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chose pour un certain temps. Le bailleur ou locateur ne transmet pas au locataire la propriété ni même la possession de la chose, mais seulement la détention avec le droit de s'en servir et sous l'obligation de la lui rendre après s'en être servi.

De là il suit que l'on ne peut pas louer les choses qui se consomment par l'usage; par exemple, de l'huile, des denrées, de l'argent. Une location de ces objets constituerait un prêt à intérêt. Cependant, on pourrait convenir que ces choses seraient rendues identiquement les mêmes, qu'elles ne seraient pas consommées (locatio ad ostentationem, ad pompam). Alors le contrat serait un louage.

1121.

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On peut prendre à loyer sa propre chose, lorsque l'on n'a pas sur elle l'exercice de tous les droits résultant de la pleine propriété, soit par suite d'un droit réel, soit par suite d'un droit personnel établi en faveur d'un tiers. Par exemple, après avoir donné à bail ma maison, je puis y prendre en location un appartement; ou bien, je puis prendre à bail ma ferme, si un autre en a l'usufruit. Mais je ne puis pas prendre en location une chose sur laquelle j'ai la plénitude des droits de propriété et de jouissance.

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1122. On peut valablement donner à loyer la chose d'autrui, lorsqu'on a soi-même le droit d'usage de cette chose, par suite d'un droit réel ou d'un droit personnel; par exemple, l'usufruitier peut louer la chose soumise à l'usufruit, le locataire peut sous-louer.

1123. Les baux des biens nationaux, des biens des communes et des établissements publics, sont soumis à des règlements particuliers (art. 1712). Les règles sur la location de ces biens font partie du droit public et administratif.

1124. Le prix de la location doit consister en argent. Les règles sur le prix de la vente s'appliquent aussi au louage. V. supra, n° 959-963.

B. Quant aux personnes.

1125. La location n'étant pas un acte d'aliénation, il n'est pas nécessaire d'être propriétaire de la chose que l'on veut donner à loyer. La location est un acte d'administration. En général, ceux qui ont qualité pour administrer une chose peuvent aussi la louer.

Toutefois, malgré le caractère juridique différent du louage, il peut, de fait, constituer une aliénation, lorsque le bail est à longues années. Le législateur considère les baux dépassant le terme de neuf années

comme une espèce d'aliénation, et les interdit aux personnes qui ont seulement la capacité d'administrer, et qui n'ont pas celle d'aliéner : au mineur émancipé (art. 481), au tuteur (art. 1718), à l'usufruitier (art. 595), au mari à l'égard des biens personnels de sa femme (art. 1429, 1430). Il est interdit à ces personnes de louer indirectement pour un terme de plus de neuf années, en renouvelant le bail longtemps avant l'expiration du premier. Voy. t. I, n° 733, 771 et t. II, nos 666, 667.

La nullité résultant de la violation de ces règles ne peut pas être opposée par le preneur.

1126. Le propriétaire par indivis ne peut pas donner à bail la chose dont il n'est propriétaire qu'en partie, à moins qu'il n'ait agi comme negotiorum gestor pour les autres.

1127. Les personnes énumérées dans l'art. 1596 ne peuvent pas prendre à loyer les biens dont il leur est défendu de se rendre adjudicataires. V. supra, no 938-940.

Il y a exception pour le tuteur. V. tome 1, no 743.

C. Quant à la forme et au consentement.

1128.-De même que la vente, le louage est un contrat consensuel; il est parfait par le seul consentement, et n'exige aucune forme extrinsèque pour sa validité; on peut donc louer ou par écrit ou verbalement (art. 1714).

--

II. DE LA PREUVE DU BAIL. (Art. 1715, 1716.)

1129. La preuve des baux se fait conformément aux règles générales sur la preuve des obligations, sauf les exceptions relatives à la preuve testimoniale.

Si le bail fait sans écrit n'a encore reçu aucune exécution, et que l'une des parties le nie, la preuve ne peut être reçue par témoins, quelque modique qu'en soit le prix, et quoiqu'on allègue qu'il y a eu des arrhes données. Le serment peut seulement être déféré à celui qui nie le bail (art. 1715).

Cette règle, que le tribun Jaubert, discours au corps législatif, no 4, appelle une innovation, mais qui, au témoignage de Toullier, était anciennement suivie par l'usage à Paris, a pour but de prévenir de ruineux procès sur des objets d'une valeur modique, qui naîtraient en

grand nombre si la preuve testimoniale était admise en cette matière (Locré, XIV, 456); Toullier, IX, no 32.

La règle de l'article s'applique au bail non exécuté, fait sans écrit; il ne s'applique donc pas au cas où le bail a été fait par écrit, ni au cas où il y a un commencement de preuve par écrit. S'il y a un commeucement de preuve par écrit, il faut appliquer la règle de l'article 1347 (supra, nos 391, 392), quelle que soit la valeur du bail, et sans distinction, qu'il ait reçu un commencement d'exécution ou non. 1130. Lorsque l'exécution du bail a commencé, il faut distinguer sur quel point porte la contestation :

1° S'il y a contestation sur le prix, et qu'il n'existe point de quittance, le propriétaire en sera cru sur son serment, si mieux n'aime le locataire demander l'estimation par experts; auquel cas, les frais de l'expertise restent à sa charge, si l'estimation excède le prix qu'il a déclaré (art. 1716).

Le bailleur sera cru sur son serment, parce que le locataire s'est fié à sa bonne foi en entrant en jouissance sans avoir réglé le prix par écrit;

2o Si la contestation porte sur un autre point que le prix, par exemple sur la durée, ou sur une autre condition, on applique les principes généraux sur la preuve testimoniale. Done :

a. Si la valeur du bail n'excède pas 150 francs, on peut prouver par témoins le point contesté. La valeur du bail se détermine d'après la somme des loyers réunis pendant toute la durée du bail.

6. Si la valeur du bail excède 450 francs, la preuve testimoniale est inadmissible, à moins qu'il n'existe un commencement de preuve par écrit. Bruxelles, 15 janvier 1863 (B. J., xxi, 273).

1131. Peut-on prouver par témoins le fait même de l'exécution? Il faut distinguer :

Le fait matériel même qui constitue un acte d'exécution peut être prouvé par témoins; mais on ne peut pas prouver par témoins le rapport de ce fait avec le bail. On ne peut pas prouver que ce fait est un commencement d'exécution du bail. Car ce serait prouver par témoins l'existence même du bail.

III. DES EFFETS DU BAIL.

1132.

A. Pour le bailleur.

De même que le vendeur, le bailleur est soumis, par la nature du contrat, et sans qu'il soit besoin d'aucune stipulation parti

culière, à deux obligations principales: 1° la délivrance; 2° la garantie contre l'éviction et la garantie des vices et défauts de la chose.

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1. DE LA DÉLIVRANCE.

1135. Le bailleur doit délivrer a chose au lieu et au temps convenus, et avec tous ses accessoires (art. 1720). Le locataire n'a pas droit à la jouissance des accessoires qui surviennent à la chose après le bail, par exemple l'alluvion.

Il doit mettre le locataire à même de jouir de la chose et lever les obstacles que des tiers pourraient apporter à la délivrance, même par des voies de fait. Il doit délivrer la chose en bon état de réparations de toute espèce et capable de servir à l'usage auquel elle est destinée (art. 1719, 1720, 1721).

Les termes réparations de toute espèce doivent être entendus selon l'intention commune des parties. Ce sont les réparations nécessaires pour que la chose puisse servir convenablement à l'usage auquel elle est destinée. Ainsi, par exemple, s'il s'agit d'une maison, « le locataire ́doit être tenu clos et couvert,» selon l'ancien proverbe. Loysel,

n° 475.

1134.

2. DE LA GARANTIE.

On peut diviser la garantie en garantie de fait et garantie

de droit 1135.1. De la garantie de fait. Cette garantie consiste dans l'obligation de faire jouir le preneur de la chose pendant toute la durée du bail, et d'empêcher que la jouissance ne soit troublée par un obstacle provenant des vices ou du mauvais état de la chose.

Le bailleur doit donc, pendant toute la durée du bail, entretenir la chose en état de servir à l'usage pour lequel elle a été louée, et y faire toutes les réparations qui peuvent devenir nécessaires, autres que les locatives (art. 1719, no 2; 1720, al. 2).

1136. Quant à la responsabilité qui résulte de cette garantie, il faut distinguer entre les vices et défauts mêmes de la chose et les pertes résultant de ces vices et défauts.

a. Des vices et défauts mêmes de la chose. Le bailleur doit garantie non-seulement des vices existants au moment du bail, mais aussi de ceux qui surviennent pendant sa durée (art. 1721, 1719, no 2). Quant au point de savoir s'il répond des vices qui rendent l'usage de la chose moins commode, il faut distinguer encore:

1o Le bailleur peut réparer le vice; il doit le faire quel qu'il soit; 2o s'il ne dépend pas du bailleur de faire disparaître le vice, le preneur, suivant l'importance de l'inconvénient, peut demander la résolution du contrat. C'est une question de fait. Le bailleur répond même des vices et défauts qu'il n'a pas connus lors du contrat (art. 1721, al. 1); mais il ne répond pas des vices apparents. Le locataire est censé les avoir connus, et avoir pris la chose en cet état, sauf le cas de dol, si le bailleur a caché les vices (arg., art. 1641, 1642). 1137.

b. Des pertes résultant des vices ou défauts de la chose louée. Il faut distinguer :

1o Le bailleur a connu ces vices: il doit indemniser le locataire de toutes les pertes qu'il a éprouvées par ces vices; car il est en dol (art. 1721, 1645, 1150, 1151; supra, nos 75-77);

2o 11 n'a pas connu les vices. Il y a controverse. Suivant Zachariæ, § 566, note 8, le bailleur est responsable, parce que la loi ne distingue pas, comme dans le cas des art. 1645 et 1646, et parce que celui qui loue une chose pour un usage convenu, doit savoir si elle y est propre, et garantir non-seulement cet usage, mais encore les conséquences qui peuvent en résulter. D'autres jurisconsultes appliquent au louage la règle que l'art. 1646 établit sur la responsabilité des vices rédhibitoires en matière de vente. Cette opinion est juste, seulement il faut la formuler autrement. L'art. 1721 n'est qu'une application d'un principe plus général énoncé dans les art. 1582 et 1383. Pour être exempt de la responsabilité des pertes, il ne suffit pas que le bailleur ait ignoré les vices de la chose; il faut encore que cette ignorance ne puisse pas lui être imputée à faute; fr. 19, § 5, D., locati, 19, 2; Duranton, n° 63; Troplong, no 194; supra, no 1011.

C'est par les mêmes principes qu'il faut décider la question de savoir si le bailleur est tenu d'indemniser le locataire des pertes résultant des vices survenus à la chose pendant la durée du bail.

Si un vice survenu est causé par cas fortuit et qu'il soit assez grave pour que le locataire résilie le bail, le bailleur ne peut pas demander de loyer, mais il n'est pas tenu des pertes qui en résultent (arg., art. 1722). Si le bailleur est en faute, par exemple s'il a prévu ou dù prévoir le vice, il est tenu même des pertes qui en résultent. Troplong, n° 201.

1138.2. De la garantie de droit. Le bailleur est obligé de faire jouir paisiblement le preneur de la chose louée pendant toute la durée

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