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1362. — Le prêt de consommation n'est pas essentiellement gratuit, comme le commodat (art. 1876, supra, no 1555); il est permis de stipuler des intérêts pour simple prêt, soit d'argent, soit de denrées ou autres choses mobilières. (Art. 1905.) Le contrat n'est un prêt à intérêt que lorsqu'il a pour objet des choses fongibles.

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1565. Les intérêts ne sont pas dus de plein droit; il faut qu'ils aient été stipulés. Toutefois le code les considère comme un dédommagement pour la privation des avantages que la somme ou la chose prêtée aurait pu procurer au prêteur, s'il en avait lui-même conservé l'usage. En partant de ce point de vue, il les considère en quelque sorte comme une obligation naturelle. « L'emprunteur qui a payé des intérêts qui n'étaient pas stipulés, » dit l'article 1906, << ne peut ni les répéter, ni les imputer sur le capital. » (V. art. 1235, et supra, nos 158, 159.) Dans son discours au corps législatif, no 6, le tribun Albisson dit que « cette doctrine avait été reçue jusqu'ici dans les provinces régies par le droit écrit, d'après la maxime usurae solutae non repetuntur, puisée dans la loi 3, C., de usuris, 4, 52; et cela, dans le temps même où la stipulation d'intérêts y était défendue. » (Locré, XV, 62).

Cette interprétation, qui semble réellement être l'origine de l'article 1906, était erronée; car la loi 5, C., de usuris, ne dit pas que les intérêts payés ne peuvent pas être répétés; mais elle dit que les intérèts ne peuvent être exigés qu'en vertu d'une stipulation; mais que, alors même qu'il n'y aurait eu qu'un simple pacte, ils ne peuvent plus être répétés ni imputés sur le capital s'ils ont été payés en vertu de ce pacte. C'est le pacte même qui est la cause de l'obligation naturelle.

1564. Le droit romain permettait la stipulation d'intérêts. Mayuz, Éléments de droit romain, § 266. Les théologiens du moyen âge et les canons de l'Église, confondant dans une même prohibition l'abus et le dédommagement légitime pour la privation de l'usage de

de la chose, défendaient tout prêt à usure ou à intérêt. V. Pothier, du prêt de consomption, nos 55-66. Les lois du royaume de France, notamment la déclaration du roi Philippe le Bel du 8 décembre 1312 et l'ordonnance de Blois de 1579 consacraient cette défense de stipulation d'intérêt pour prèt. Pothier, no 67. La plupart des jurisconsultes français, et particulièrement Pothier et Domat, combattent la légitimité des intérêts, au nom du droit naturel et de la morale.

Le taux légal de l'intérêt pour le contrat de constitution de rente (infra, no 1377), et pour le cas de demeure, était de cinq pour cent en matière civile; en matière de commerce, les usages n'avaient rien d'arrété sur le taux de l'intérêt.

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1365. Le décret de l'assemblée constituante des 3-12 octobre 1789, abolissant les dispositions contraires du droit canon et des anciennes ordonnances, permit à l'avenir à tous les particuliers, corps, communautés ou gens de mainmorte de prêter l'argent à terme fixe, avec stipulation d'intérêt, suivant le taux déterminé par la loi, sans entendre rien innover aux usages du commerce.

Le taux de l'intérêt commercial n'étant pas fixé, on concluait de la rédaction de cette loi, que la fixation de cet intérêt était abandonnée à la volonté des parties.

Plusieurs lois ont jeté de la confusion dans cette matière. On suppose souvent que l'argent a été déclaré marchandise et qu'il est dès lors devenu matière de commerce comme toute autre chose. Voici ce que nous trouvons à cet égard. Le décret des 5-6 septembre 1792 a prohibé l'exportation hors du royaume des matières d'or et d'argent soit en lingots ou ouvrages, soit en monnaie au cours de France ou de l'étranger. Le décret des 11-16 avril 1793 défend, sous peine de six années de fer, la vente du numéraire de la république et déclare qu'aucuns achats, ventes, traités, conventions ou transactions ne pourront contenir d'obligation autrement qu'en assignats. Le décret du 6 floréal an II (25 avril 1795) rapporte le décret du 11 avril 1793 portant que le numéraire de la république en or ou argent n'est pas marchandise, et en autorise l'exportation, en donnant caution de faire rentrer pour sa valeur des denrées de première nécessité. Le même décret autorise l'ouverture des bourses. Le décret du 2 prairial an (21 mai 1795) rapporte le dernier décret qui a déclaré marchandise l'or et l'argent monnayés et ordonne l'exécution des lois antérieures qui prohibent le commerce des monnaies métalliques.

Le décret du 11 avril 1793, art. 5, et celui du 8 avril de la même

année, art. 2, font mention d'un décret qui déclare l'argent marchandise; mais ce décret paraît n'avoir jamais été publié.

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Après ces diverses dispositions et à une époque où les assignats étaient déjà dépréciés, vint la loi du 5 thermidor an IV (23 juillet 1796), dont l'article 1er porte: « A dater de la publication de la présente loi, chaque citoyen sera libre de contracter comme bon lui semblera; les obligations qu'il aura souscrites seront exécutées dans les termes et valeurs stipulés. » L'article 3 abolit les dispositions des lois contraires à la présente. Le véritable but de cette loi était de lever la prohibition de stipuler les payements en numéraire au lieu d'assignats, portée par les lois précédentes. Mais les cours d'appel et de cassation y virent en même temps la proclamation du principe d'une liberté absolue en fait de stipulation d'intérêts, interprétation qui trouvait un appui dans la confusion qui régnait dans la législation antérieure. 1366. A l'époque de la publication du code, l'abus de l'usure était fréquent et il fut signalé. Mais comme le taux de l'intérêt peut varier d'après la loi de l'offre et de la demande, et que les transactions à cet égard avaient joui d'une liberté complète, le législateur hésitait à fixer le taux de l'intérêt. Il se borna à déclarer en principe qu'il appartenait au législateur de limiter le taux de l'intérêt conventionnel. L'article 1907, al. 1, dit que l'intérêt est légal ou conventionnel; que l'intérêt légal est fixé par la loi, et que l'intérêt conventionnel peut excéder celui de la loi toutes les fois que la loi ne le prohibe pas. La fixation de l'intérêt conventionnel continuait donc d'être laissée à la volonté des parties. Seulement le taux de l'intérêt conventionnel devait être fixé par écrit (art. 1907, al. 2), dans le but d'imposer à l'usure le frein de la honte. Discours au corps législatif, no 6 (Locré, p. 63). A défaut de fixation par écrit, l'intérêt était réduit au taux légal.

1567. — La loi du 3 septembre 1807 vint compléter la législation sur cette matière. Elle fixe le taux de l'intérêt au maximum de 5 pour cent en matière civile et de 6 pour cent en matière de commerce. Le débiteur qui a acquitté des intérêts plus élevés, peut exiger le remboursement de l'excédant par lui payé, ou l'imputation de cet excédant sur le payement du capital (art. 1-3). L'article 4 de la même loi érige l'usure en un délit puni d'une forte amende.

Cette loi n'est pas applicable aux prêts antérieurs à sa promulgation, même en ce qui concerne les intérêts qui ont couru depuis cette époque (art.5); le débiteur doit les intérêts de ces prêts au taux de la convention. Elle ne s'applique pas aux prêts sur gage faits par les monts-de-piété.

II. DU PRÊT ORDINAIRE A INTÉRÊT.

1368. D'après la loi du 3 septembre 1807, l'intérêt conventionnel ne peut excéder, en matière civile, cinq pour cent, ni en matière de commerce, six pour cent.

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L'art. 1907 du code n'est plus applicable aujourd'hui en ce qu'il prescrit que le taux de l'intérêt conventionnel doit être fixé par écrit. Le motif de cette loi a cessé. Cette disposition a été faite contre le créancier; aujourd'hui, le créancier ne pouvant jamais exiger au delà du taux légal, elle tournerait contre le débiteur, le taux conventionnel, s'il diffère du taux légal, devant toujours être au-dessous de ce dernier. 1569. La loi du 5 septembre 1807 atteint tous les actes faits pour déguiser un prêt à intérêt, par exemple le contrat pignoratif, ou la convention par laquelle le propriétaire d'un immeuble vend en apparence cet immeuble au prêteur, sous la condition de pouvoir le racheter pendant un certain temps, et de pouvoir le garder pendant cet intervalle à titre de bail, moyennant un fermage destiné à représenter les intérêts de la somme qu'il a reçue. Il en est de même d'autres contrats semblables.

1570. Les conventions qui déguisent un prêt à usure ne sont pas nulles; elles ont les effets qu'elles peuvent légalement avoir comme actes simulés, c'est-à-dire les effets licites attachés à la convention que les parties ont, en réalité, eu l'intention de conclure. Par exemple le contrat pignoratif vaut comme prêt avec antichrèse. Mais les intérêts payés, qui excèdent le taux légal, doivent être restitués ou imputés sur le capital.

1371. La preuve de l'usure peut se faire par témoins et par présomptions (art. 1353), quand même des actes sous seing privé ou des actes authentiques déclareraient que le créancier n'a reçu que l'intérêt légal. Les mêmes moyens de preuve sont admissibles pour prouver la simulation par laquelle le prêt usuraire est déguisé.

1372.- La défense de stipuler des intérêts au delà du taux légal ne s'applique pas aux conventions dans lesquelles le prêteur se soumet à des risques extraordinaires (arg. art. 1976 du code civil, 311, code de commerce). L'excédant des intérêts légaux est alors considéré comme une prime d'assurance. Elle ne s'applique pas non plus aux opérations qui ne sont pas de simples prêts, mais des contrats compliqués et mêlés de mandat ou de louage de services, telles que les opérations de la

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Banque foncière, de la Caisse des propriétaires, etc. Bruxelles, 3 janvier 1844; Cass. 26 décembre 1844 (B. J., II, 182; III, 189; P., 1845, 122). 1575. La quittance du capital donnée sans réserve des intérêts en fait présumer le payement et en opère la libération (art. 1908). Cette présomption exclut la preuve contraire. L'art. 1908 ne dit pas seulement que la quittance du capital fait présumer le payement des intérêts, mais il ajoute qu'elle opère libération. La libération peut aussi être fondée sur la remise. (Art. 1254, 1282, comp. avec l'art. 1552.) I n'y a plus d'action, Troplong, no 414; Duranton, no 606, admet la preuve contraire. Il nous semble que la preuve contraire doit être admise seulement lorsque la quittance a été donnée par erreur.

III. DES RENTES PERPÉTUELLES.

A. Notion de la rente et introduction historique.

1374. Uue rente est une prestation périodique consistant en argent ou autres choses fongibles.

L'obligation de faire une semblable prestation peut être contractée à titre gratuit, ou à titre onéreux.

Lorsque cette obligation a été créée gratuitement ou moyennant un capital que le débiteur a reçu, la rente s'appelle constituée, et le contrat par lequel elle a été créée : constitution de rente (art. 1909); si la rente a été stipulée pour prix d'un immeuble acheté par le débiteur, elle s'appelait autrefois rente foncière ou réservée (art. 550, et supra, livre II, titre ler), et le contrat s'appelait bail à rente.

1575. Une rente peut être constituée de deux manières, en perpétuel ou en viager. (art. 1910).

1376. Sur l'origine des rentes foncières, v. livre II, titre I; sur celle des rentes viagères, v. infra, titre XII, chapitre II. Ici nous ne traiterons que des rentes constituées.

C'est la défense de prêter à intérêt (no 1364) qui donna naissance au contrat de constitution de rente. Ce contrat renfermait une double aliénation; le débiteur vendait la rente, et le capital qu'il recevait était le prix de cette vente. Il devenait débiteur de la rente, et non du capital principal qu'il avait reçu, et que le créancier ne pouvait plus répéter contre lui; mais le débiteur pouvait toujours racheter la rente ou s'en affranchir, en remboursant le capital. D'un autre côté, on considérait aussi la constitution de rente comme une vente à

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