

478. Tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer. Chacun est responsable du dommage qu'il a causé, non-seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence. (Art. 1382, 1585.) Ce sont les dispositions de la loi Aquilienne des Romains. Tit. D., de lege Aquilia, 9, 2.

Le dommage causé par l'auteur du fait illicite doit être réparé intégralement, d'après les principes des art. 1149-1151. Si le montant

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ne peut pas être fixé d'une manière précise, le juge apprécie. Lorsque le dommage est le fait de plusieurs, chacun est tenu à la réparation du tort par lui causé, s'il peut être constaté individuellement, et, si le fait est commun à tous, chacun est tenu par portion virile. (Arg. art. 1202.) L'action en réparation dure trente ans. Elle a lieu contre les héritiers et successeurs de l'auteur du fait illicite dans la même étendue dans laquelle elle aurait pu être intentée contre leur auteur. Quelle que soit la cause du dommage, la personne qui l'a souffert peut renoncer au droit de demander la réparation, ou transiger sur les dommages-intérêts. (C. civ., art. 2046; C. d'instr. crim., art. 4.)

La contrainte par corps peut être prononcée pour dommages-intérêts, lorsqu'ils sont le résultat de faits prévus par la loi pénale, et dans tous les cas de dol, de fraude ou de violence, pourvu que la somme excède 300 francs. L. du 21 mars 1859, art. 4, no 3, et art. 5.

B. Spécialement, si le dommage a été causé par un fait prévu par la loi pénale.

479. Il y a quelques différences entre les cas où le dommage a été causé par un simple quasi-délit, et ceux où il est le résultat d'un fait prévu par la loi pénale (délit). Voici ces différences :

1o L'action civile peut être poursuivie en même temps et devant les mêmes juges que l'action publique. Elle peut aussi être poursuivie séparément devant les tribunaux civils; mais dans ce cas l'exercice en est suspendu, tant qu'il n'a pas été prononcé définitivement sur l'action publique intentée avant ou pendant la poursuite de l'action civile. (C. d'instr. crim., art. 3.)

2° Tous les individus condamnés pour un même crime, ou pour un mème délit, sont tenus solidairement des restitutions, des dommagesintérêts et des frais. (C. pén., art. 55.)

5o L'action en réparation du dommage se prescrit par le même laps de temps que se prescrit l'action publique, c'est-à-dire par dix ans, trois ans ou un an, suivant qu'elle résulte d'un crime, d'un délit ou d'une contravention de police. (C. d'instr. crim., art. 637-640.) Mais les condamnations civiles prononcées à raison d'un de ces faits ne se prescrivent que par le laps de trente ans. (Même code, art. 642.)

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DE LA RESPONSABILITÉ DU DOMMAGE QUE L'ON N'A PAS CAUSÉ
PAR SON FAIT PERSONNEL. (Art. 1384-1386)

480. En principe, on n'est responsable que de son propre fait, et non du fait d'autrui. Les exceptions faites à ce principe dans l'article 1384 reposent sur la présomption légale, que le dommage n'a pu être causé que par suite d'une faute de la part de celui que la loi oblige à la réparation.

On peut distinguer deux catégories: 1° cas où l'on répond du fait d'autrui; 2° cas où l'on répond du dommage causé par une chose.

A. Des cas dans lesquels on répond du fait d'un autre.

481. Le père, et la mère après le décès du mari, sont responsables du dommage causé par leurs enfants mineurs habitant avec eux; les maîtres et les commettants, du dommage causé par leurs domestiques et préposés dans les fonctions auxquelles ils les ont employés; les instituteurs et les artisans, du dommage causé par leurs élèves et apprentis pendant le temps qu'ils sont sous leur surveillance. La responsabilité ci-dessus a lieu, à moins que les père et mère, instituteurs et artisans, ne prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité. (Art. 1384.)

La disposition finale de cet article, qui exempte les père et mère, instituteurs et artisans de la responsabilité lorsqu'ils prouvent qu'ils n'ont pu empêcher le fait qui donne lieu à cette responsabilité, n'est pas applicable aux maîtres et aux commettants (art. 1384, al. 3), par le motif que c'est le service dont le maître profite qui a produit le mal qu'il doit réparer, et parce qu'il a à se reprocher d'avoir donné sa confiance à des hommes méchants ou imprudents. Rapport au Tribunat, no 14 (Locré, XIII, p. 42). La responsabilité des maîtres et des commettants ne s'étend pas aux faits de leurs domestiques et préposés qui n'ont aucun rapport avec les fonctions auxquelles ils sont employés.

482. La responsabilité dont il s'agit dans l'article 1384 s'étend aussi aux frais de procès, mais non pas aux amendes ou peines pécuniaires encourues par un délit, excepté dans le cas où la loi le dit formellement, par exemple pour délit de chasse (L. du 26 février 1846, art. 10). La disposition de l'art. 1384 n'exempte pas de la responsa

bilité personnelle les auteurs mêmes des faits dommageables. Ainsi, par exemple, celui qui a souffert le dommage, peut agir contre le maître et contre le préposé. Suivant la différence des cas, celui que la loi déclare responsable, peut exercer son recours contre l'auteur du fait.

B. De la responsabilité du dommage causé par une chose.

-

483. 1o Le propriétaire d'un animal, ou celui qui s'en sert, pendant qu'il est à son usage, est responsable du dommage que l'animal a causé, soit que l'animal fût sous sa garde, soit qu'il fût égaré ou échappé. (Art. 1585.) Cette règle prend sa source dans les titres : Si quadrupes pauperiem fecisse dicatur, D., 9, 1 et J., 4, 9. Cette disposition s'applique à toute espèce d'animaux domestiques, sauvages ou apprivoisés, et à toute espèce de dommage. Si le dommage a été causé pendant que l'animal était à l'usage d'un autre que le propriétaire, celui qui s'en servait est seul tenu de la réparation, parce qu'alors le dommage doit lui être imputé (V. supra, no 480). La responsabilité de l'art. 1385 cesse, si celui qui a souffert le dommage en est luimême la cause, par exemple s'il a agacé l'animal. Le propriétaire ou celui qui s'est servi de l'animal ne peut se soustraire à la responsabilité, ni en prouvant qu'il n'a pu empêcher le fait, ni, comme en droit romain, en abandonnant l'animal (noxæ datio).

484. 2o Le propriétaire d'un bâtiment est responsable du dommage causé par sa ruine, lorsqu'elle est arrivée par suite du défaut d'entretien, ou par le vice de sa construction. (Art. 1386.) La cautio damni infecti du droit romain, d'après laquelle un propriétaire pouvait demander caution contre le voisin dont le bâtiment menaçait ruine, n'est pas admise par le code civil. Eu pareil cas, l'autorité administrative peut sommer le propriétaire de réparer ou de démolir l'édifice menaçant ruine (C. pén., art. 471, n° 5). Aujourd'hui, il n'y a d'action contre le propriétaire que lorsque le dommage a réellement eu lieu et qu'il est appréciable. Rapport au Tribunat, no 16 (Locré, XIII, 43). Si un édifice appartenant à plusieurs propriétaires a causé un dommage par sa chute, chacun d'eux en est tenu en proportion de sa part dans l'édifice.

TITRE V.

DU CONTRAT DE MARIAGE ET DES DROITS RESPECTIFS
DES ÉPOUX.

SOURCES ET INTRODUCTION HISTORIQUE.

485. Les rapports personnels que le mariage établit entre les époux, sont indépendants des droits qu'ils ont sur leurs biens; la séparation de leurs intérêts pécuniaires n'est pas inconciliable avec l'union intime de leurs personnes. Le mariage ne doit donc pas nécessairement changer les droits que chacun des époux avait sur ses biens, avant d'être marié. La philosophie du droit et les faits s'accordent à confirmer cette thèse. Bien que la communauté universelle de tous les intérêts des époux corresponde le plus à l'union et à la communauté parfaite de toute la vie, à cette « individua vitæ consuetudo», à ce consortium omnis vitæ, » qui forme l'essence du mariage, on ne saurait prouver que le droit naturel prescrit impérieusement un régime déterminé, quant aux biens ; et c'est cette absence d'une règle philosophique générale qui nous explique la diversité des législations positives sur cette matière.

486. Deux systèmes différents se partageaient la France jusqu'à la publication du code. Les pays du droit écrit étaient régis par les lois romaines. D'après cette législation, les patrimoines des deux époux restaient séparés et ne se confondaient pas en une masse commune; mais la femme pouvait avoir deux espèces de biens : les biens dotaux et les biens paraphernaux. Les biens dotaux étaient ceux que la femme apportait au mari pour l'aider à supporter les charges du mariage; le mari en avait l'administration et la jouissance, et il devait les restituer à la femme ou à ses héritiers après la dissolution du mariage. Dans l'intérêt de la femme et des enfants, les immeubles dotaux étaient déclarés inalienables pendant le mariage, c'est-à-dire, ils ne pouvaient pas être aliénés même du consentement de la femme. Tous les biens de la femme, qu'elle n'avait pas apportés en dot au mari, étaient paraphernaux; elle en conservait elle-même l'administration, la disposition et la jouissance. Tout ce que l'un ou l'autre des époux

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