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se prononçaient pour la remise de la solidarité en faveur de tous les codébiteurs invoquaient la loi Si creditores, 18, C., de Pactis, 2, 3. Les partisans de l'opinion contraire se fondaient sur deux règles, la première, que nul n'est présumé renoncer à ses droits, et que dès lors le créancier qui a renoncé à la solidarité en faveur de l'un des débiteurs, n'est pas réputé avoir renoncé en faveur de tous; la seconde, c'est que les conventions n'ont pas d'effet à l'égard des tiers, et que l'acte par lequel le créancier décharge de la solidarité l'un des débiteurs, est chose tierce pour les autres. Cette opinion est celle de Pothier, Oblig., no 278. Elle est juste, et elle devrait être suivie en principe, de sorte que le créancier devrait avoir le droit de poursuivre la totalité de la dette contre les codébiteurs non déchargés de la solidarité.

Toutefois le texte de l'article 1210 dit que le créancier qui consent à la division de la dette, conserve son action solidaire contre les autres débiteurs, mais sous la déduction de la part du débiteur qu'il a déchargé de la solidarité, et la généralité des termes laisse croire qu'il doit en ètre ainsi, quand même le débiteur affranchi de la solidarité n'aurait pas payé sa part; donc, quand toute la dette existe encore. La comparaison dé l'art. 1210 avec les articles 1211 et 1212 confirme cette interprétation. V. Exposé de motifs, no 95; Rapport au Tribunat, n° 74; Disc. au corps législatif, no 13 (Locré, XII, 353, 443, 564).

130. Lorsque le créancier a, par son fait, rendu impossible la subrogation en faveur des autres débiteurs solidaires, aux sûretés existant à son profit, du chef de l'un des codébiteurs, il ne peut plus exercer que sous la déduction de la part de ce dernier, son action solidaire contre les autres débiteurs. (Arg., art. 2037 et 1382.) Pothier, n° 275.

2. DES RAPPORTs des codébiteurs SOLIDAIRES ENTRE EUX. (Art. 1213-1216.)

131. -La question de savoir si le débiteur solidaire qui a payé toute la dette a un recours contre ses codébiteurs, n'est pas susceptible d'une solution générale; elle dépend du rapport juridique qui existe entre les codébiteurs, puisque plusieurs personnes peuvent être tenues solidairement envers le créancier, quand même la dette ne concerne que l'une d'entre elles personnellement.

132. Si l'obligation solidaire a été contractée dans l'intérêt commun des débiteurs, par exemple par deux associés, elle se divise de plein droit entre eux, et chacun d'eux n'en est tenu

que pour sa part et portion dans l'affaire commune. (Art. 1213.) Le débiteur qui l'a payée en entier, ne peut répéter contre les autres que les parts et portions de chacun d'eux, afin d'éviter un circuit d'actions réciproques, lequel aurait lieu si chacun pouvait exiger contre son codébiteur la totalité de la dette sous déduction seulement de la part dont il serait personnellement tenu. (Art. 1214, al. 1.) Le codébiteur qui a payé ne peut exercer son recours que pour la part et portion de chacun, quand même il se serait fait conventionnellement subroger aux droits du créancier. (Arg. art. 875.)

Si l'un des codébiteurs se trouve insolvable, la perte qu'occasionne son insolvabilité se répartit par contribution entre tous les autres codébiteurs solvables et celui qui a fait le payement. (Art. 1214, al. 2.) Il en est ainsi, même dans le cas où l'un des codébiteurs a été précédemment déchargé de la solidarité par son créancier (no 128); car la convention intervenue entre le créancier et l'un des débiteurs ne peut pas préjudicier aux autres codébiteurs solidaires. (Article 1215.)

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133. On se demande si le recours a lieu même dans le cas où la dette nait d'un délit, par exemple si plusieurs ont été condamnés solidairement envers quelqu'un au payement des dommages-intérêts, à raison d'un délit qu'ils ont commis ensemble? D'après le droit romain, il n'y avait pas de recours; fr. 1, § 4, D., De tutela et rationibus, 27, 5; fr. 6, § 3, D, Mandati, 17, 1. Mais l'ancienne jurisprudence française accordait, en ce cas, à celui qui avait payé le total une action contre chacun de ses codébiteurs, pour répéter de lui sa part. On considérait cette action, non comme naissant du délit commis en commun, mais comme une espèce d'action utilis negotiorum gestorum, fondée sur le payement d'une dette commune, et sur l'équité. Pothier, Oblig, no 282, à la fin. Il est probable, et la généralité des termes des articles 1213 et 1214 autorise cette supposition, que les auteurs du Code ont voulu suivre l'ancienne jurisprudence. Dalloz, Rép., vo Obligations, no 1477.

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134. Si l'affaire pour laquelle la dette a été contractée solidairement ne concernait que l'un des coobligés solidaires, celui-ci serait tenu de toute la dette vis-à-vis des autres codébiteurs, qui ne seraient considérés, par rapport à lui, que comme ses cautions. (Art. 1216.) Ce cas est régi par les principes sur le cautionnement. (V. infrà, tit. XIV.)

135,- Dans tous les cas où l'un des codébiteurs solidaires a payé

pour les autres, il peut demander les intérêts depuis le jour du payement, en vertu de l'art. 2001 ou de l'art. 2028, al. 2.

SECTION V.

DES OBLIGATIONS DIVISIBLES ET INDIVISIBLES. (Art. 1217-1225.)

1.

OBSERVATION HISTORIQUE. NOTION DE L'OBLIGATION DIVISIBLE

ET INDIVISIBLE.

136. Dans cette matière les auteurs du code ont, sauf quelques modifications, suivi la doctrine de Pothier, Traité des obligations, nos 287-359, qui, lui-même, a suivi le traité de Dumoulin (Molinæus) intitulé: Extricatio labyrinthi dividui et individui. Il faut donc chercher dans Pothier et Dumoulin, plutôt que dans les sources directes du droit romain, l'interprétation des règles du code civil. En droit romain, cette matière offrait encore un intérêt pratique particulier, à canse des principes rigoureux de la procédure sur la plus petitio. Aujourd'hui les peines de la plus petitio n'existant plus, cet intérêt a disparu. 137.

faire

Une obligation est divisible, lorsque la prestation peut se par parties; elle est indivisible, si la prestation ne peut pas se faire par parties.

Cette distinction est sans importance lorsqu'il n'y a qu'un seul créancier et un seul débiteur. Alors l'obligation doit être exécutée entre eux entièrement, comme si elle n'était pas susceptible de division, quand même elle le serait. Le débiteur ne peut pas forcer le créancier à recevoir un payement partiel: le créancier ne peut pas l'exiger non plus sans le consentement du débiteur. (Art. 1220, 1244, alin. 1.)

La divisibilité n'a d'application que lorsqu'il y a, dès le principe, plusieurs débiteurs ou créanciers conjoints, ou lorsqu'un créancier ou un débiteur laisse plusieurs héritiers avant l'extinction de l'obligation. (Art. 1220, 1222, 1223.)

138. En règle générale, l'obligation contractée conjointement se divise entre plusieurs débiteurs ou plusieurs créanciers, et l'obligation unique se divise de plein droit entre les héritiers du débiteur et les héritiers du créancier. (Art. 1220.) La division n'a pas lieu lorsqu'il y a une cause qui rend l'obligation indivisible,

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159. L'obligation est indivisible: 1° lorsqu'une impossibilité juridique ou physique s'oppose à ce que l'objet de la prestation puisse être divisé intellectuellement, ou, en d'autres termes, lorsque la chose ou le fait ne sont par leur nature, et sous quelque point de vue qu'on les considère, nullement susceptibles de parties, et ne peuvent être ni stipulés ni promis par partie (art. 1217), individuum natura et contractu, d'après Dumoulin; indivisibilité absolue, d'après Pothier. Telles sont les obligations qui ont pour objet la dation d'une chose juridiquement indivisible; par exemple, l'obligation de constituer une servitude réelle ou d'en souffrir l'exercice, comme, par exemple, un droit de passage ou de vue; ou l'obligation de concéder une hypothèque ou de délaisser un immeuble hypothéqué. Telle est encore l'obligation de ne pas faire un voyage dans telle ou telle ville. Dans ces exemples, il est impossible de concevoir des parties des prestations mentionnées.

Mais une obligation n'est pas indivisible par cela seul qu'elle a pour objet une chose qui ne peut pas être matériellement ou physiquement divisée sans la destruction de sa substance, par exemple un cheval. Car, s'il est vrai qu'une chose semblable ne peut pas être divisée matériellement, elle peut se diviser intellectuellement ; c'est-à-dire, on peut s'imaginer des parts aliquotes on indivises d'un cheval. Un cheval peut appartenir à plusieurs copropriétaires, à chacun pour moitié, pour un tiers, et chacun des copropriétaires peut transférer la part indivise qu'il a dans la propriété de cette chose. Transférer sa part indivise, c'est faire sa prestation en partie.

Les obligations de faire sont en général indivisibles, parce que ce qui n'est pas fait entièrement, doit être considéré comme si ce n'était pas fait du tout. Il en est surtout ainsi lorsque le fait doit être exécuté par le débiteur en personne. (Art. 1237.) Mais l'obligation de faire serait divisible, si le fait avait un caractère fongible, de manière à pouvoir être presté par un autre que par le débiteur personnelle

ment.

Les obligations de ne pas faire sont en général aussi indivisibles, excepté dans les cas où ce que l'on s'est engagé à ne pas faire, peut se faire pour une partie, et ne pas se faire pour l'autre partie. Par exemple quelqu'un a promis amplius non agi, de ne pas vous soulever un procès, ou de ne pas vous troubler dans la possession d'un fonds. Après la mort du promettant, un de ses héritiers peut exécuter cette promesse tandis qu'un autre y contrevient en agissant dans les limites

de sa part héréditaire. La promesse a été exécutée en partie et violée en partie. 140. L'obligation est indivisible: 2o lorsque la chose ou le fait qui en est l'objet, quoique divisible par sa nature, n'est pas susceptible d'exécution partielle à raison du rapport sous lequel elle est considérée dans l'obligation. (Art. 1218.) Dumoulin l'appelle individuum obligatione; « res, ut debita est non potest praestari vel solvi pro parte,» dit-il. Telle est, par exemple, l'obligation de construire une maison ou un bateau. Cette obligation n'est pas indivisible contractu; car, il n'est pas impossible qu'elle se contracte par partie; mais elle est ordinairement indivisible obligatione. Dans l'obligation de construire une maison, on envisage moins le fait passager de la construction que son résultat final et permanent, c'est-à-dire la maison à construire; « ne pouvant donc y avoir de maison, qu'elle n'ait été entièrement construite, la forme et la qualité de la maison ne pouvant résulter que de la consommation de l'ouvrage, et ne pouvant pas y avoir de parties de ce qui n'existe pas encore; il s'ensuit que l'obligation de construire une maison ne peut s'accomplir que par la construction entière de la maison, et conséquemment que cette obligation n'est pas susceptible de parties et ne peut s'accomplir par parties, » dit Pothier, no 292.

Telle est aussi l'obligation de livrer un terrain destiné à une construction qui exige la totalité de ce terrain. Bien que l'obligation de livrer un terrain, abstraction faite de l'usage auquel il peut être destiné, soit divisible, elle cesse de l'être lorsque ce terrain, dans l'obligation, est envisagé comme destiné à un usage qui en exige la totalité ; car, on n'en peut rien retrancher sans qu'il cesse d'être la chose qui fait l'objet de l'obligation.

Par la même raison, il faut considérer comme indivisibles les obligations alternatives et les obligations generis, si le choix est au débiteur, alors même que la prestation de chaque objet compris dans l'une ou l'autre de ces obligations serait divisible. Car autrement un des héritiers du débiteur pourrait donner une partie de l'une, et un autre une partie de l'autre des choses comprises dans l'obligation. Ce ne serait pas une exécution de l'obligation, puisque deux moitiés de deux choses différentes ne font pas une chose entière. Maynz, Élém. de droit romain, § 276, note 5.

141. Les deux espèces d'obligations indivisibles définies sous les n° 139 et 140 diffèrent entre elles en ce que dans les premières la prestation est indivisible par sa nature, et que l'on ne peut pas en con

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