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IV. COMMENT LE CONTRAT DE LOUAGE PREND FIN.

1156.

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Le contrat de louage finit 1° lorsque la chose a péri, ou si elle n'est plus propre à l'usage auquel elle est destinée. Il importe peu par quelle cause la perte 'est arrivée; le contrat finit, faute d'un objet, mais sauf les dommages-intérêts dans le cas où la perte est arrivée par la faute de l'une des parties. Cologne, 22 juillet 1859 (B. J., XIX, 722).

Si la chose n'est détruite qu'en partie, le preneur peut, suivant les circonstances, demander ou une diminution du prix, ou la résiliation du bail. Le preneur a cette option, quand même le bailleur préférerait résilier le bail. Si la destruction a été causée par cas fortuit, il n'y a pas lieu à des dommages-intérêts (art. 1722, 1724, alin. 3; 1741).

2o Le contrat de louage finit par l'inexécution de l'obligation de l'une des parties. La résolution doit alors être demandée en justice; elle n'a lieu de plein droit que lorsqu'il en a été expressément ainsi convenu (art. 1184, 1741 et supra, no 106).

1157. — 3o Le bail finit par la résolution du droit qu'avait le bailleur de louer la chose (resoluto jure concedentis, resolvitur jus concessum). Mais il faut distinguer ici deux hypothèses :

a. Le bailleur n'avait sur la chose qu'un droit résoluble, de telle sorte que son droit de louer dépendait de son droit de disposer. Alors le louage finit par la résolution de ce droit. Exemple : quelqu'un a acheté sans payer. Le vendeur demande la résolution de la vente faute de payement; elle est prononcée. Le bail consenti par l'acheteur sera résilié. Il en serait de même si l'acquéreur avait acheté sous une condition résolutoire.

b. Le bailleur a le droit de louer la chose, mais ce droit peut venir à cesser sans que les baux faits en vertu de ce droit cessent. Par exemple l'usufruitier, le mari à l'égard des biens personnels de la femme (art. 595, 1429, 1430). C'est conformément à ces distinctions que la question de savoir si le bail est résolu, devrait être décidée. Mais la jurisprudence a quelquefois étendu aux hypothèses indiquées sous litt. a, les règles qui s'appliquent aux hypothèses qui tombent sous la lettre b, en s'appuyant sur l'art. 1673, al. 2; supra, no 1050). Ainsi elle a appliqué ces dernières règles aux baux passés par le donataire, dont la donation a été révoquée; aux baux passés par l'acquéreur dout

les droits ont été résiliés pour inexécution de son engagement, et même aux baux faits par un adjudicataire, dans le cas où le bien vendu a été exposé en revente sur folle enchère.

4o Le bail finit par l'éviction du bailleur. Le véritable propriétaire n'est pas tenu de respecter les baux faits par le bonæ fidei possessor.

1158.5° Le bail finit par l'expiration du terme fixé. Il cesse alors de plein droit. Cette règle n'est pas douteuse si le bail a été fait par écrit (art. 1737). Elle n'est pas douteuse non plus, lorsque le bail est sans écrit, qu'il a pour objet un fonds rural, et que sa durée est fixée, non pas par la convention, mais par la loi même. En pareil cas le bail, quoique fait sans écrit, cesse de plein droit à l'expiration du temps pour lequel il est censé fait (art. 1774, 1775).

Mais le bail verbal expire-t-il aussi de plein droit par l'échéance du terme fixé par la convention? Oui; car la circonstance de l'écriture est indifférente pour fixer la durée du bail. Le législateur a confondu la circonstance de l'écriture avec la fixation de la durée du bail. L'article 1737 n'est pas restrictif, mais seulement énonciatif; il statue sur ce qui a lieu ordinairement: id quod plerumque fit. C'est que souvent la durée des baux faits verbalement est indéterminée, tandis que la durée des baux faits par écrit est fixée.

Le bail cesse aussi de plein droit lorsque sa durée est fixée par la présomption de la loi (art. 1758). Il ne faut pas de congé dans ces cas. Troplong, nos 403 et 408.

1159.6o Le bail cesse par l'effet du congé. Lorsque la durée du bail est fixée, aucune partie ne peut donner congé avant son expiration. Si la durée du bail n'est fixée, ni par une convention expresse, ni par une présomption légale, chaque partie peut donner congé quand elle veut, pourvu qu'elle observe les délais fixés par l'usage des lieux (art. 1756). Le congé peut être donné par écrit ou verbalement, mais il ne peut pas être prouvé par témoins (arg. art. 1715). Il n'a pas besoin d'être accepté.

1160. Le contrat de louage n'est pas résolu par la mort du bailleur ni par celle du preneur (art. 1742). Le code a formellement exprimé cette règle, qui n'est qu'une application du principe qu'on est censé avoir stipulé pour soi et pour ses héritiers (art. 1122; supra, n°44), parce que, d'après quelques anciennes coutumes, par exemple celle de Lorraine, le louage était résilié par la mort ou par le mariage du locataire Mort et mariage rompt tout louage, disait-on. Loysel dit déjà que cette thèse était contraire à la raison. Instit. coutum., n° 474.

1161.

Le contrat de louage n'est pas résolu par l'aliénation de là chose louée, en ce sens que si le bailleur aliène la chose louée, il continue néanmoins à être tenu d'exécuter le bail. D'après les règles du droit romain, le successeur à titre particulier du bailleur n'est pas tenu de se conformer au bail. Car le locataire n'a qu'un droit personnel contre le bailleur ; il n'a pas un droit réel sur la chose; c'est contre le bailleur seul, avec lequel il a contracté, qu'il peut agir. Donc, si le bailleur vend la chose, l'acheteur, qui n'est pas lié par le contrat intervenu entre le bailleur et le locataire, peut expulser ce dernier, sauf les droits de celui-ci d'exercer son recours contre le bailleur. Le nouvel acquéreur, en expulsant le locataire, use de son droit de propriété; il n'a pas d'engagement envers le locataire; il n'est donc pas tenu aux dommages-intérêts, s'il l'expulse. C'est là le sens de l'ancien proverbe Vendage ou achat passe louage. » Loysel, no 472.

Si le nouveau propriétaire s'est engagé envers l'ancien (le bailleur) à tenir le contrat, le locataire ne peut pas lui opposer cette convention; elle est pour lui res inter tertios acta. Si l'acquéreur l'expulse, il doit agir contre le bailleur, parce qu'il n'a contracté qu'avec lui; mais ce dernier doit alors exercer son recours contre le nouveau propriétaire fr. 25, § 1; fr. 32, D., locati, 19, 2; L. 9, C., de locato et conducto, 4, 65.

Ces règles étaient suivies sous l'ancien droit, mais elles avaient déjà été modifiées pour les baux des biens ruraux par les art. 2 et 3 de la section II du titre I du décret des 28 septembre-6 octobre 1791, concernant les biens et usages ruraux et la police rurale. D'après ce décret, qui ne distingue pas entre les baux ayant date certaine et ceux qui n'en ont pas, la résiliation d'un bail de six années ou au-dessous ne pouvait avoir lieu, en cas de vente du fonds, que de gré à gré; et dans les baux de plus de six années, en cas de vente du fonds, le nouvel acquéreur ne pouvait exiger la résiliation que sous la condition de cultiver lui-même sa propriété, et moyennant un congé donné un an d'avance et des dommages-intérêts.

1162. Les principes de l'ancien droit sont les mêmes sous le code (art. 1750). Il ne sont changés que pour le cas où le locataire a un bail authentique ou dont la date est certaine. Le locataire, qui a un bail authentique ou sous seing privé ayant date certaine, a une espèce de droit réel sur la chose, qu'il peut faire valoir contre tout acquéreur : il ne peut être expulsé par l'acquéreur, que lorsque le bailleur s'est réservé ce droit par le contrat de bail (art. 1743).

1165. ditions:

L'expulsion ne peut avoir lieu que sous ces trois con

1° Que le locataire soit payé des dommages et intérêts stipulés pour le cas d'expulsion, ou comme suit: S'il s'agit d'une maison, appartement ou boutique, le bailleur paye, à titre de dommages et intérêts, au locataire évincé, une somme égale au prix du loyer, pendant le temps qui, suivant l'usage des lieux, est accordé entre le congé et la sortie. S'il s'agit de biens ruraux, l'indemnité que le bailleur doit payer au fermier, est du tiers du prix du bail pour tout le temps qui reste à courir. L'indemnité se réglera par experts, s'il s'agit de manufactures, usines, ou autres établissements qui exigent de grandes avances (art. 1744-1747);

2o Que ces dommages-intérêts aient été payés préalablement, avant l'expulsion par le bailleur ou par le nouvel acquéreur (art. 1749);

3° Que le locataire ait été averti au temps d'avance usité dans le lieu pour les congés. Il doit aussi avertir le fermier des biens ruraux au moins un an à l'avance (art. 1748).

1164. L'art. 1743 s'applique-t-il aussi au cas où le locataire ou fermier, qui a un bail authentique ou ayant date certaine, n'étaitpas encore entré en jouissance, ou seulement au cas où il était déjà entré en jouissance? Duranton, no 139 et Duvergier, nos 281 et 341, ne l'appliquent qu'au cas où le locataire est déjà entré en jouissance, se fondant sur ce que l'intérêt de l'agriculture ou de l'industrie ne souffre que lorsqu'il s'agit d'expulser le fermier ou le locataire déjà entré en jouissance; sur le mot expulsé dans l'art. 1743, et sur ce que la disposition de cet article est une exception aux anciens principes, et ne doit pas être étendue.

Cette opinion ne doit pas être suivie. Car l'art. 1743 n'établit pas une exception aux principes du droit commun, mais un droit nouveau dont la nature n'est pas exceptionnelle. Il attache au contrat de louage, à certains égards, un effet qui a quelque analogie avec un droit réel sur la chose, lorsque le bail est authentique ou qu'il a date certaine. Les discussions de cet article prouvent que le législateur a eu l'intention d'abolir les règles de l'ancien droit sur ce point. Rapport au Tribunat, no 11; discours du tribun Jaubert, no 7 (Locré, XIV, 451, 452 et 458); Troplong, 484-501; Paris, 24 juin 1858 (D. P., 1859, 2, 217); jugement du tribunal de Liége, 26 janvier 1861 (B. J., xx, 269).

1165. L'acquéreur à pacte de rachat ne peut user de la faculté d'expulser le preneur, jusqu'à ce que, par l'expiration du délai fixe

pour le réméré, il devienne propriétaire incommutable (art. 1751). Cette règle est conforme à l'ancienne jurisprudence. On considérait comme injuste que l'acquéreur à pacte de rachat, qui n'avait lui-même qu'une propriété résoluble au gré du vendeur, pût expulser le locataire. Pothier, no 294, combattait cette jurisprudence, laquelle, en droit strict, ne pouvait pas être justifiée.

V. DE LA RELOCATION OU RÉCONDUCTION TACITE.

1166. La relocation expresse, ou le renouvellement du contrat de louage par le consentement formel des parties n'a rien de particulier. Elle forme un nouveau bail. Il s'agit ici de la relocation tacite.

Elle s'opère lorsque le locataire continue de jouir de l'usage de la chose louée au delà du terme fixé par le contrat, au su et sans opposition du bailleur. Les parties sont censées consentir réciproquement à ce que le contrat soit continué (art. 1758). La tacite réconduction est fondée sur le consentement tacite et présumé des parties de vouloir faire un nouveau bail. C'est pourquoi elle ne peut pas avoir lieu si, à la fin du bail, l'une des parties est dans l'impossibilité de consentir, par exemple si elle est tombée en démence fr. 15, § 11; fr. 14, D., locati, 19, 2; Troplong, no 453.

1167. Il suit de ces règles: 1° qu'il ne peut être question de réconduction tacite, que lorsque la durée du premier bail est déterminée. Si elle ne l'est pas, c'est toujours le premier bail qui continue ; 2o qu'il ne peut pas y avoir réconduction, s'il y a opposition, c'est-àdire congé signifié.

Lors même qu'après le congé signifié, le locataire resterait en possession de la chose louée, il ne pourrait pas s'en prévaloir pour prétendre une tacite réconduction (art. 1759).

Il faut donc distinguer deux espèces d'actes, qui ont chacun un caractère différent, mais que le code désigne sous le nom de congé : a. Le véritable congé, donné dans l'hypothèse d'un bail dont la durée n'est pas déterminée, et qui a pour but de mettre un terme au bail. Le bailleur ne peut donner ce congé qu'en observant les délais fixés par l'usage des lieux (art. 1736).

b. L'acte d'opposition fait dans le cas où le bail a été contracté pour un terme fixé. Ce congé n'est pas nécessaire pour mettre un terme au bail (art. 1737, et supra, n° 1158). Le bail expire de plein droit. L'acte, par lequel le bailleur fait signifier au preneur qu'il doit sortir,

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